Entretien avec Najib Zerouali, membre du bureau politique du RNI L'ex-ministre et membre du bureau politique du RNI, Najib Zerouali, est un homme pragmatique qui ne joue pas avec les mots. C'est normal que ce professeur en médecine décortique les chamboulements qu'a connus le RNI avec la sérénité d'un homme en blouse blanche dans un bloc opératoire. La Gazette du Maroc : en tant que professeur en médecine quel check-up pouvez-vous faire du RNI aujourd'hui pour ce qui est de la gestion du parti et de sa représentativité au sein du gouvernement ? Najib Zerouali : le RNI est un parti très important dans notre pays puisqu'il n'a cessé de prendre de l'ampleur depuis sa création. C'est un parti qui est resté toujours fidèle à sa ligne directrice et également très attaché à ses engagements. À preuve tant au sein du gouvernement de l'alternance que celui dirigé aujourd'hui par Driss Jettou, le parti a sacrifié ses intérêts particuliers au profit de l'instauration d'une société moderne et démocratique. Naturellement, ces sacrifices se répercutent sur la marche interne du parti dont les militants aspirent légitimement à ce que le RNI occupe sa véritable place dans toutes les institutions du pays. C'est normal qu'il y ait de la contestation tant que le parti n'est pas représenté au prorata du poids de son électorat aussi bien au gouvernement qu'ailleurs. Les revendications des militants sont tout à fait légitimes et leur mouvement de contestation est normal dans la mesure où ils défendent le principe de la proportionnalité qui est l'essence même de la démocratie. Vous avez créé en octobre 2004 une commission interne chargée de l'évaluation de toutes les structures du parti. Quelles ont été ses conclusions ? Suite au remaniement ministériel du 7 juin dernier, le bureau exécutif, en accord avec le président, a décidé de constituer une commission chargée de la restructuration du parti. Cette commission a été présidée par Hafidi Alaoui et comprenait comme membres les deux présidents du groupe parlementaire dans les deux chambres, Mohamed Aboub et Madi Benkaddour. Y siégeaient aussi Taieb Bencheikh, Naima Farat et moi-même. Cette commission s'est assignée comme mission de restructurer le parti et répartir les attributions au sein de son bureau exécutif et ceci, conformément au règlement intérieur du parti. Après trois réunions ponctuées par la rédaction d'un rapport, on est arrivé à des conclusions prises par consensus général. Ledit rapport a été validé par le bureau exécutif et ce, avec l'assentiment du président Ahmed Osman. Ce rapport recommande notamment la création du poste de trésorier général du parti, la prise de décision par voix collégiale et la mise en œuvre de plusieurs commissions. Il a été ainsi décidé de réactiver plusieurs organes créés par le congrès dont notamment la commission des sages et celle des relations intérieures et extérieures. L'ensemble de ces structures ont fait l'objet d'un débat en décembre 2004 qui s'est soldé par l'élection de coordinateurs et du trésorier général. Mais quel a été l'objectif de la réunion du bureau exécutif du 25 mars dernier? Cette réunion a été consacrée à la concrétisation de toutes les décisions qui ont été prises pour la restructuration du parti. Pour ce faire, une commission composée de Krafess, Zanid et Boutaleb, a été chargée de mettre la machine en marche. Il fallait d'abord arrêter les comptes financiers du parti pour que le nouveau trésorier général puisse reprendre le relais dans la transparence la plus totale. La commission a réaffirmé aussi la collégialité de la décision et des différentes prises de positions politiques afin que cesse toute initiative individuelle. Je tiens à préciser que tout ceci a été décidé à la demande et avec l'accord explicite du président Ahmed Osman qui a donné son accord sans la moindre hésitation. Ce qui n'est surprenant pour personne tant que cette démarche consolide la démocratie interne au sein du RNI. Autrement et pour éluder tout esprit de polémique que certains cherchent à attiser, le RNI, par sa restructuration de 2004, a anticipé sur la loi sur les partis politiques qui sera discutée prochainement au Parlement. Vous avez aussi et surtout évoqué la problématique des biens du parti qui étaient enregistrés au nom du président ? Vous savez, c'est une tradition au Maroc : tous les secrétaires généraux ou les présidents enregistrent les biens immobiliers des partis et autres en leur nom. Ce n'est donc pas une spécificité du RNI, ce qui ne nous a pas empêché de déroger à cette règle en demandant que le siège soit enregistré au nom du parti. Je puis vous assurer que sur ce point et sur tous les autres sujets évoqués, le président Osman ne s'est jamais opposé à aucune suggestion. Il a même signé de ses propres mains toutes les conclusions du rapport de la commission chargée de la restructuration du parti qui a fait l'objet d'ailleurs d'un consensus général. Mais ce consensus général ne signifie pas la fin de la grogne des militants qui réclament que le RNI soit représenté à tous les niveaux institutionnels au prorata de ses élus ? C'est vrai et ce sont des revendications tout à fait légitimes dans un pays démocratique comme le nôtre. Personne ne conteste que le RNI est sous-représenté au sein du gouvernement de Driss Jettou comme il l'a été lors du premier gouvernement d'alternance. Dans le cabinet de Abderrahmane Youssoufi, nous ne disposions que de six portefeuilles alors que le RNI avait le même nombre de députés que l'USFP. Aucune logique politique ou arithmétique n'a été suivie dans la répartition des postes ministériels et ce, même au niveau de la qualité des portefeuilles qui ne correspondent pas au poids réel de notre parti. Il en est de même aujourd'hui avec le gouvernement Jettou avec une représentativité qui ne répond pas aux aspirations des militants du RNI. Mais comme nous sommes un parti facilitateur de l'action publique, nous avons accepté de faire ces concessions. Mais cela ne doit pas être interprété de manière erronée, car le fait d'être compréhensif ne nous empêche pas d'exprimer notre mécontentement vis-à-vis d'un quota inéquitable. Ce qui se passe aujourd'hui dans votre parti n'est-il pas l'ouverture inéluctable à l'arrivée d'une nouvelle génération à la tête du RNI ? Il est extrêmement important de renforcer les partis politiques dans l'encadrement de la société et de la vie publique. C'est l'essence même de toute action démocratique que de donner aux partis les moyens de leur mission. Or, les moyens manquent terriblement aux partis qui ont de plus en plus de la peine à convaincre, donc à recruter et encadrer au sein de la jeunesse ou autre. Ceci étant, le RNI possède une riche pépinière de jeunes cadres qui sont aptes à prendre la relève après avoir étés aiguisés à l'école des grands. La preuve est démontrée par les résultats des élections qu'elles soient législatives, régionales ou professionnelles. L'action de ce que vous appelez la nouvelle génération est celle du RNI qui consiste à participer à la consolidation de la démocratie et à la modernisation de la gestion du pays comme l'a si bien tracé SM le Roi Mohammed VI dès son intronisation. Ceci étant, et pour répondre d'une manière précise à votre question, la loi de la vie est ainsi faite : les jeunes viennent toujours à la rescousse des vieux. Pour la bonne raison que les vieux ne peuvent être indéfiniment vieux. C'est aussi simple que ça. L'élection de la présidence de la première chambre du Parlement a suscité beaucoup de remous au sein de la majorité. Comment avez-vous vécu cet événement au sein du RNI et n'étiez-vous pas inquiets de ce qui adviendra de cette majorité multiforme ? Nos militants ont vécu cette échéance comme une suite logique de nos précédentes prises de position. Nous avons donc entamé ces élections avec beaucoup de sérénité, parce que nous n'avions pas présenté de candidat et que, de surcroît, notre choix était déjà fait. C'est par décision collégiale que nous avons décidé le plus naturellement du monde de voter pour Abdelouahed Radi, celui-là même que nous avions soutenu en 1997 et en 2002. Nous avons opté pour la continuité, parce que rien n'a changé depuis et que, par ailleurs, nous détenons la présidence de la chambre des conseillers. Il ne faut pas être gourmand. Quant à la cohésion de la majorité, j'espère qu'elle ne sera pas ébranlée par ce qui s'est passé. Un événement qui est, somme toute, ordinaire au-delà des susceptibilités des uns et des autres. Il faut maintenir la cohésion de la majorité jusqu'aux élections de 2007 pour que l'opinion publique soit rassurée. J'estime que cette culture politique que nous essayons d'instaurer ensemble depuis quelque temps puisse perdurer pour préserver l'image de la majorité et du gouvernement. En définitive, j'espère que la sagesse l'emporte sur les intérêts personnels pour le bien de tous les Marocains. Y compris au sein du RNI ? Quelles relations entretenez-vous avec le président Ahmed Osman après les derniers changements que vous avez opérés au sein de vos structures ? J'ai des relations normales avec le président du parti Ahmed Osman. Vous savez, je suis un homme très pragmatique qui n'a pas honte de louer les qualités d'un homme si j'en suis convaincu et qui le contredit quand j'estime qu'il a tort. Ahmed Osman est connu par la majorité de la classe politique, toutes tendances confondues, comme un homme de principe qui prend des positions courageuses. C'est lui qui m'a initié à la politique. Il est mon maître, mais cela ne m'empêche pas de ne pas être d'accord avec lui sur certains sujets. Pour terminer comme vous avez commencé en employant un terme médical, la différence d'opinion est un signe de bonne santé.