Hommage On l'attendait. José Luis Rodriguez Zapatero prend enfin les commandes dans un pays qui a souffert pendant des années de la politique nombriliste d'un José Maria Aznar embrigadé dans un aveuglement politique et humain d'un autre âge. L'arrivée de Zapatero augure beaucoup de bonnes choses pour son pays et pour les relations avec le Maroc qui a aussi payé les erreurs stratégiques d'un Parti populaire dépassé par les évènements. Une nouvelle page est ouverte dans les rapports de bon voisinage entre nations qui ont tout intérêt à unir leurs forces pour un avenir commun fait d'entente, de respect et de soutien mutuel. Pour les Marocaines et Marocains, ce n'est pas un dirigeant comme les autres. Du moins son visage serein de grand frère, bienveillant, amical, n'est plus méconnu depuis que l'homme a pris la défense du Maroc, en toutes circonstances et contre vents et marées qui soufflaient dans son propre pays. Et pour cause, cet homme qui prend en charge –douloureusement, avec punch et renoncement- le gouvernail du pays espagnol, avait été traité, juste après l'incident de l'îlot Leïla, de traître de la nation par le gouvernement Aznar, par “el presidente” franquiste lui-même. Ce dernier a fini par amener, en huit ans de pouvoir désastreux, la peste dans son pays. Mais Rodríguez Zapatero a de qui tenir et ses références idéologiques n'ont pas pâti durant son long parcours et ses différents engagements. Son grand-père paternel, le capitaine Juan Rodriguez Lozano, avait été fusillé à Puente Castro à Leon, dans la ville originaire des Zapatero, le 18 août 1936, dès les premières semaines de la guerre civile menée par Franco qui est encore aujourd'hui l'idole exécrable d'un José Maria Aznar tenté par la dictature et l'absolutisme. Entre le président sortant et celui qui assumera à partir d'avril les plus hautes charges de l'Etat, il reste ce souvenir, cette histoire qui les sépare à jamais en les rapprochant curieusement : Franco, le fidèle ami du grand-père de José Maria a fait fusiller le grand-père de José Luis. Dans son testament, le grand-père des Zapatero avait laissé un mot pour sa descendance : venger sa mémoire. Zapatero, un homme de dialogue Sitôt dit, sitôt fait, l'histoire familiale allait pousser les enfants Rodriguez, issus de la classe moyenne, à s'engager sans tressaillir aux côtés du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) qui avait été dès 1939 interdit par le pouvoir militaire et qui luttait dans la clandestinité. Ce qui allait fortement déterminer la vie et la trajectoire politique de son neveu José Luis Rodríguez Zapatero, fils d'un brillant avocat de la ville de Leon, Juan Rodriguez Garcia. Un jour de février 1979, pourtant, lors d'un meeting, il sent une voie s'ouvrir face à lui et c'est avec une flamme nouvelle qu'il assiste au discours d'un certain Felipe Gonzalez Marquez, alors secrétaire général du PSOE, de 18 ans son aîné. Le benjamin des Rodriguez Zapatero allait simultanément poursuivre sa carrière en suivant les traces de son père, devenant à partir de 1984 un éminent professeur de droit politique à l'université Castilla et Leon, tout en assumant les charges de secrétaire général de Juventudes Socialistas à Leon. En 1986, il obtient, à moins de trente ans, son premier mandat legislatif, devenant le député le plus jeune de la camara madrilène et l'un des meilleurs hommes de Felipe Gonzalez. Il est alors de plus en plus en vue, le verbe facile, la pensée claire et modérée. Militant de profil mesuré, considéré comme ouvert au dialogue, il fut à la surprise générale –pour son âge et ses positions militantes – élu Secrétaire général de la Fédération Leonaise en 1988, lors du Vème congrès du PSOE provincial. Sa capacité à élimer les dissensions idéologiques et rapprocher les positions de ses compagnons, à détendre les crispations seront ses meilleurs alliés qui joueront en sa faveur pour sa promotion au sein d'un parti politique qui commençait à faire saillir ses différences. Durant les élections générales d'octobre 1989, qui supposèrent la deuxième réélection du parti de Felipe Gonzalez, José Luis Rodríguez Zapatero joua un rôle mentor auprès des proches du président pour améliorer l'image du parti et arracher, avec moins de voix que prévu, la victoire au Parti populaire. En 1990, le jeune politicien qui fait des prodiges et que l'on remarque déjà comme un possible dauphin de Felipe Gonzales, décide de se marier avec Sonsoles Espinosa, ancienne compagne d'université et professeur de faculté, issue d'une famille leonaise, avec laquelle il a actuellement deux filles : Laura, née en 1993 et Alba née en 1995. La déroute finale du PSOE, au profit du PP, allait entamer la longue dérive d'un PSOE privé de son Felipe Gonzalez et fortement ébranlé par les affaires politico-juridiques (assassinats par le gouvernement de membres d'ETA, forte hausse de chômage, résultats économiques en baisse, mauvaise flexibilité de la politique d'emploi) qui ont porté un coup fatal à son parti. Après bien des tergiversations, Felipe Gonzalez a finalement annoncé son retrait de la vie politique en 1997, cédant la place à Joaquin Almunia Amann à l'image un peu grise mais capable de rehausser la crédibilité du PSOE et de mener le parti vers une rénovation salutaire. L'homme du nouveau souffle Le 29 janvier 1998, Felipe Gonzalez, ayant retiré définitivement sa candidature pour la présidence de 2000, c'est d'abord Almunia qui est pressenti pour remplacer le leader charismatique. A cette occasion José Luis Rodríguez Zapatero avait soutenu Joaquin Almunia Amann et le felipismo. Mais le terrain socialiste à l'époque s'effilochait et le Leonais commença à dévoiler ses ambitions politiques. Il proposa, à la grande surprise générale, une plate-forme d'idées appelée Nueva Vida (Nouvelle Vie). C'est à cette date que les Espagnols entendent parler de ce jeune député qui brille à l'intérieur du parti mais que personne n'a encore révélé au grand jour. Ses idées, qu'il présente plus comme une politique pragmatique que comme une idéologie, ont été désignées comme un “socialisme libéral”, qui évoque un peu la Third Way (troisième voie) de Tony Blair ou la Neue Mitte (Nouveau Centre) du socio-démocrate Gerhard Schröder, qui tournent la page du socialisme dur et proposent de prendre en compte le marché libéral pour assumer naturellement l'économie de libre marché des sociétés contemporaines. José Luis Rodriguez Zapatero a présenté son programme comme un défi de changement au sein d'une société polyvalente et ouverte à l'immigration. Tout un programme pour l'intégration des résidents clandestins a été mis en place dans le programme 2003 du parti. Une vision qui tranche avec son prédécesseur qui a utilisé cette carte de l'émigration pour attaquer son voisin. Sur ce chapitre, plusieurs milliers de personnes pourraient comme le souhaitent de nombreuses voix enfin bénéficier d'un réel programme de prise en charge, de dialogue et d'aide pour d'un côté intégrer de plain-pied la communauté espagnole et voir leur situation régularisée afin de ne plus survivre indignement dans une société démocratique et européenne qui donne dans les slogans vides et tape-à-l'œil. Quoi qu'il en soit, le Maroc a confiance. Il sait quels sont ses acquis, quelle politique étrangère il a toujours voulue avec son voisin du Nord. Un avenir commun, une prise en compte des données culturelles respectives, un respect des choix de l'autre, une analyse conjointe de la situation de la région et un ami qui puisse accompagner ce Maroc moderne, ouvert et riche qui est en définitive le meilleur partenaire pour l'Europe de demain. Abdelhak Najib & Karim Serraj