Procès de Fatiha Jeblia Le 5 avril 2005 est un jour décisif pour les prévenus impliqués dans l'affaire de drogue de la baronne Jeblia. Ce jour-là, la Cour d'appel de Rabat rendra finalement son verdict. Alors qu'ils se disent tous innocents, les policiers et gendarmes accusés, sur la base des témoignages, risquent des peines très lourdes à l'image de ce qui s'est passé dans l'affaire Erramach. Chaque jour qui passe s'accompagne d'une inquiétude grandissante chez les accusés dans l'affaire de drogue connue sous le nom de “Jeblia”. La date fatidique approche à pas de géant. Le compte à rebours enclenché, il y a quelques jours, s'arrêtera décidément le 5 avril 2005. Ce jour-là, sauf imprévu, la Cour d'appel de Rabat (1er degré) rendra son verdict dans cette grosse affaire de drogue où sont impliqués plusieurs hauts fonctionnaires de la police de la ville de Salé et certains agents de la Gendarmerie royale accusés de collusion avec la baronne Fatiha Hamoud alias Jeblia. Un verdict très attendu dans une sale affaire qui a révélé l'ampleur de la corruption chez les forces de l'ordre de la ville de Salé. A moins d'un autre report, pour une raison quelconque, les accusés, une trentaine au total ( 25 policiers et 7 gendarmes), devront répondre d'actes gravissimes comme la corruption et la complicité devant la justice. La dernière audience tenue mardi 29 mars a été décisive pour l'ensemble des prévenus qui ont dit leur dernier mot. Seule Fatiha Hamoud, principale accusée, présente dans la salle d'audience, en a été épargnée. Et ce pour une raison toute simple : son avocat, Me Abdelfetah Zehrach, absent, a subi, il y a quelques jours, une opération chirurgicale à l'Hôpital Cheick Zayed à Rabat. Confrontations et plaidoiries Contacté par LGM, celui-ci, en convalescence, a affirmé effectivement que sa santé ne lui permettra pas d'assister à la dernière audience du procès Jeblia. Dans ce sens, il se fera représenté par Me Sebbar, avocat au barreau de Rabat, à qui incombe désormais la défense de la baronne de Salé. Un faux espoir pour l'accusée principale sur laquelle pèse des charges si lourdes comme l'association de malfaiteurs, trafic de dogue, corruption des fonctionnaires… La machine judiciaire ne s'est pas arrêtée pour autant puisque lors de cette audience tout, ou presque, a été déballé. Une longue procession d'auditions, de confrontations, de réquisitoires et de plaidoiries qui durera jusqu'à une heure tardive de la soirée. Les questions du président Sedrati, ex-magistrat de la Cour spéciale de Justice, ont été directes et parfois brutales, sans autre forme de précautions verbales eu égard à l'ancien statut des personnes interrogées. Ces derniers ne sont plus que des suspects à qui l'on demande la vérité sur leur responsabilité effective par rapport à leur implication dans cette grosse affaire de drogue. Des agents des forces de l'ordre, dont notamment l'ex-chef de sûreté de la ville de Salé, qui, selon les chefs d'inculpation, se sont constitués en association de malfaiteurs pour couvrir les activités illicites de Jeblia qui faisait l'objet de plusieurs avis de recherches. Reportée, à plusieurs reprises, l'affaire entre dans sa dernière phase sous pression du parquet général de la cour d'Appel qui a réclamé avec insistance de boucler ce dossier qui n'a que trop duré. Le substitut du procureur général du Roi chargé de l'affaire, Abdelkrim Echafii, a demandé dans son réquisitoire de condamner sévèrement la baronne de drogue pour les actes prouvés qu'elle a commis et a requis l'application d'une autre peine pour confisquer ses fonds et ses biens acquis par son activité illicite. Ramifications dangereuses Jeblia, qui a ouvert une plaie béante dans le corps des forces de l'ordre, va-t-elle revenir sur ses aveux lors de cette dernière audience ou va-t-elle enfoncer davantage ses présumés complices, qui se trouvent en détention préventive à la prison civile de Salé depuis l'éclatement de l'affaire au mois de septembre 2004 ? A la manière avec laquelle se déroule ce procès fleuve, tout prête à croire que cette dernière n'hésitera pas à pencher vers le premier choix. Durant toutes les audiences, une dizaine à peu près, la baronne et son complice n'en fait qu'enfoncer le clou dans le dos de leurs supposés acolytes. Dans leurs déclarations respectives aux juges, Fatiha Hamoud et Aziz Belahcen, alias Dab, persistent et signent. Comme ils n'ont plus rien à perdre dans cette affaire, ils ont tout fait pour faire tomber leurs présumés anciens protecteurs. Or, l'enquête menée par la Brigade nationale de la police judicaire ( BNPJ ), appuyée par le parquet de la Cour d'appel de Rabat et le juge d'instruction de la même juridiction, s'appuie uniquement sur les aveux de Jeblia pour démonter l'implication, à différents degrés, des fonctionnaires de la police et autres agents de la Gendarmerie royale, et les ramifications très graves du réseau de la drogue de Salé. Ce que la défense des prévenus rejette catégoriquement. Les agents d'autorité aujourd'hui encore, se disent innocents. Les avocats n'ont pas cessé de réitérer l'acquittement de leurs clients, étant donné que les déclarations de Jeblia et son complice ont été animées plus par un esprit de vengeance que par autre chose. “Leurs aveux sont considérés comme nuls et ont été prononcés dans l'intention de nuire aux agents des forces de l'ordre impliqués dans cette affaire”, a crié dans la salle l'avocat de l'ancien chef de la brigade de lutte contre les stupéfiants à Salé. Preuve en est, poursuit-il, que le témoignage de Dab, le complice de Jeblia ne peut être recevable puisque le même trafiquant a été arrêté par la même brigade en avril 2003. C'est le cas également pour les autres avocats dans l'affaire qui ne cachent pas leur déception. Connexions non prouvées Ils l'ont signifié clairement dans leurs différentes plaidoiries et ont dit haut et fort qu'ils n'ont rien trouvé dans ce dossier sinon les déclarations infondées d'une certaine Jeblia et de son complice Belahcen. Ils dénoncent dans ce sens la marche forcée de Fatiha Hamoud alors que les preuves concrètes, disent-ils, n'ont rien apportés lors de ce procès. Est-ce pour autant un argument convainquant pour amener les juges de la Cour d'appel de Rabat à disculper tous prévenus? Pas si sûr. Dans une affaire similaire de drogue, celle de Mounir Erramach (le baron du Nord), celui-ci a entraîné dans sa chute plusieurs grosses pointures dans le corps de la police, la gendarmerie royale, de la douane, et du ministère de la Justice. Toutes proportions gardées, bien entendu, l'une comme l'autre, ont fait état de la relation des gros bonnets de la drogue avec les autorités du pays. L'ex- cour spéciale de Justice ( CSJ ), dissoute depuis, saisie de l'affaire avait rendu des jugements très sévères à l'encontre des prévenus sur la base des seuls aveux de Mounir Erramach. Selon plusieurs avocats interrogés, le cas de Fatiha Jeblia et de ses présumés complices n'échappera pas à la règle. Les verdicts attendus mardi 5 avril seront incontestablement lourds. Les prévenus risquent gros dans cette affaire qui a remis sur le tapis la connexion du monde des barons de la drogue avec certains agents des forces de l'ordre du pays. Entre temps, la campagne de lutte contre la drogue ne connaîtra pas de répit depuis le déclenchement de l'affaire Erramach. Au nord, comme dans le reste du pays, les pouvoirs publics ont décidé de frapper fort et de redoubler de vigilance. La décision a été prise par les hautes instances du pays que la guerre contre les stupéfiants sera désormais intense et perpétuelle.