En commettant un livre incendiaire, Mahmoud Archane a au moins eu le mérite d'avoir ouvert le débat sur plusieurs sujets historiques et contemporains. Certes Archane n'y va pas avec le dos de la cuillère en accablant nommément et d'une manière virulente ses adversaires, voire ses amis. Mais dans un pays où la mémoire politique n'est pas sauvegardée par les acteurs mêmes de cette politique, le livre du secrétaire général du MDS ouvre la brèche dans une histoire très controversée. Il est vrai qu'Archane écrit son histoire à sa manière, défend sa personne, tire sur ses adversaires et règle ses comptes. Il ne s'en cache pas d'ailleurs et le dit ouvertement dans son livre qu'il a rédigé pour répondre à ses détracteurs : politiques et journalistes. Il s'en prend d'ailleurs d'une manière virulente à la chaîne 2M qu'il qualifie d'être à la solde de la gauche radicale et ses dérivés. Il fustige aussi le regard bienveillant de l'administration face à la déferlante de ce qu'il appelle les subversifs. Pour défendre sa dignité et son honneur, Archane a troqué sa casquette de politique contre sa tenue de commissaire. Il assume et emploie toutes les sortes de munitions pour tirer d'abord sur ses amis de la Mouvance populaire en accablant Mohand Laenser et à un moindre degré Mahjoubi Ahardane. L'actuel ministre de l'Agriculture et secrétaire général du MNP, Mohand Laenser en a eu pour son grade. Voire plus. Archane l'a traité de tous les maux jusqu'à évoquer " sa frilosité légendaire " et affirmer carrément que Laenser “ne se gène pas à laisser très souvent sa fierté aux vestiaires ". Quant à Ahardane, il lui souffle beaucoup plus le chaud que le froid en le convertissant de montagnard rebelle en un homme lisse et amorphe qui a renié certaines de ses positions et a perdu son âme. On ne sait pas si ces propos incendiaires sont dûs à la seule exclusion du MDS de la mouvance unifiée, mais il s'en dégage une haine viscérale qui dépasse toute logique. Mais la haine que ressent Archane pour la gauche est assurément plus violente à l'encontre de Ben Barka, Bensaïd et Fkih Basri et il le démontre avec des accusations parfois inédites. Comme celle de cette tentative avortée d'assassinat de Hassan II à la manière de John. F. Kennedy avec un fusil à lunettes. Fkih Basri aurait recruté un officier de police qui s'est déplacé à Paris où il a récupéré deux armes de ce type pour les faire passer par l'aéroport d'Oujda où il exerçait. L'autre révélation inédite et plus rocambolesque, c'est cette accusation contre l'istiqal qui aurait préparé un coup d'Etat civil contre feu Mohammed V. Selon Archane, le parti de l'Istiqlal aurait prévu de déposer le Sultan Ben Youssef en lui proposant une retraite dorée en France au moment où il transitait par l'Hexagone avant de regagner le Maroc indépendant . La suite, toute la suite est consacrée à des attaques ordonnées contre des politiques et des journalistes. Tout y passe: Mehdi Ben Barka accusé d'avoir soutenu l'Algérie pendant la guerre des sables. Abderrahmane El Youssoufi a, toujours selon Archane, orchestré sa fugue à Cannes en connivence avec les pouvoirs publics pour préparer les élections de 1997 et l'alternance de 1998. À en croire le chef du MDS, El Youssoufi savait en 1996 qu'il allait devenir Premier ministre et qu'il aura Driss Basri comme ministre de l'Intérieur. C'est à croire que les élections de 1997 et l'alternance n'étaient qu'une pièce de théâtre dont le scénario était connu d'avance.