Soutien du Maroc au Mouvement de libération algérien (1) L'Algérie indépendante ne peut renier les faits historiquement avérés, intégrés dans la conscience collective des deux peuples, d'un soutien sans limites du Maroc à la lutte armée de libération anticoloniale. Les documents classés “secrets“ émanant de la puissance occupante attestent fortement de l'envergure d'une “rébellion“ quasiment généralisée qui risquait, à tout moment, d'embraser les deux fronts voisins. A telle enseigne que le Royaume courait, en permanence, la menace de mettre en péril sa souveraineté fraîchement conquise. Tous ces sacrifices communs, glorifiés dans la mémoire nationale, l'Algérie ne devrait surtout pas l'oublier. La mobilisation générale des autorités et des populations marocaines de l'Oriental était un phénomène collectivement remarquable qui attestait de l'engagement total du soutien du Maroc au mouvement de libération armée déclenchée, par l'Algérie combattante, le 1er novembre 1954. Un constat d'une situation qui ravivait la flamme révolutionnaire des Marocains, militants du nationalisme arabe et maghrébin et attisait l'angoisse et la panique dans les rangs des forces occupantes. Désemparée, la France coloniale souffrait à maîtriser l'ampleur de ce phénomène qui confondait les combattants des deux bords, croissant de jour en jour et risquant d'entraîner toute la région, Tunisie comprise, dans une guerre totale. “Cet équipement de la province d'Oujda constitue une des formes principales de l'aide que trouve au Maroc la rébellion algérienne. Des bandes armées incontrôlées utilisent la zone frontalière marocaine comme base de repli, de recueil et de repos. Elles peuvent s'y refaire et s'y entraîner sans risque“, expliquait notamment un de ces rapports “secrets“ de l'occupation. Oujda, Wilaya 5, Base n°15 Les 40.000 ressortissants algériens vivant au Maroc en 1950 ont rapidement vu ce chiffre se démultiplier pour dépasser le cap des 100. 000 dès le déclenchement de la lutte armée. La plupart étaient actifs dans les cellules du FLN réparties sur la région de l'Oriental qui exerçaient, de l'avis des informateurs des “résidences coloniales“ qui en informaient régulièrement le Quai d'Orsay, “une emprise certaine et efficace“. Ces mêmes documents secrets ne cessaient de mettre en garde les responsables métropolitains, mis au parfum des mouvements fréquents de collectes, souscriptions et impositions extraordinaires qui s'ajoutaient aux recettes “fiscales“ prélevées sur les salaires des FMA (Français Musulmans d'Algérie) destinées à l'alimentation des caisses du FLN. Les sommes ainsi recueillies représentaient des centaines de millions de francs par mois et seraient acheminées soit vers Tanger, où les opérations de change s'avèrent plus aisées, soit vers Oujda où elles permettent de venir en aide aux réfugiés les plus éprouvés et de parfaire l'équipement de la province comme soutien logistique des forces combattant en Oranie. C'est dans l'Oriental, dans l'ex-zone khalifienne et à Tanger que les Algériens musulmans participent le plus activement au trafic d'armes dont il semble bien établi maintenant qu'il part de Nador où une équipe de réception algérienne a été mise en place par Boudiaf au début de 1955. Les ateliers de fabrication d'explosifs installés à Oujda représentaient une forme particulièrement efficace d'aide militaire à la résistance algérienne. Les Français ont admis l'importance décisive du soutien du Royaume, soutenu, par les émissions de la diffusion radiophonique de “La voix de l'Algérie combattante“ autant que dans “l'affaire Ben Bella“ sur laquelle les intentions malfaisantes ont tellement brodé pour brouiller les pistes et les alliances. Voyons quelques faits significatifs du soutien du Maroc à la révolution armée algérienne. Le 30 avril 1958, une note “top secret“ émanant du commandement supérieur Inter-Armées de la 1ère Région militaire coloniale, prise à défaut par l'importance croissante de l'aide marocaine à la “rébellion“ affirmait d'emblée : “l'attitude du Maroc à l'égard de la rébellion est en train de se modifier radicalement dans le sens d'une coopération active. Or, le système logistique que le FLN avait mis en place dans ce pays en 1956 et au début 1957 existe toujours. Il peut très rapidement sortir de son demi-sommeil et fournir un soutien efficace qui se traduit par une valorisation notable des Wilayas 4 et 5“. Le discours, à l'époque, du Sultan Ben Youssef revendiquait clairement et publiquement “un appui total à l'Algérie combattante, l'évacuation de toutes les troupes étrangères et la réalisation de la Fédération Maghrébine“. Oujda, fief du FLN et de l'ALN Les infrastructures du FLN en territoire marocain comprenaient des bases PC à Oujda servant de fief de la Wilaya 5 Base n°15, (Mintaka), Janset-Boubker (Mintaka 1, Base n°5), Berguent et Figuig (Mintaka n°8). aussi, des dépôts étaient localisés à Oujda et Nador et des centres d'hébergement et de mise en condition installés à Taourirt et Berkane, Saïdia et Berguent. Auxquels sont venus s'ajouter des centres d'instruction dans les transmissions, dépannage, radio et électricité à Nador, de formation politico-militaire à Larache et des camps d'entraînement militaire à Khemisset et Saïdia. Des ateliers de fabrication de bombes, de mines et cocktail molotov étaient actifs à Oujda, une “usine“ de fabrication de grenades à Tétouan et une fabrique de bengalores à Boubker. Ce qui représente un potentiel impressionnant en armements et munitions susceptibles d'être livrés, à tout moment, à la révolution algérienne. Comme le confirme le contenu des cargaisons des navires “KORSOE“ et “BRIDJA“ transportant, respectivement, 20 tonnes d'armes dont 20 mortiers de 81 mm et 40. 000 obus à Nador en septembre 1957 et 78 tonnes d'armes et de munitions à Casablanca. L'Oriental, double fief, politique et militaire, de la résistance algérienne avec l'implantation du FLN et de l'ALN en grande partie constituée équipée et formée dans cette région militante et brave du Royaume qui s'est vue, actuellement, suprême ingratitude, séparée de force par le bouclage inique des frontières qui n'ont jamais existé entre les deux pays “frères siamois“. Les rapports de la puissance métropolitaine en attestaient constamment, et de l'envergure dans sa dimension et de son efficacité dans son organisation : “la présence de plus en plus visible de l'ALN (Armée de libération nationale ) dans les régions frontalières et son activité de plus en plus agressive contre les troupes françaises en Algérie“ irritaient de plus en plus les colonisateurs incapables de maîtriser un Maroc qui s'est fondu, corps, âme et biens, dans le soutien sans limites à la lutte pour l'indépendance de l'Algérie. C'était le 25 août 1959.