Accord sur le rapatriement des Subsahariens Le Maroc a procédé dernièrement, à Laâyoune, au premier rapatriement de clandestins subsahariens arrêtés en Espagne. La Commission marocaine de la coopération bilatérale a donc dit “oui” à l'accord litigieux qui prévoit l'accueil, par le Maroc, de tous les clandestins irréguliers qui ont transité depuis douze ans par son territoire. Par ailleurs, près de 600 autres Subsahariens seraient prêts à être rapatriés vers le Maroc. Ce qui n'ira pas sans soulever d'épineuses questions. Cela s'est passé, dans le plus grand secret, le 27 février 2004. Les autorités marocaines ont accepté, pour la première fois, le rapatriement de trente immigrés clandestins subsahariens arrêtés quelques jours auparavant par la police espagnole sur l'île de Fuerteventura, dans les îles Canaries. Ces candidats à l'immigration provenaient de plusieurs pays africains anglophones et francophones et cherchaient à rejoindre l'Europe en transitant par le sud du Maroc à bord d'une patera. A leur arrestation sur le territoire espagnol, ils n'ont pas été soumis aux procédures d'usage (immatriculation, enquête sur le pays d'origine et accueil temporaire des clandestins), mais bel et bien placés dans un charter qui les a emmenés vers la ville de Laâyoune d'où ils devront être rapatriés, sous la responsabilité du Maroc, vers leurs pays d'origine. C'est aujourd'hui une réalité et il semble bien que l'accord sur le rapatriement des Subsahariens ait été signé en même temps que l'accord sur les mineurs marocains, le 23 décembre 2003, lors de la rencontre organisée à Madrid entre le ministre de l'Intérieur Al Mostapha Sahel et son homologue Angel Acebès. Un accord qui date de 1992 Le mutisme officiel qui a entouré la signature du document, appelé accord de réadmission des étrangers irréguliers, est équivalent aux enjeux et à la gravité de l'affaire. Celle-ci comporte notamment la fameuse clause qui se réfère à l'admission des nationalités des pays tiers, qui s'applique non seulement aux Subsahariens, mais à toutes les nationalités qui transitent traditionnellement par le Maroc, qu'elles soient algérienne, arabe ou autre. Dans les faits, la commission de travail bilatérale a ressorti un vieux dossier qui remonte à 1992, négocié par d'autres gouvernements, d'autres hommes et surtout par rapport à une situation de l'immigration clandestine fort différente de l'actuelle. Si l'on s'en tient aux chiffres officiels, en 1992, l'accord concernait à peine 10 % des quelques 100.000 Subsahariens actuellement détenus dans les centres espagnols, ce chiffre ne comptabilisant pas les autres nationalités ni les clandestins insérés dans le marché noir. A cette époque, l'équipe de Driss Basri avait accepté et signé l'accord, avant de se rétracter quelques jours plus tard en demandant à inscrire des amendements dans le texte. Ce qui avait été rejeté illico par l'Espagne qui allait refuser toute renégociation en dehors du cadre initial qui avait -et a toujours- pour priorité le rapatriement des clandestins de nationalité tierce vers le territoire marocain. L'Espagne n'ayant jamais pu trouver une solution, sur son sol, pour contrecarrer l'immigration clandestine préfère déléguer le fléau à son voisin moins bien préparé pour affronter le défi énorme de réceptionner tous les clandestins d'aujourd'hui et des années à venir qui passent par la pointe de l'Afrique pour rejoindre l'Europe, alléchés par les villes poreuses de Sebta et Melilia, par la géographie conciliante du Détroit de Gibraltar et les grands airs du Sahara qu'aucune armée au monde ne pourrait quadriller convenablement. Si l'Espagne n'a jamais pu contrôler sa petite berge andalouse, les îlots des Canaries et deux villes comme Sebta et Melilia, comment pourrait faire le Maroc avec sa frontière sud et est et avec ses immenses côtes maritimes ? Les réseaux de l'immigration clandestine sont internationaux, comme en témoigne l'arrestation la semaine dernière, en Libye, d'une femme originaire de l'Europe de l'Est qui organisait les réseaux de passeurs d'homme vers l'Italie et l'Europe à partir de la Tunisie. Par ailleurs, l'Espagne elle-même n'a jamais pu trouver, tout au long de ces années, de solution pour convaincre les clandestins subsahariens de communiquer leur nationalité, pour pouvoir ensuite comme le stipule la loi procéder à leur rapatriement vers les pays africains concernés. Les difficultés, voire l'impossibilité d'arrêter les nationalités des uns et des autres, ont poussé Madrid à focaliser son jeu politique sur la clause qui lui permettrait de se débarrasser à moindre frais des irréguliers. Selon un haut responsable marocain, “si par le passé le Maroc a accepté d'accueillir quelques Subsahariens, toujours de manière individuelle, c'est la première fois dans l'histoire de l'immigration clandestine qu'il rapatrie un groupe complet qui venait d'être arrêté à bord d'une patera”. Selon d'autres sources, il y aurait près de 600 clandestins subsahariens arrêtés dans les îles Canaries prêts à être rapatriés vers le Maroc. Cette première vague de trente individus est en passe de se convertir en une structure de réadmission stable et politiquement correcte des Subsahariens et autres clandestins arabes par le Maroc. Ce qui soulève bien des questions, après celles posées par le rapatriement des mineurs marocains. Des camps de réfugiés verront-ils le jour officiellement au Maroc, avec une prédestination pour les terres du Sud ? Laâyoune et ses environs seront-ils désormais la destination privilégiée pour des dizaines et des dizaines de clandestins arrêtés en Europe ? Telle est la grande question sociale de demain.