Acquittement d'un Marocain à Rotterdam Aux Pays-Bas, le débat se poursuit sur la mise en liberté du jeune maroco-néerlandais de 18 ans accusé de terrorisme. Sept ans de prison ferme ont été requis contre Azzouz qui s'en tire avec une peine de trois mois pour infraction à la loi sur les armes, déjà purgés. Une première dans un procès qui faisait de ce jeune homme l'équivalent d'un Mounir Moutassadeq, lui aussi libéré en Allemagne. Erreur sur la personne, amalgame ou manque de preuves, toujours est-il que le groupe de Hofstad reste une énigme avec en arrière-fond l'ombre du GICM. La liberté pour le jeune marocain de la part du tribunal de haute sécurité de Rotterdam n'a pas été du goût d'une large partie de la population hollandaise. Sorti de prison le 6 avril après avoir purgé des mois en détention pour ce qu'on peut appeler une solide accusation pour terrorisme, l'une de ses premières expressions était physique puisqu'il a asséné quelques coups bien ciblés à un photographe qui l'attendait de pied ferme devant le grand portail de la prison. La suite aura été une série d'interrogations sur la justice en Hollande, le bien-fondé des accusations, les liens avec le GICM, les groupuscules essaimés en Belgique et de supposées connexions avec l'Italie. Autre ombre au tableau de ce dénouement pour le moins inattendu qui rappelle l'affaire Mohamed Daki en Italie ou Mounir Moutassadeq et Abdelghani Mzoudi en Allemagne, la grande crise politique évitée de justesse aux Pays-Bas. Cette liberté a suscité un concert de contestations par les grands partis politiques du pays. "Je me demande si on aurait pu, aux Pays-Bas, condamner ceux qui ont fait effondrer les tours jumelles de New York, dans l'hypothèse où leurs plans auraient été connus à temps", avait rappelé le président du CDA, le parti auquel appartient le ministre de la justice, Piet Hein Donner. Geert Wilders, chef de file d'un nouveau parti populiste en vogue en ce moment, a évoqué une décision "inouïe et scandaleuse". Ayaan Hirsi Ali, élue libérale d'origine somalienne, menacée par des groupes extrémistes pour ses prises de position critiques sur l'Islam, s'est inquiétée de la mise en liberté d'un individu "qui voulait faire sauter la Chambre". Devant le tollé provoqué par le pied de nez des juges du tribunal de Rotterdam, d'autres points noirs surgissent qui mettent cette affaire au centre d'un réseau plus compliqué dont l'axe mobile est situé quelque part entre Bruxelles, Milan et Madrid. Mais en attendant, Azzouz est libre aujourd'hui parce que le tribunal n'a pas trouvé une seule preuve solide pour le condamner. Flash-back Agé de 18 ans, Samir Azzouz a été accusé d'avoir préparé "des attentats contre le Parlement, l'aéroport d'Amsterdam ou une centrale nucléaire aux Pays-Bas". C'est ce qu'une source néerlandaise proche du dossier réitère non sans étonnement devant l'acquittement du jeune marocain. D'ailleurs le procureur Roger Lambrichts avait affirmé avec conviction que "Samir Azzouz doit être durement puni pour avoir suscité des sentiments de peur dans la société". Sans oublier que le procureur voulait juger le Marocain selon le code pénal appliqué aux adultes bien qu'il ait eu 17 ans au moment de son arrestation en 2004. Dans la lignée des grandes résolutions, le même procureur avait insisté sur la nécessité d'interdire le Marocain du droit de vote et du droit de se présenter à une élection pour éviter qu'on en fasse "une icône d'un éventuel mouvement islamiste radical aux Pays-Bas". L'injonction sonne doublement faux dans un pays qui a toujours décidé de mettre des œillères pour ne pas voir le danger grandissant intra-muros. Car, il ne faut pas s'y méprendre, les Pays-Bas ont toujours été très laxistes à l'égard du danger islamiste radical. Non pas que le cas Azzouz soit avéré, mais il est de notoriété policière, au sein des services de sécurité et de renseignements néerlandais que le spectre islamiste est une création locale qui n'a pas attendu le prosélytisme venu des frontières voisines que se soit l'Allemagne ou la Belgique. GICM et groupe de Hofstad Pour le procureur, Samir Azzouz "faisait partie d'un ensemble de personnes radicalisées et prêtes à passer à l'action violente". Il évoque ses contacts avec le meurtrier présumé du cinéaste Theo Van Gogh, Mohammed Bouyeri, ou d'autres membres du groupe Hofstad, un réseau terroriste pour lesquels une dizaine de suspects ont été inculpés aux Pays Bas. Sans oublier que le nom d'Azzouz avait été cité dans les enquêtes sur les attentats meurtriers de Madrid et de Casablanca. Pour la police néerlandaise, Azzouz est un "jeune homme intelligent" qui aurait basculé dans l'islamisme "probablement après les attentats du 11 septembre 2001". Une affirmation qui ne s'appuie sur aucun fait tangible puisque l'accusation s'est appuyée sur de minces indices pour établir des liens entre l'accusé et le terrorisme actif en Hollande. Premier indice: le testament trouvé chez Samir Azzouz, à son mariage couplé à des sessions de chat sur Internet et à des textes à caractère radical trouvés à son domicile. On a aussi évoqué les plans de la centrale de Borssele, du Parlement ou de l'aéroport découverts chez Samir Azzouz après son arrestation le 30 juin 2004, de même qu'un silencieux et des chargeurs. On étaye de telles thèses sur son implication en ajoutant à son dossier le hold-up dans un supermarché de Rotterdam qui visait à "financer le Jihad". On avait volé plus de 700 euros à l'époque. Mais aucune preuve n'a pu établir des liens solides avec des groupes terroristes en activité en Europe. Pour la défense de Samir Azzouz, il y avait un bon coup à plaider en tablant sur la minceur du dossier pour contrecarrer les dessins de l'accusation. "Mon client est accusé d'intentions qu'on lui prête, son dossier ne contient pas de preuves", assénait l'avocat, Victor Koppe qui disait qu'il était "peu crédible qu'un seul individu prépare six attentats". Seule certitude dans cette affaire, les velléités de jihadiste du jeune Samir Azzouz qui avait été arrêté une première fois en 2003 après avoir tenté de se rendre en Tchétchénie pour participer à la "guerre sainte" mais il avait été libéré faute de preuves sur ses intentions terroristes. Azzouz remet une question épineuse sur le tapis en Europe : les jihadistes sont-ils des terroristes ? À l'instar de ce qu'avait vécu Mohamed Daki en Italie, la justice néerlandaise tranche dans cette affaire et affirme que le fait de se porter sur une terre où le jihad est de mise, comme c'est le cas dans le Caucase, ne signifie pas automatiquement une affiliation à Al Qaïda ou à des groupes terroristes. Pourtant, si Azzouz n'a rien à voir avec toute la flamme radicale en puissance en Hollande, aurait-il eu des contact avec certains noms liés aux attaques de Casablanca et de Madrid ? Pour l'heure, certains parlent d'une éventuelle rencontre en Hollande avec Saïd Berraj, accusé à Madrid et en fuite depuis mars 2004. Le même Berraj aurait été caché par des "frères" en Italie, ce qui nous fait boucler un tour entre Madrid, Rotterdam et Milan. Si cela s'avérait vrai, le groupe de Hofstad serait aujourd'hui la plaque tournante d'une grande connexion qui pourrait réserver beaucoup de surprises. En tout cas, cette thèse est aujourd'hui prise au sérieux dans plusieurs milieux de lutte anti-terroriste en Europe. Et les prochains mois pourraient apporter de précieux éclaircissements.