Le devoir de servir la religion, et la règle de prêcher la sérénité. En sommant les prêcheurs et les imams à s'y astreindre, le ministre des Habous et des affaires islamiques, Ahmed Toufiq rappelle une évidence. D'abord, il y va de l'évidence de la croyance même, ensuite, le ministre est convaincu que la prière et les lieux de culte ne sauraient être un tremplin politique. Le jour où il s'est présenté, devant les représentants de la nation pour décliner, dans le droit fil de la restructuration du champ religieux, son nouvel agenda de recyclage des imams, le ministre savait, sans doute, qu'une page est désormais tournée. Les faits d'abord : animé par la volonté de mettre à niveau les mosquées du Royaume, le chef du département spirituel a privilégié la pédagogie. En clair : "un cycle de formation des imams et prédicatrices“. Au total, 150 imams et 50 prédicatrices sont sélectionnés, suite à une candidature ouverte pour les détenteurs d'une licence universitaire. Au menu : "un cycle de formation" qui, "ouvre la voie aux détenteurs de diplômes universitaires de contribuer, de manière permanente à l'encadrement de la société en matière d'imamat et de prêche de vendredi et de prédication religieuse". Le message du ministre on ne peut plus clair, fait d'une pierre deux coups : d'une part, le prêche et autres offices spirituels requièrent dorénavant un seuil du savoir respectable, et d'autre part, font face à la déferlante de la vulgate "érudite" des pseudo-imams qui, bénéficiant d'un endoctrinement farouche, font l'ombre à nos imams, la plupart du temps à bout de leur verbe. Au commencement était la parole. L'esprit de la méthode est à mettre sur le compte du style de l'homme. Toufiq a beau appeler à l'insertion des prêches "dans leur environnement social et politique pour contribuer à l'édification morale de la nation", il ne faut pas cependant s'y tromper. Le mot d'ordre va plutôt à contresens de la politisation de l'espace religieux : longuement décriée par différents acteurs nationaux, l'instrumentalisation de "l'autel divin" au service d'une certaine tendance politico-moraliste, bel et bien présente dans la scène politique, n'est plus tolérée. Désormais, toute tentation est inadmissible. A propos de la prédication, il convient donc de s'en tenir au rôle de " l'éducation religieuse " et la "préservation de la nation dans les conditions historiques actuelles". Passage obligé, aux allures d'un enseignement majeur : "les imams et prédicatrices (morchidates) ne doivent avoir aucune appartenance politique ou à un groupe extrémiste". Une condition sine qua non pour parer à toute "ritualisation" à connotation politico-séctaire à même de semer la zizanie et la discorde au sein de la communauté des croyants. On sait effectivement, depuis le temps du Plan de l'intégration de la femme et des festivals d'été que nos mosquées, ne sont pas toujours à l'abri des “excès et des emportements", maniant incision et accusation aux conséquences fâcheuses. Au lieu d'espaces baignant dans la béatitude onctifiée, les mosquées se sont trouvé, à maintes reprises, au cœur d'un débat purement politique ou se trouvaient sur le bord d'une crise de spiritualité. D'où la nécessité de la discipline religieusement observée. Loin de se cantonner aux règles disciplinaires et encore moins à un ordre hiérarchiquement établi, le "métier d'imam", est d'abord et surtout un cursus. A cet effet, "les cours et stages inculqués porteront sur la formation religieuse, l'imamat elle-même, l'actualité tant nationale qu'internationale et enfin les techniques de communication". Adieu donc, le prêcheur enturbanné, et bienvenue au “manager de la foi ?“ Loin s'en faut. Aux valeurs traditionnelles qui ont fait leur preuve, viennent se greffer les acquis des sciences modernes. Et tant, mieux. La refonte des champs religieux ne saurait être l'œuvre du seul mâle croyant. La femme, la morchida sera désormais au cœur du nouveau dispositif. Au quotidien, au moins. Car, déjà une Marocaine siège au Conseil supérieur des ulémas. Sans détours, d'ailleurs. Une première, fondatrice à tous égards. Moins qu'une "imama", le mihrab (lieu réservé aux imams) ne lui sera plus interdit. La possibilité offerte aux femmes d'êtres imams n'ayant jamais été catégoriquement et unanimement démentie (voir Tabari), les réflexes et traditions ont, cependant, fini par marquer l'imamat du sceau machiste de l'histoire des sociétés. Est imam qui est viril. Prévilégiant l'accompagnement pédagogique aux interminables "joutes exégètes", les chargés de la question de la foi ont plutôt penché vers une ouverture de l'esprit. A mi-chemin entre l'imam et le commun des croyants, la morchida renoue avec une tradition marocaine, devenue, hélas un simple souvenir et ouvre ainsi la voie (voix également) à plus d'ouverture d'esprit. En fait, le renouveau du "discours religieux", ce dernier quasi misogyne à bien des égards, prime ici sur un supposé "féminisme croyant".