Un an après... Près d'un an après qu'un important séisme ait ravagé la région d'Al Hoceima, dans le nord du pays, les efforts de reconstruction vont bon train. Or, comme dans toutes les histoires d'aide aux sinistrés, il y a des laissés-pour-compte. À première vue, aucun signe d'une catastrophe à Al Hoceima. Il faut dire que lorsque la terre a tremblé il y a presque un an, ce sont les villages environnants qui ont subi la plupart des dommages. Nous quittons la ville pour nous rendre à Aït Abdelaziz, l'un des villages les plus durement touchés lors de la catastrophe, à quelque 20 kilomètres d'Al Hoceima. De part et d'autre de la route en direction du douar, les chantiers semblent avoir poussé comme des champignons. Les maisons en construction bordent les deux côtés de la piste, mais les constructions complètes sont rares, bien que 11 mois se soient écoulés depuis le séisme de février 2004. Les 30 000 dirhams octroyés par l'Etat pour la reconstruction de chaque habitation sont loin de suffire à la plupart des gens, et seuls ceux qui en ont les moyens pourront terminer d'une traite la reconstruction de leur demeure. Pour les autres, les chantiers seront souvent interrompus, pendant un mois ou deux, jusqu'à ce qu'ils aient les moyens de continuer. Une longue attente À quelques centaines de mètres du douar d'Aït Abdelaziz, nous nous arrêtons à un endroit où la route surplombe le village et en offre une vue imprenable. Du côté gauche de la piste, les ruines de ce qui a dû être le douar; aucun édifice n'a résisté au séisme. Du côté droit, un groupe de tentes et de petites baraques de fortune, les unes faites de feuilles métalliques, les autres de plastique, d'autres encore de paille, de roseaux et de terre séchée. C'est dans ces conditions que vivent les habitants d'Aït Abdelaziz depuis bientôt un an. Ici, aucune reconstruction en vue. “Les études géophysiques ont démontré qu'il est impératif de faire déplacer la population”, avait expliqué la veille Omar Moussa Abdallah, président de l'Association BADES, une ONG installée à Al Hoceima. “S'il y avait un autre séisme, et même si on respectait les normes parasismiques, les constructions ne résisteraient pas”. C'est pour cette raison que l'Association BADES a réussi à dénicher trois hectares de terrain où des intérêts hollandais financeront la construction de 34 habitations pour les habitants d'Aït Abdelaziz. Abdallah a également affirmé que les travaux devraient débuter incessamment. Quoi qu'il en soit, les habitants du village ont depuis longtemps cessé d'y croire. Quand ils entreront enfin chez eux d'ici quelques mois, ce sera après avoir vécu pendant plus d'un an dans des conditions exécrables. La résistance Tamazint Autre village, autre problème. Lors de notre arrivée à Tamazint, dans la commune d'Imrabten, environ un millier de villageois sont rassemblés pour manifester contre l'inaction de l'Etat. Rien de nouveau; c'est la deuxième manifestation du genre cette semaine, et d'innombrables rassemblements similaires ont eu lieu pendant toute l'année à Al Hoceima et Tamazint. On se plaint ici de l'insuffisance de l'aide proposée par l'Etat, mais aussi du fait que le recensement des maisons en droit de bénéficier de cette aide – effectué par la firme indépendante LPEE – est complètement biaisé. Selon les responsables de l'Association Tamazint de suivi des effets du tremblement de terre (ATSETT), plus de 400 maisons ne figurent pas sur la liste (qui en compte tout de même 1 755) alors qu'elles ont été lourdement endommagées. Depuis près d'un an, les habitants de la commune d'Imrabten se refusent ainsi à accepter l'aide offerte par le gouvernement. Aucune des familles devant bénéficier des 30 000 dirhams n'a accepté ce don. Moatasim Ulghalbzouri, coordinateur général de l'ATSETT, affirme que l'association entend continuer les manifestations jusqu'à ce que l'Etat réagisse. “C'est tout ce que nous avons, on ne peut rien faire d'autre”, avoue-t-il. Le plus étrange dans l'histoire, c'est que la veille de notre visite à Tamazint, M. Hamdaoui, chef de cabinet à la Wilaya d'Al Hoceima, affirmait que les négociations avec l'ATSETT devaient “bientôt aboutir”. Quelques jours plus tard, Mohamed Amal Guedira, directeur du projet de reconstruction d'Al Hoceima à l'Agence du Nord, nous dira qu'il “croit” que les habitants de Tamazint ont “commencé à accepter l'aide” offerte par le gouvernement. Bien entendu, il n'en est rien. Difficile de croire que les principaux acteurs des négociations avec l'ATSETT soient aussi mal informés...