Madrid Gate, un scandale politique espagnol Il est l'indicateur et le confident officiel de la Guardia civil. Il a vu les explosifs chez Jamal Ahmidan, dit El Chino. Il a dénoncé Pedro, le policier qui a vendu les explosifs aux Marocains de Leganès. Il a tenté de se suicider en prison en buvant de l'eau de javel. Rafa Zouheir a été tabassé, intimidé et menacé par la Guardia civil en prison. Devant la commission du 11 mars, il a tout déballé sur les attentats et les dérives de la police espagnole. Il a aussi révélé que derrière le massacre d'Atocha, il y a une histoire d'infiltration qui a mal tourné. Aujourd'hui, il est la clé de tout ce dossier et ses déclarations ont poussé l'ex-président Aznar et l'actuel chef du gouvernement Zapatero à passer devant la commission d'enquête. Sans oublier que ces témoignages peuvent dévoiler d'autres sources que les Espagnols ne veulent pas rendre publiques. Ou pas encore. C'est une déclaration édifiante que fait un des pontes de la Guardia civil devant le Congres espagnol. Victor, de son prénom, est l'homme à qui Rafa Zouheir rendait ses comptes. Il a affirmé sans détours que “Rafa Zouheir facilitait à la Guardia civil tout le travail en lui donnant des informations très importantes sur le trafic des explosifs aux Asturies”. Les informations capitales dont parle l'agent Victor remontent au 6 mars 2003. Soit plus d'un an avant les attaques de Madrid. L'agent a soumis au capitaine de l'UCO (l'unité centrale opérationnelle) un certain Paco tout ce qui s'est fait avec Rafa Zouheir avant et après le 11 mars 2004. Victor et Paco ont tous les deux témoigné devant toutes les instances judiciaires espagnoles que le 12 mars ils s'étaient réunis tous les trois avec Zouheir dans une cafétéria pour lui poser des questions sur un réseau de cartes falsifiées et de ce qu'il pouvait savoir sur les attentats. Zouheir ne savait rien sur les attentats et leur trame. Ses deux agents enrôleurs l'avaient cru et ils avaient l'habitude de vérifier ses dires et ses sources. Pour eux, il était clean. Le 13 mars, les deux policiers reviennent à la charge, mais Zouheir n'avait pas encore de quoi alimenter ses rapports. Ce n'est que le 16 mars que le Marocain révèle ce qu'il a appris sur Jamal Ahmidan. Notons bien que cinq jours après les attaques, Jamal Ahmidan est déjà, par les soins fureteurs de Zouheir, dans les dossiers de la police nationale espagnole. Zouheir aurait dit que le fameux Ahmidan rôdait autour de Jamal Zougam et des deux Indiens qu'il avait repéré dans les journaux. Zouheir n'est pas dans le coup Selon Victor, l'agent de la Guardia civil, “ il était impossible de faire le lien entre l'information sur les explosifs des Asturies dont avait parlé le Marocain le 6 mars 2003 et les attentats de Madrid le 11 mars 2004”. Pourtant c'est bien des Asturies que le lot qui a servi dans les attaques des trains de Madrid a été pris. Dans la foulée, les agents de l'UCO ont confirmé leurs positions sur la probable implication de Zouheir : “à aucun moment, on n'a pu affirmer que Zouheir a eu des relations avec les attentats, même s'il avait essayé de dissimuler ses rapports avec certains Marocains pour que la police ne sache pas qu'il trafiquait toujours du haschich”. C'est le 17 mars que les données sur El Chino se précisent. Et c'est Zouheir qui apporte encore une fois de plus des preuves devant Victor. Il a fallu qu'un député du PP se mêle de cette affaire pour que les problèmes autour des déclarations de Zouheir commencent. C'est Vicente Martinez Pujalte qui s'appuie sur un enregistrement capté par la police espagnole après un ordre de la justice, entre Zouheir et son confident que les députés vont apprendre que Zouheir avait déjà à maintes reprises informé la police sur Jamal Ahmidan. Après c'est un labyrinthe politique qui sera emprunté par les députés sur la date, l'heure et le jour de la mise sur écoute du téléphone de Zouheir. Ce que les confidents de Zouheir ont fini par avouer, c'est que le lendemain des attentats, le 12 mars, le téléphone du Marocain était sur table d'écoute et que tout ce qu'il disait était enregistré et connu de leurs services. Ce qui est un point plutôt en faveur de Rafa Zouheir puisqu'il n'a rien révélé de suspect ou de louche pour les poursuites ultérieures. Plus inquiétant encore, les services de police se sont mêlé les pinceaux et les cafouillages avaient débuté puisqu'aucun service n'avait informé l'autre du travail fait sur le cas Rafa Zouheir. Pire, la police ne savait pas que les conversations enregistrées étaient celles que Zouheir avait avec un agent de la Guradia Civil. La question que l'on se pose est la suivante: pourquoi les dires du Marocain dérangent tant la police nationale, la Guardia civil, les services d'intelligence et les députés qu'ils soient du PP ou du PSOE ? Que veut-on cacher pour éviter un scandale politico-policier? Les éléments de réponse Ce que Victor déclare devant les députés fait l'effet d'une bombe. Il a affirmé que son confident, Rafa Zouheir avait bel et bien identifié Jamal Ahmidan qu'il connaissait depuis longtemps. Le même Ahmidan qui rentre au Maroc et purge trois années de prison pour trafic de drogue. Après son retour, celui que l'on connaît par le sobriquet d'El Chino est “un homme changé” et dont “les idées religieuses sont extrêmes”. La suite du témoignage de Victor et de son supérieur Paco bouleverse les députés. Il déclare que les enquêtes sur le trafic d'explosif des Asturies n'a duré en fait que deux jours en 2003. Et que les services de police revenaient sur le sujet à chaque fois que des informations nouvelles étaient apportées par Zouheir. L'aveu est grave puisque non seulement le Marocain avait trouvé la piste du trafic des Asturies mais avait aussi le profil d'Ahmidan qui sera l'un des suicidés de Leganès. Et la police ne met que deux jours au service d'une affaire aussi cruciale. Ni les députés ni les polices espagnoles avec leurs multiples services n'ont pu comprendre un tel laisser-aller, une aussi grande insouciance par rapport à toutes les informations de l'indicateur, Rafa Zouheir. Autrement dit, le message codé des agents devant les députés était que l'Espagne, par les voies de ses polices, savait ce qui se tramait aux Asturies, connaissait des pans entiers des risques terroristes et avait déjà la piste d'un Marocain qui se révèlera partie intégrante des attaques du 11 mars. En tout et pour tout Zouheir a révélé des “choses importantes” le 5, le 6, le 20 et le 26 février 2003 avant de revenir avec plus de détails le 6 mars 2003. Il aura dit plus le 30 janvier 2003 puisqu'il a donné le nom d'un certain Antonio, dit El Toro, qui avait eu vent d'une vente d'explosifs de deux kilos et demi de dynamite. El Toro en question, vérification faite, était en prison quand il avait vendu la mèche à Zouheir. L'UCO a fait le déplacement sur les lieux de vente. Les policiers ont épinglé El Toro et sa sœur et l'enquête a révélé par la suite' que ce Toro était un associé de Emilio Suarez Trashorras, un autre indic de la police qui a participé à la vente des explosifs qui ont servi au 11 mars moyennant de l'argent et 40 kilos de haschich marocain. Zouheir, déjà à la fin février 2003, avait évoqué la quantité de 150 kilos d'explosifs qui vont être vendus. Bien que la police plaide la carte de la non-connaissance des risques islamistes (alors que ce n'est pas du tout vrai puisque le juge Baltazar Garzon avait alpagué lors de l'opération Datil en novembre 2001 plus de 63 activistes islamistes de haut vol) il y avait bel et bien un danger ETA qui avait frappé des dizaines de fois et avait aussi ses habitudes aux Asturies. Comment ne pas faire le lien ? seuls les services de police peuvent répondre à toutes ces questions.