Nouvelle approche de police de proximité Ville privilégiée par sa condition de capitale politique du Royaume, Rabat a su développer une nouvelle stratégie sécuritaire qui lui a permis de diminuer, en 2003, le taux de criminalité et de déjouer tous les pronostics. Avec pour corollaire une meilleure gestion des ressources humaines de la police. Décryptage. Toutes les villes du monde ont leurs spécificités et leurs profils personnels. Elles répondent, en matière de sécurité, à des règles propres qui ne peuvent être transposées d'une ville à l'autre. C'est une philosophie qui tend à s'approprier la topographie criminelle de chaque ville qui constitue un cas à part et requiert des besoins intimes qui dépendent de sa géographie, de son histoire sociale et des propriétés et tempéraments de ses populations. Une ville au profil saillant Le cas de la capitale du Royaume, Rabat, est un exemple type de la nouvelle stratégie déployée depuis deux ans sur l'ensemble du territoire marocain. Ville-phare du Maroc, résidence administrative du corps diplomatique et du gouvernement national, carrefour de brassage de populations, Rabat connaît depuis quelques temps une chute vertigineuse du taux de la criminalité grâce à une politique policière de proximité et à la nouvelle vision sécuritaire qui y prévaut. Si les chiffres et les statistiques l'attestent sans ambiguïté, les citoyens le pensent haut dans la rue en ajoutant que depuis très, très longtemps, jamais la sécurité n'avait été aussi bien ressentie dans la capitale ! Et cette constatation, nous l'avons retrouvée dans le centre-ville de Rabat, dans ses périphéries réputées plus frondeuses, dans la ville de Salé qui a toujours représenté le point noir sécuritaire de la région et à Témara. Les différences d'un point à l'autre de la région de Rabat-Salé sont évidentes et expliquent l'adaptation des programmes de la police aux réalités intrinsèques de chacune d'entre elles. La cité balnéaire de Témara est considérée comme un havre de paix et de bonne conduite, émaillée de temps à autre, de petite délinquance. Rabat est soumise à trois programmes distincts de prévention et de répression du crime, conduits avec tact et acuité par le Préfet de police Abdelhamid Bachar. Les trois districts de la ville La capitale est divisée en trois districts. Il y a d'abord la médina et toute la zone urbaine qui se prolonge derrière les murailles jusqu'à l'Océan atlantique. C'est un tissu social très condensé et populaire qui connaît depuis plus d'une décennie une forte concentration de la délinquance juvénile. On y retrouve surtout les vendeurs d'alcool frelaté, les dealers de haschich et la petite criminalité de chaussée. La mise en place d'une police de proximité, de patrouilles dans les quartiers et des unités spéciales qui font des rondes pour veiller au respect de la loi et à la sécurité des Rbatis, a permis de déjouer, en 2003, les pronostics traditionnels de cette zone d'habitat importante à plus d'un titre que fréquentent régulièrement les touristes de la médina. La gêne provoquée par les marchands ambulants dans les grandes places et les rues piétonnes a été éludée en déplaçant les étalages vers des structures d'accueil plus propices. La police a procédé, en huit mois d'exercice, à la réglementation de 2083 cas de vendeurs ambulants dans l'ensemble de la région. Dans le deuxième district, qui compte les quartiers Hassan, Agdal et Hay Ryad, un dispositif spécial a été élaboré pour atteindre un niveau de sécurité maximum. Une brigade touristique accompagne les différents circuits de la ville qui passent par le quartier Hassan, avec ses monuments qui font affluer beaucoup de visiteurs, notamment les fins de semaine où les services offerts par la police sont renforcés pour davantage d'efficacité. Là, ce sont les faux guides qui ont toujours sévi et il y a lieu de voir qu'aujourd'hui il sont de plus en plus rares à importuner les promeneurs, grâce à des actions ponctuelles qui ont assaini les principaux circuits. Entre Chellah et les Oudayas, en poussant plus loin vers Agdal, la prévention fonctionne tous azimuts. Les statistiques, élaborées entre juillet 2003 et février 2004, laissent envisager une meilleure maîtrise de la situation et de l'espace. Le vol à la tire, par exemple, a chuté vertigineusement ainsi que les agressions. Les grandes avenues, boutiques, hôtels où résident des touristes font l'objet de rondes de surveillance dûment organisées par des équipes formées à la tâche. La nuit, c'est encore des brigades qui sillonnent les rues de Rabat en prenant la relève. Le troisième district de Rabat est constitué par les quartiers Youssoufia, Takadoum, Souissi et Zaër. Cette zone connaît un rapprochement de zones résidentielles et de quartiers à forte agglomération sociale. Zaër, où réside en général l'élite administrative et consulaire, a la réputation d'être hyper sécurisé. Au-delà des services communs proposés à l'ensemble de la ville, la zone profite d'un système renforcé pour la prévention criminelle. La nuit, un dispositif spécial est enclenché et le jour des brigades pédestres font leurs rondes le long du vaste périmètre. Dans la forêt de Zaër où les Rbatis ont l'habitude de faire du footing, les responsables de la ville ont mis en place une police montée, à cheval, qui accompagne les promeneurs durant la journée. Les sit-in et les hôtes de marque A cela, il faut ajouter que Rabat connaît une moyenne de huit sit-in par jour, auxquels il faut envisager des moyens particuliers d'assistance et le cas échéant d'intervention. Sans oublier que la capitale est visitée quotidiennement par les cortèges officiels de pays étrangers, les personnalités et princes du monde qui demandent, quant à eux, une attention et un encadrement particuliers. Cette coordination au sein de la ville est le fruit d'un intense travail en amont, effectué par des femmes et des hommes invisibles que l'on croise dans les couloirs des administrations. Le terminal, appelé aussi la salle de trafic, est le lieu par lequel transitent les communications et les informations. Celles-ci proviennent de l'administration hiérarchique et sont diffusées vers les brigades en place dans les quartiers. De même, ces brigades peuvent parler, en temps réel, avec leurs collègues des autres brigades en service. Depuis la remise à niveau de la police marocaine, une large place a été accordée au traitement de l'information et à sa centralisation. Ce qui permet de plus en plus de constituer une banque de données qui facilite les recherches et oriente la réflexion générale sur les prochaines années. Dans les bureaux du terminal, un seul objectif anime les opérateurs rencontrés : le résultat. Le mot d'ordre apparaît alors dans toute sa rigueur professionnelle, son sens civique, sa portée lointaine pour les prochaines générations de policiers marocains. Dernières affaires résolues par la police de Rabat Falsification de billets de banque : persévérant dans son action pour l'éradication du phénomène de la criminalité organisée à Rabat, le Service de la police judiciaire a pu mettre la main sur trois individus de nationalités subsahariennes spécialisés dans la falsification de billets de banque, de faux et usage de faux de documents officiels et d'escroquerie. Il s'agit de Thierry David, de nationalité libérienne, né en 1972, père d'un enfant. Le deuxième malfaiteur est Camara Ibrahima, de nationalité guinéenne, né en 1975, marié. Leur acolyte est Kita Moussa, Guinéen, marié et père d'un enfant. Les trois compères, qui étaient entrés clandestinement au Maroc, étaient en train de préparer une énorme affaire de falsification de dollars et d'euros à l'aide de procédés chimiques qui permettent de transformer les billets noirs en billets de banque prêts à circuler. Ainsi, lors des perquisitions chez Kita Moussa, demeurant à Hay Fath, la police a découvert des bons d'achat des Etats-Unis relatifs à des matières chimiques ainsi que des documents sur leur utilisation et le mode opératoire qui doit servir de base de travail aux falsificateurs. Il y avait également dans l'appartement un lot de papiers blancs et des outils destinés à la fabrication de faux billets ainsi que deux boîtes d'encre comportant vingt flacons de diverses couleurs. Cambriolages de villas à Hay Ryad : plusieurs plaintes avaient été déposées auprès de la police de Rabat pour effraction et cambriolage de villas. A chaque fois, il s'agissait du même “ modus opérandi ”. Les auteurs défonçaient les portes ou les fenêtres en usant d'outils en fer et prenaient tout ce qui avait de la valeur, comme les bijoux, le matériel électronique et les objets de décoration. Un soir, le nommé Hamid el Idrissi Ismaili, demeurant à Hay Rachad, a été aperçu à bord d'une voiture Golf, faisant le va-et-vient de l'avenue Nakhil à Hay Ryad. Connu dans le milieu policier pour ses antécédents, il a été soumis à une surveillance et une filature qui ont mené les policiers, tard la nuit, vers une villa située rue Ramadya. Après avoir escaladé le mur, le cambrioleur a rejoint un autre membre du gang déjà sur place, Abdelghani el Bouanani. Arrêtés par la police, les deux compères ont avoué pas moins de treize cambriolages par effraction. Ils acheminaient leurs butins vers un appartement loué à Témara à Hay el Massira. Dans cet appartement, il a été procédé à l'arrestation d'une femme qui avait eu un enfant hors mariage avec Hamid el Idrissi. Les perquisitions ont permis de trouver plusieurs lots de caméras vidéo, de téléviseurs, de tableaux et divers objets appartenant aux victimes. D'autres individus ont pu être arrêtés suite aux aveux du chef du gang : Bouchta el Ayadi et Naciri el Ayachi, ce dernier étant déjà recherché par la police. D'autres sont toujours en cavale : Jamal Aniba, Malika Aniba, Saïd Oumansour et un certain “ Qabba ”. Trafic de voitures international : il a été procédé à la présentation devant le parquet général de la cour d'appel à pas moins de trente-cinq individus, dont plusieurs femmes, qui s'étaient spécialisés dans le vol et le trafic de voitures à l'échelon international, falsification de documents officiels, escroquerie et recel. La police a pu saisir les véhicules volés : vingt-trois bagnoles de haut gabarit qui comportent notamment les marques Mercedes et Golf qui sont très prisées sur le marché marocain. Un autre véhicule a été saisi à Algésiras, en Espagne. C'est à travers les douanes que passaient les bolides qui étaient volés dans les pays européens, notamment en Belgique, en France et aux Pays-Bas. La falsification des documents permettaient au gang de les refourguer à une clientèle de choix dans les principales villes marocaines. La police nationale recherche encore neuf véhicules volés qui sont en circulation sur le territoire.