Mohamed Daki Milan est secouée depuis quelques jours par une affaire qui dépasse tout entendement. Mohamed Daki, un Marocain, âgé de 40 ans, oppose le ministère de la Justice au ministère et de l'Intérieur et divise tous les partis politiques sur son acquittement par la justice italienne. Son expulsion met la scène politique italienne dans de beaux draps. Retour sur un cas d'école. L'affaire a très vite pris des proportions d'affaire d'Etat. Blanchi par le juge, Clementina Forleo, du tribunal de Milan, le Marocain se voit expulsable suite à un arrêté décrété par le ministre de l'Intérieur, Pisanu en personne. Coupable ou pas, le Marocain a purgé sa peine de 22 mois. Mais les politiques semblent voir la question sous un angle du moins inédit. Pour comprendre cet imbroglio, il faut remonter à une déclaration du juge Forleo. C'est cette phrase qui a mis le feu aux poudres: les trois hommes planifiaient “des activités de guérilla” en Irak et non “des activités visant à semer la terreur”. Mohamed Daki, un Marocain vivant en Italie, âgé de 40 ans et deux autres compères, se voient blanchis de l'accusation de terrorisme. Dans la foulée, le procureur milanais chargé des questions antiterroristes avait indiqué que le parquet ferait appel. Il estimait que les éléments fournis par l'accusation, notamment des écoutes téléphoniques dans lesquelles les accusés parlaient “de recruter en Italie des combattants capables de croiser le fer, étaient sans ambiguïté et concernaient la planification d'attentats en Irak.” Deux visions paradoxales qui vont diviser l'Italie et mettent le gouvernement Berlusconi devant un cas historique sans précédent. Ballet politique Il a fallu que le ministre des Affaires étrangères italien, Gianfranco Fini, participe au concert des voix montantes autour du cas Daki. Il avait fait part de son “indignation devant le travestissement d'une réalité qui s'étale aux yeux de tout le monde“ tout comme de nombreux dirigeants de la droite. Prévisible ? Certes, mais ce n'était là que le début d'une longue série de règlements de compte politiques avec au centre des débats, le Marocain blanchi par la justice. Pourtant l'affaire est très simple : le juge Clementina avait condamné deux Tunisiens Ali Ben Sassi Toumi et Bouyahia Maher à trois ans de prison pour soutien à l'immigration clandestine et vente de faux documents d'identité. Le Marocain, Mohamed Daki, avait écopé d'une peine de 22 mois de réclusion pour les mêmes charges. Le magistrat avait rejeté l'accusation de soutien au terrorisme international. Il a aussi demandé le transfert du procès de deux autres prévenus, un Marocain, Nourredine Drissi, et un Tunisien, Kamel Hamraoui, devant le tribunal de Brescia car les deux hommes sont soupçonnés de faire partie d'une cellule terroriste basée dans la ville de Cremone. Il faut rappeler que l'arrestation des cinq hommes s'était déroulée en 2003. Ils étaient alors tous accusés de liens avec le terrorisme international. Le parquet de Milan avait requis des peines de 6 à 10 ans de prison. C'est ce rejet qui pose un grave problème au gouvernement italien. La distinction faite par le juge entre guérilla et terrorisme choque l'ensemble de la scène politique italienne. Quoi qu'il en soit, la décision de la justice est prise, et il faut attendre d'autres rebondissements pour voir si le sort du Marocain est de jouir de la liberté malgré les soupçons qui pèsent sur lui ou de se voir transféré soit au Maroc soit ailleurs. Toujours est-il que les avocats des prévenus, Me Gabriele Leccisi et Sara Fardella avaient souligné que “La décision prise aujourd'hui honore l'Italie et démontre que nous vivons dans un pays libre où les sentences sont fondées sur des preuves et non sur des soupçons et des théorèmes”. C'est là que le ministre italien de l'Intérieur, Giuseppe Pisanu, a annoncé qu'il avait signé un arrêté d'expulsion à l'encontre du Marocain Mohamed Daki “pour grave trouble à l'ordre public et danger pour la sûreté de l'Etat”. Plusieurs questions surgissent alors. Pourquoi cet arrêté uniquement à l'égard du Marocain ? Ou faudra-t-il attendre que les deux autres Tunisiens finissent leurs peines pour se voir expulsés à leur tour ? Et comment est-il possible d'expulser quelqu'un alors que l'action de la justice dans un dossier du terrorisme n'est pas achevée à cent pour cent ? Pour le moment, le ministre explique sa détermination à voir le Marocain en dehors du territoire italien, mais ne veut pas se prononcer sur la teneur des questions posées. Il faut aussi savoir qu'au sein du gouvernement de Silvio Berlusconi, le ministre de la Justice promet une enquête administrative pour comprendre ce litige qui divise la classe politique italienne entre gauche et droite. Alors que le juge Forleo, menacée par le Garde des sceaux, Roberto Castelli, d'une sanction disciplinaire, a remis les pendules à l'heure, en chargeant une avocate de porter plainte contre ceux qui l'ont attaquée, “y compris les plus hautes charges de l'Etat”. Terroriste ou jihadiste ? Pour le ministre Pisanu, Mohamed Daki est un terroriste. “Oui”, et s'il y avait lieu, cet arrêté d'expulsion sera signé “cent fois”. assène le ministre italien pour qui il ne fait aucun doute que “Daki appartient à une organisation fondamentaliste liée au groupe d'Al-Zarkaoui”. Pour le juge Forleo, c'est “un activiste de rébellion”. Pour mettre fin aux surenchères, la justice avait tranché contre la volonté de toutes les voix qui condamnaient la position du juge Forleo. Le parquet, de son côté, est aussi hostile à l'expulsion de Daki car il veut faire appel de la sentence de première instance. Pour le procureur-adjoint, Armando Spataro “la loi interdit l'expulsion de quelqu'un qui est poursuivi pour des faits de terrorisme”. Mohamed Daki, quant à lui, surprend tout le monde parce qu'à son retour chez lui, à Reggio Emilia où il est sous contrôle judiciaire, il a confié aux journalistes qu'il comptait demander l'asile politique... en Norvège ou en Suède. Daki pense-t-il que cette affaire n'est pas encore finie ? Ou a-t-il peur de retrouver son pays d'origine le Maroc ? Daki n'aura jamais, pour le moment, laissé transparaître la moindre envie de clarifier ce choix d'exil en Scandinavie. Sur un autre volet, cette affaire risque de prendre de nouvelles tournures si l'on prend en compte les investigations parallèles sur Ansar Al Islam. Des enquêtes qui visent à faire le lien entre les filières irakiennes dont un groupe a été démantelé à Paris et d'autres sources stationnées en Syrie avec à leur tête un chef d'origine kurde qui facilite le passage des volontaires. Ce qui nous fait dire aujourd'hui qu'il y a de fortes chances de voir le Marocain, Mohamed Daki, soit libre, mais résidant en Italie, soit de retour devant la justice pour complément d'enquête avec de gros risques de complications. Pour l'exil scandinave, il est même exclu pour le moment de voir un pays se prononcer pour un oui en plein tourmente en Italie. Affaire à suivre