Velléité de puissance régionale Au moment où les relations entre l'OTAN et l'Algérie se renforcent davantage, notamment par la participation algérienne au dernier sommet de l'alliance à Istanbul, les pays occidentaux observent avec un grand intérêt les dispositions relatives à la conclusion de l'accord avec la Russie pour l'acquisition de 50 MIG 29 pour un montant de 1,5 milliard de dollars. Si Washington semble fermer les yeux sur la course à l'armement entamée par l'institution militaire algérienne depuis 1997, les pays européens et la France en particulier affichent une vigilance accrue de crainte de voir l'équilibre régional ébranlé, d'autant plus que l'Afrique du Nord est considérée comme faisant partie de leur sécurité nationale. Aussi, la conclusion de ce marché avec Moscou ne finit-elle pas de susciter des interrogations américaines et européennes au sujet du rôle de l'institution militaire algérienne notamment après les dernières présidentielles, sachant que l'Etat- major de l'armée avait pris un engagement de neutralité et de désistement de la scène politique pour mieux affirmer son orientation d'armée professionnelle. A ce propos, des sources françaises spécialisées indiquent que le retour de l'Algérie dans le giron de l'ancien allié " soviétique " est survenu après que les Européens et même les Américains aient rejeté ses demandes tendant à diversifier ses sources d'armement bien que l'armée algérienne soit dotée actuellement de hauts cadres issus des écoles européennes et américaines et constituent en son sein ce qu'on appelle " la troisième génération ". Ceci étant et malgré les multiples stages organisés au profit des officiers algériens que ce soit en Allemagne, en Italie ou aux Etats-Unis, l'embargo occidental sur la vente d' armes à l'Algérie demeure en vigueur. Dans ce cadre, des sources algériennes proches de l'institution militaire estiment que le rapprochement politique et militaire avec Washington notamment dans la lutte contre le terrorisme n'a pas encore abouti à un vrai partenariat à l'instar des relations stratégiques établies entre les Etats-Unis et le Maroc. En effet, à la veille même du départ d'Abdelaziz Bouteflika aux Etats-Unis pour participer au sommet des huit pays les plus industrialisés organisé au début du mois dernier à Sea Island en Géorgie, le Président George Walker Bush devait déclarer que le Maroc est considéré comme l'allié principal des Etats-Unis en dehors du système de l'OTAN. De même que des fuites d'informations ont été organisées faisant état d'un stage au profit de quarante pilotes marocains sur des F 16 remodelés qui doivent être prochainement livrés au Maroc. Vers une " Inde méditérranéenne " Les analyses des experts occidentaux tendent à comparer l'Algérie à l'Inde et considèrent que la longue occupation française de ce pays maghrébin à l'instar de l'occupation britannique de l'Inde ont laissé des traces indélébiles notamment au niveau culturel et linguistique. C'est ce qui explique que ces deux pays se sont tournés vers l'Union soviétique pour acquérir l'armement nécessaire. Or, si l'Inde est devenue, il y a longtemps, la terre de prédilection pour les grandes entreprises de fabrication d'armement, l'Algérie est en train de lui emboîter le pas. Mais en dehors de ces deux facteurs, les deux pays mobilisent des budgets militaires colossaux. Par ailleurs, les Etats-Unis d'Amérique qui sont omniprésents en Inde, commencent à s'intéresser de plus en plus à l'Algérie de la même manière que les Britanniques, puisque les deux puissances essaient de renforcer leurs lobbies notamment dans les secteurs des hydrocarbures, dans les cercles de la présidence et au sein de l'armée à travers une forte participation aux différentes manifestations, conférences et colloques. Selon la même approche, les experts militaires estiment que la cadence avec laquelle sont signés les accords avec ces deux pays est lente et est accompagnée généralement de plusieurs rounds de négociations serrées conditionnées par l'efficacité des lobbies d'une part, et par les fluctuations des équilibres internes d'autre part. Mais, le plus important dans ces approches, c'est que les besoins militaires de l'Algérie comme de l'Inde sont pratiquement identiques. Il s'agit, à titre d'exemple, de moyens de défense, d'avions espions de type Batmar, de défense antiaérienne ou d'hélicoptères de contrôle des frontières. Or, si pendant les négociations, la langue officielle est l'anglais qui ne constitue aucune entrave pour les Hindous, en revanche, pour les Algériens, c'est un obstacle de plus puisque cette langue n'est maîtrisée que par une infime minorité. D'ailleurs, c'est cet aspect qui a été relevé par les Américains lors des opérations de coordination sécuritaire organisées après le 11 septembre. En plus, il faut souligner que la structure militaire algérienne demeure régie par les normes soviétiques rigides qui n'autorisent aucune prise de décision directe puisque toutes les décisions sont centralisées. Ceci dit, les experts relèvent que les officiers algériens sont dotés de grandes compétences et que l'armée en général a une bonne expérience notamment dans le domaine de l' électronique de défense et a également une grande capacité d'analyse des informations technico-opérationnelles. D'ailleurs, depuis le début des années quatre-vingt-dix, les forces de l'air ont entamé une restructuration en profondeur de leur mode de fonctionnement et de la nature des stages effectués par les pilotes ou par les équipes au sol. Ainsi, en 1997, l'Algérie avait acquis des avions de reconnaissance de type Siger de fabrication sud-africaine en dépit de la décision du parlement de Prétoria d'interdire la vente d'armes aux pays concernés par le conflit du Sahara. Parallèlement à cela, l'armée algérienne avait acquis trois avions de brouillage de type MIG 25 de fabrication ukrainienne. Au même moment, Alger semble, selon des sources françaises, intéressé par l'achat d'hélicoptères de type Roy Falk de fabrication sud-africaine. En l'an 2000, l'Algérie a déposé une demande d'acquisition de 22 bombardiers de type Sukhoï SU 54. Mais le plus important marché conclu avec Moscou porte sur les bombardiers Sukhoï 27 et 30 sur lesquels s'entraînent actuellement 100 pilotes algériens. A ce propos, des sources algériennes proches de l'armée indiquent que le rapprochement avec l'OTAN est une preuve de la montée en puissance du rôle incontournable de l'armée algérienne. Cependant, les milieux chargés du dossier de l'Afrique du Nord au sein de la Présidence française indiquent que les Etats-Unis ne permettront jamais à l'Algérie de devenir une puissance régionale comme la rêvent ses dirigeants. En effet, les Etats-Unis veulent que l'Algérie se contente du rôle d'allié dont le poids puisse servir à sauvegarder ses intérêts géostratégiques notamment face à l'Union européenne. Par conséquent, la course algérienne à l'armement se limitera à rendre service à l'OTAN dans la région du bassin méditérranéen. Ainsi, l'Algérie ne sera jamais autorisée à franchir les lignes qui lui ont été tracées. Autrement dit, elle ne pourra, en aucun cas, devenir une menace pour ses voisins, surtout le Maroc, car une guerre autour du Sahara est totalement interdite. Ce que ne cessent de répéter, d'ailleurs, les généraux algériens lors de leurs entretiens avec les Français, Espagnols ou Russes. L'Afrique du Sud ou le nouveau vivier Si la Russie est considérée, aujourd'hui, comme le principal fournisseur d'armes à l'Algérie, l'Afrique du Sud occupe désormais la deuxième place, même de loin. Malgré ce fait, le gouvernement de Prétoria continue de nier toute transaction militaire avec l'Algérie, bien que les services de renseignement marocains établissent de nombreux rapports à ce sujet. En fait, depuis 1997, l'Afrique du Sud s'est chargée de moderniser les équipements de l'armée de l'air algérienne et cette coopération a tendance à se développer davantage si le Parlement sud-africain décide de la suspension de l'embargo sur les armes destinées aux pays concernés par l'affaire du Sahara. En tout état de cause, les relations privilégiées entretenues par l'African National Congress (ANC) avec l'Algérie bien avant son accession au pouvoir, suite à la chute du régime de l'apartheid, ont continué à se raffermir que ce soit avec Nelson Mandela ou avec son successeur Thabo Mbeki qui a visité Alger en octobre 2002. D'ailleurs, le général Lamari, chef d'Etat-major de l'armée algérienne a, lui aussi, rendu visite à l' Afrique du Sud. C'est ce qui fait dire à l'ambassadeur sud-africain à Alger, Rato Basti Super Molowa, que son pays étudie, actuellement, toute demande algérienne d'acquisition d'armes sans pour autant donner plus de détails. Mais des informations concordantes font état de l'intérêt de l'armée algérienne porté sur les hélicoptères sud-africains de type Roy Falk. Cet appétit algérien est expliqué par le surplus des réserves en devises fortes évalué à 40 milliards de dollars à la fin du mois de juin 2004. Ce fait encourage tous les pays producteurs d'armement à franchir les lignes rouges. D'autre part, et selon des sources françaises, mis à part les partenaires traditionnels de l'Algérie telles la Russie et l'Ukraine, il semble que les entreprises algériennes essaient de s'introduire indirectement au marché sud -africain à travers toute une panoplie d'équipements électroniques qui sont d'ailleurs vendus à l'Afrique du Sud. Dans ce cadre, la société israélienne MRCM alliée de l'entreprise française EADS ou Greentweek l'américaine peut leur faire jouer le rôle de cheval de Troie. D'ailleurs, Moscou a fait savoir aux Algériens que les équipements de défense sud-africains de type Hearley Ink fabriqués par les Américains contiennent des composants fabriqués par les Israéliens. Malgré tous ces éléments, l'armée algérienne semble déterminée à moderniser ses unités. Toutefois, à part la Russie et l'Afrique du Sud, tous les autres pays refusent de doter l'Algérie de matériel offensif. C'est le cas de la France, de la Grande Bretagne et des Etats-Unis qui ne lui proposent que des équipements défensifs au grand désarroi des lobbies locaux.