C'est beau, c'est grand, c'est généreux la France”, déclarait à une occasion l'ancien Président français Charles De Gaulle. Valéry Giscard d'Estaing avait débuté son mandat en invitant des éboueurs à partager avec lui les croissants du matin. Plus tard, il avait autorisé le regroupement familial pour les immigrés. C'étaient des hommes de droite. François Mitterrand avait fait un grand discours généreux envers le tiers-monde à Cancun. Un de ses premiers ministres, Michel Rocard impressionné par le nombre grandissant des demandeurs d'asile, avait lancé : “La France ne peut accueillir toute la misère du monde”. Certes. Il avait simplement oublié que “toute la misère du monde” avait fait prospérer et engraisser son pays ainsi que d'autres. Jusqu'à l'obésité. Au point d'ailleurs qu'on devrait l'introduire parmi les paramètres utilisés pour l'évaluation du développement d'un pays. C'est avec fierté qu'on note au passage que le Maroc a déjà quelques spécimens de ce genre. Le pays est donc sur la voie. Il faut noter, malgré tout, que ce ne sont pas eux qui font chavirer les barques en Méditerranée. Il est utile de retracer l'itinéraire de Michel Rocard, actuellement député européen après avoir été sénateur. Avant de rejoindre un parti socialiste qui allait porter à bout de bras François Mitterrand jusqu'à l'Elysée, il avait été secrétaire général du Parti socialiste unifié (PSU) qui représentait une voie entre le socialisme mou de la SFIO et la dictature du prolétariat prônée par le parti communiste français. De l'autogestion à la dictature de la Bourse. Charmé par François Mitterrand qui voulait créer un nouveau parti socialiste, il avait déposé dans la corbeille le PSU après que la SFIO délabrée eut été ramassée par petits paquets. Tout cela fleurait bon la générosité de gauche. Jean-Pierre Chevènement, président du Centre d'études et de recherches économiques et sociales (CERES), ne pouvait accepter d'être largué et avait, lui aussi, fait offrande de son organisation à François Mitterrand qui avait fini par accéder à la présidence, avec l'aide aussi bien que minime, des radicaux de gauche. Une sorte de koutla pour “l'alternance”. Au cours de son règne, le président “socialiste” s'était illustré en 1991 en bombardant l'Irak alors que l'armée irakienne s'était déjà retirée du Koweït. Pour cela, il avait été gratifié d'un chèque -un vrai- remis par une haute personnalité koweïtienne, et reste le socialiste le plus adoré des Américains alors que le malheureux Jacques Chirac est le plus abhorré. Jean-Pierre Chevènement était alors ministre de la Défense et avait démissionné d'un gouvernement de gauche devenu supplétif de l'Administration américaine. Des années plus tard, devenu ministre de l'Intérieur d'un Lionel Jospin qui allait être vaincu et ne sait toujours pas comment revenir sur sa parole, Jean-Pierre Chevènement qui se flatte d'avoir pour ami un orientaliste distingué, avait décidé de prendre à bras le corps le problème des jeunes Maghrébins des cités oubliées. Il avait trouvé la parade. Il les avait traités de “jeunes sauvageons”, formule encore prisée par la droite. Finalement, il reste que c'est Guy Mollet, l'ancien secrétaire général de la SFIO, dont les Français peuvent se souvenir avec quelque sympathie pour cette déclaration : “La droite française est la plus bête du monde”. Il n'a pas dû beaucoup voyager. Toujours est-il que la droite a trouvé un continuateur en Nicolas Sarkozy, actuel ministre de beaucoup de choses, après avoir été ministre de l'Intérieur. Coquelet au long bec, camouflé sous la peau d'un tigre, il avait fait de ses policiers des “ rangers “ avec l'arsenal qui convient et le droit de baver sans risques. Et sus aux immigrés clandestins, même en transit. C'est naturellement qu'il avait signé avec Tony Blair -l'homme qui fait le grand écart entre l'Europe et l'Amérique- un accord pour fermer le centre d'accueil de Sangatte (dans le Pas-de-Calais) qui regroupait des centaines d'immigrés dont la destination finale était l'Angleterre. Ce centre d'accueil était le contraire d'accueillant, mais les gens qui s'y trouvaient avaient au moins un toit et de quoi survivre dans des conditions indignes d'un pays développé. Depuis la fermeture de ce centre qui était censée arrêter d'elle-même l'immigration, celle-ci n'a fait qu'augmenter. Les candidats viennent surtout des anciennes colonies britanniques. Ne trouvant plus de centre, ils errent à travers le Pas-de-Calais en vivant de la charité et de la générosité des habitants. Ceux-ci sont allés jusqu'à héberger des malheureux. Sous peine d'enfreindre la loi de Sarkozy. Les habitants de cette région avaient honte pour leur pays et leur acte devait sauver l'honneur de la France. Deux d'entre eux ont été choisis pour être traînés devant la justice. Ils ne se renient pas. Ils risquent pourtant une amende et jusqu'à cinq ans de prison. La France fête somptueusement le 60ème anniversaire de sa libération. Comme aurait dit De Gaulle : “C'est beau, c'est grand, c'est généreux la France”.