Accord sur les mineurs C'est en cours d'exécution. Les rapatriements des mineurs marocains, tant craints par la société civile et l'opinion publique, ont commencé. C'est avec consternation que l'on apprend que la machine politique, imperturbable, s'est enclenchée. Un premier groupe a déjà été reconduit, les autres suivront. Ils sont officiellement près de 5000, mais il faut compter avec quelques milliers qui vivent au noir, disséminés en Espagne et en Europe. L'accord sur le rapatriement des mineurs est bel et bien en cours d'exécution, depuis quelques semaines, entre l'Espagne et le Maroc. Selon des sources du ministère de la Justice espagnole, la première vague de quarante mineurs marocains a déjà été reconduite il y a trois semaines jusqu'à la frontière avec Melilia. Il s'agit d'enfants dont certains avaient déjà été immatriculés par les services sociaux espagnols et faisaient partie d'un programme d'insertion, ce qui est une infraction à la loi espagnole et aux accords signés avec le Maroc, à Madrid, le 23 décembre. Liste d'attente Aussi, les autorités marocaines ont refusé d'accepter l'accueil de six mineurs qui avaient fait valoir leur carte de résidence temporaire espagnole, dûment signée par les services concernés. A l'heure actuelle, près de trois cents mineurs seraient sur la liste d'attente et verraient leur séjour en Espagne s'écourter dans les prochaines semaines. A l'arrivée des quarante mineurs, ce sont les unités des forces de police qui les attendaient et qui les ont interceptés, ce qui a poussé quelques voix du gouvernement marocain à dénoncer les termes des accords qui ne prévoient pas l'assistance sociale immédiate des enfants ni le suivi de l'opération de rapatriement. En d'autres termes, cet accord est politique et ne se soucie guère des retombées humanitaires de la question. Si l'Espagne est prête à subventionner d'affreux orphelinats au Maroc, c'est uniquement pour se débarrasser des clandestins mineurs dont elle ne veut résolument pas. Elle le fait en bafouant ses propres lois de protection de l'enfance et en prévoyant de sévères clauses dans le mémorandum qui privilégie le rapatriement des mineurs en toute circonstance. Cet accord stipule en effet que les mineurs marocains qui atteignent les côtes espagnoles à bord des pateras soient arrêtés et, postérieurement, rapatriés vers leur pays avant quarante jours. De même que les mineurs non accompagnés qui atteignent un poste frontalier espagnol soient remis immédiatement aux autorités des frontières marocaines. Par ailleurs, toujours selon les clauses officielles du mémorandum du 23 décembre, les mineurs marocains non accompagnés qui se trouvent déjà sur le territoire espagnol depuis quelques temps, doivent être identifiés et la documentation qui accrédite leur nationalité expédiée par les soins des autorités marocaines avant de procéder à leur rapatriement. Affaire de dupe L'objectif avoué de l'Espagne étant de réinsérer les mineurs au sein de leurs familles, mais dans les cas d'abandons qui sont légion, lorsque les familles ne sont pas localisables, l'Espagne procédera quand même aux rapatriements des mineurs, sous tutelle des autorités frontalières marocaines auxquelles ils seront confiés. Affaire de dupe qui cache la véritable mission des accords : mettre dehors tous les clandestins, mineurs ou adultes, puisque l'Espagne ne légalisera plus d'irréguliers et choisira désormais de se tourner davantage vers les immigrés d'Europe de l'Est, d'Asie et surtout d'Amérique du Sud même si ce beau monde coûte un peu plus cher aux marchés espagnols. La vague des quarante mineurs de Melilia n'est qu'une première opération dans le long cycle de rapatriements qui s'ensuivra désormais. Que deviendront tous ces enfants ? Pourquoi le Maroc n'a pas officiellement annoncé que les mineurs étaient là ? Où sont les orphelinats promis pour leur accueil ? Quels sont les budgets alloués à la réinsertion des mineurs rapatriés d'Espagne ? Patrouilles mixtes, c'est parti Des membres de la Gendarmerie Royale et des agents espagnols du Service Maritime de la Garde Civile ont commencé à patrouiller depuis le 19 février dernier dans les eaux qui séparent les îles Canaries et la côte de Laâyoune. Le lancement des patrouilles mixtes est intervenu en présence du nouveau haut responsable du département chargé de l'Immigration, Gonzalo Robles, qui avait dirigé les services anti-drogue espagnols jusqu'à sa nomination, en octobre 2003, à la tête de l'office chargé de la lutte contre l'immigration irrégulière. Gonzalo Robles a été pressenti par la Moncloa pour mener à bien le programme des patrouilles mixtes et la lutte contre les réseaux mafieux, ainsi que l'application des mesures émanant des accords bilatéraux pour l'éradication des pateras et des immigrés clandestins. Ce premier contingent de Gendarmes marocains et de gardes civils stationné dans les eaux atlantiques du Maroc fera figure de test durant une période de six mois avant que l'opération des patrouilles mixtes ne soit étendue vers le Détroit de Gibraltar avec la même mission, sécuriser les points de passage de l'immigration illégale Sud-Nord. Les accords ont été signés lors de la réunion de mi-janvier tenue à Marbella par les deux parties. Selon les derniers chiffres fournis par la Garde Civile andalouse, durant l'année 2003, 19.176 clandestins ont été arrêtés lors de leur tentative de passage vers les îles Canaries ou la berge nord du Détroit de Gibraltar. Le contenu de l'accord L'accord de réadmission des étrangers irréguliers par le Maroc fut le dossier le plus polémique des négociations bilatérales qui a connu depuis septembre des hauts et des bas. Plus de bas que de hauts, côté marocain, puisque le bras de fer qui a opposé les deux parties s'est soldé par l'acceptation des clauses principales de l'affaire, à savoir le rapatriement de tous les clandestins de toutes nationalités arrêtés sur le territoire espagnol et qui ont transité par le Royaume. Les premiers rounds avaient permis de faire valoir la thèse marocaine du cas par cas, c'est-à-dire du traitement individuel des dossiers de rapatriement, pour enquêter, s'assurer que le candidat a bien transité par le Maroc, qu'il communique sa véritable nationalité et qu'il souhaite volontairement regagner son pays d'origine. Mais le tour de passe-passe de Madrid était irréfutable, du moins sur le plan légal. On le sait maintenant, l'Espagne a convaincu car elle a invoqué le flagrant délit en cas de capture des pateras. Elle a aussi insisté pour considérer l'aveu des candidats suffisant pour en faire une preuve. Aussi, dans cet accord, la réadmission des clandestins de nationalité tierce sera désormais automatique lorsque démonstration sera faite que le marin qui conduisait la patera est de nationalité marocaine. Autant dire que tous les marins des pateras sont Marocains. C'est une évidence dans des réseaux internationaux qui ont des appuis locaux pour l'hébergement et le transport des candidats. Les pateras arrêtées avec un marin marocain à bord seront rapatriées vers le Maroc, tout comme le seront les Subsahariens qui avoueront être passés par le Maroc ou avoir été conduits jusqu'à la berge espagnole par un Marocain.