Drogues dures Ville carrefour du Maroc, Casablanca attirait et attire toujours les bonnets de la drogue dure. Grâce à un renseignement parvenu à la brigade des stupéfiants relevant de la Sûreté Casa-Anfa, un important réseau du crack qui alimente la ville vient de tomber. Récit. On le murmurait tout bas, mais il fallait l'authentifier par des arrestations pour confirmer ce sombre constat: les drogues dures ravagent la ville de Casablanca. Et ce depuis plusieurs années. En effet, après la ville de Marrakech, c'est au tour de Casablanca d'opérer le nettoyage dans les milieux de la coke. Le démantèlement d'un réseau de dealers, une dizaine à peu près, qui distribuent le crack dans les lycées, certains cafés qui ont pignon sur rue et les quartiers huppés de la ville représentent l'arbre qui cache la forêt. Quelques lampistes qui font le convoyage de la dope du Nord du pays et qui la refilent à d'autres lampistes pour faire la distribution locale. Tout a commencé par un renseignement fourni par un informateur un beau matin de la semaine dernière, disons jeudi, et parvenu à la brigade des stupéfiants relavant de la Sûreté Casa-Anfa. L'information est précieuse et de taille. Elle produira immédiatement son effet sur les éléments de la brigade des stup qui réussiront, après une enquête minutieuse, à remonter la filière jusqu'au gros bonnet qui, malin comme il est, a reniflé le traquenard et pris la fuite au nord du pays. Au total, dix personnes, dont deux sont recherchées pour meurtre, ont comparu devant le juge d'instruction de la chambre criminelle près la cour d'appel de Casablanca pour consommation, détention et trafic de cocaïne. L'enquête judiciaire est en cours, mais d'emblée l'homme par qui le réseau du crack est tombé n'est qu'un petit dealer à la sauvette, qui n'a pas hésité à faire tomber plusieurs autres trafiquants casablancais durant la journée de son arrestation. Aïssa Assaib Omar, car c'est de lui qu'il s'agit, est un bougre sans foi, ni loi. Un individu brutal qui s'attend au pire et qui ne se fie qu'à son instinct et à ses réflexes. Mais son sort a été scellé au quartier des Hôpitaux (sur le Bd du 2 Mars à proximité du café Diana), où il a été arrêté en début d'après-midi de ce jeudi 13 mai courant. C'est dans une voiture de marque Toyota grise qu'il s'est rendu à son point de vente habituel ( à l'intersection du Bd du 2 mars et de Moulay Idriss 1er ) pour livrer une vingtaine de doses ( à peu près 26 grammes ) de cocaïne à ses clients habituels. Sur place, les limiers de la brigade des stup, patientaient et scrutaient nerveusement les visages des passants ainsi que les véhicules de passage où en stationnement. L'attente dure, mais sans pour autant décourager les éléments de la brigade qui ont fini par localiser le véhicule signalé. Le conducteur ainsi que son compagnon (un certain Younès Bourega) inspectent les lieux, font des aller et retour et effectuent des repérages de proximité. Rien d'exceptionnel. Aïssa Assaib Omar ne se doutait à aucun moment que le taxi rouge qui le poursuivait était occupé par les agents de la brigade des stup. Une recette parmi tant d'autres qu'utilise cette brigade dans des opérations de filature des trafiquants de drogue. Appréhendé en flagrant délit, Aïssa Assaib Omar n'a fait preuve d'aucune résistance. Pris par surprise, il a été immédiatement conduit avec son compagnon à la Préfecture de police pour interrogatoire. Face aux charges retenues contre lui (la possession de 26 grammes de crack), Aïssa Assaib Omar passe aux aveux. Son fournisseur est un certain Fayçal qui habite également le quartier des Hôpitaux à Casablanca. Aïssa Assaib Omar vient juste de se ravitailler chez lui à la maison et lui a même filé une avance de 15 000 dhs. La piste s'avère pareillement concluante puisqu'elle a permis à la brigade des stupéfiants de mettre la main sur Fayçal, un Marocain installé en Hollande, en possession de plusieurs comprimés d'Ecstasy et d'une dizaine de doses de cocaïne. Dans son appartement, la police a procédé à l'arrestation de deux individus (dont une fille de joie) qui s'adonnaient à la consommation du crack. Contacté, le parquet ordonne l'incarcération et la mise en garde à vue de tous les prévenus pour les besoins de l'enquête. Cependant, au fur et à mesure que l'enquête avance, d'autres pistes surgissent. En route vers la Préfecture, le portable de Aïssa Assaib Omar sonne. Au bout du fil, un consommateur en manque de crack. Les brigadiers des stups lui ordonnent de répondre et d'entraîner son client vers un lieu non loin du quartier des Hôpitaux. Rendez-vous pris, les enquêteurs accompagnent Aïssa Assaib Omar et mettent la main sur l'individu en question, un certain Jaâfar Skali Houçaini. Au moment de son arrestation, il était dans un état piteux sous l'emprise de la drogue. Client dévoué, il s'est avéré, après vérification de son identité, qu'il était recherché depuis quatre mois pour une histoire de meurtre. Celle d'un trafiquant notoire retrouvé décédé par overdose dans une villa au quartier CIL à Casablanca. Qu'il ait besoin de drogue pour essayer de doper un quotidien de plus en plus amer ou tout simplement pour supporter son propre vide ou que son seul souci soit la jouissance de plaisirs immédiats, Jaâfar Skali Houçaini, est souvent amené, grâce à un contact direct, à goûter une première, une seconde fois, avant de sentir le besoin de tout donner pour avoir droit à une prise. Avant de se retrouver esclave, l'avenir brisé, exclu de la société et souvent obligé de travailler pour les dealers pour avoir droit à sa ration quotidienne de coke. Dans les locaux de la brigade des stup, ce dernier donne les noms et les numéros des portables de ses principaux fournisseurs. Le premier sur la liste, le dénommé Farid Chelhi, alias Farid le dentiste. Comme ses prédécesseurs, celui-ci passe également à table. Il avoue avoir commencé d'abord à goûter à la came et à en offrir à ses proches amis. De jour en jour, la curiosité de sniffer, deviendra une habitude, puis une nécessité qui se répète trois fois par jour. Une dépendance totale. La tentation du gain facile, comme pour tous les dealers casablancais, le place à la merci des grands cartels du Nord du pays qui contrôlent ce commerce juteux. Vite et devant l'insistance des enquêteurs, il livre deux précieux noms de dealers notoires de la ville de Nador : Hicham Bekkali et Taoufik El Mir qui étaient de passage à Casablanca pour livrer la “came” à quelques fournisseurs. Contactés par Farid Chelhi, les deux trafiquants donnent rendez-vous au dentiste à la gare routière Ouled Ziane. Une fois encore, les éléments de la brigade des stupéfiants de Casa-Anfa passent à l'action. Appréhendés, les trafiquants seront embarqués et conduits à la Préfecture pour rejoindre le reste du réseau qui commence à livrer ses secrets. Du petit revendeur du crack à la sauvette, les prises deviennent de plus en plus importantes. Interrogés, Hicham Bekkali et Taoufik El Mir avouent n'être que de simples intermédiaires d'un grand trafiquant dont ils ignorent l'identité. Seule révélation : le lieu de rencontre se situe dans le quartier Agdal à Rabat, dans une garçonnière située sur le Bd Toubkal. Dès lors, la machine policière s'active pour mettre sous les verrous le reste de la bande. Une équipe de la PJ s'est rendue illico presto au domicile indiqué par les deux intermédiaires,mais sans résultat probant. Les occupants ont déjà vidé l'appartement de sa contenance, en laissant derrière eux une balance électronique et des traces de crack éparpillées sur une table. L'enquête révèle que le local servait de laboratoire à dénommé Mustapha qui a pris la poudre d'escampette juste avant l'arrivée des éléments de la PJ. Bouclée en un temps record, l'affaire a permis l'arrestation de 10 dealers en possession de crack qui ont été présentés à la justice pour des motifs avérés. Pour ce qui est de l'approvisionnement, paradoxalement le chemin de la coke n'est plus le même, affirment les hauts responsables de la Préfecture de police de Casablanca. Le Maroc n'est apparemment plus un pays de transit pour la coke qui débarque, entre autres, du côté espagnol par les présides occupés de Sebta et Melilia, pour être distribuée à l'intérieur du pays. De plus, comble de l'ironie, en échange de quelques joints distribués dans les banlieues européennes, le Maroc est inondé de stupéfiants de synthèse comme l'ecstasy, le LSD et les amphétamines, fabriqués dans les laboratoires clandestins des Pays-Bas ou de Belgique.