Bombe à retardement au Maroc Depuis 1985 et le premier scandale autour de la cocaïne au Maroc, un silence religieux plane sur les agissements des narcotrafiquants opérant dans le territoire. Aujourd'hui, ce n'est un secret pour personne : les drogues dures ont envahi le marché marocain et se sont localisées dans les grandes agglomérations. Selon les spécialistes, la consommation et le recel de la blanche vont crescendo au Maroc depuis les années 80. Quelles sont les mesures prises pour la lutte anti-drogue dure, quelle est la situation exacte et l'ampleur des dégâts causés par ce trafic étant donné que bon nombre de Marocains sont victimes de la toxicomanie et de la dépendance à un moment où l'étau semble se resserrer autour des trafiquants et des consommateurs et qu'un grand coup est prévu prochainement au Maroc ? C'est une affaire qui va faire beaucoup de bruit et de dégâts. Les jours prochains risquent d'être riches en sensations fortes. Le trafic des drogues dures fera éclater au grand jour tout le remue-ménage souterrain qui fleurit dans presque toutes les grandes villes du pays. Avec une place d'honneur pour Marrakech, Tanger, Agadir et Casablanca. Depuis 1985 et la première affaire de drogue dure, beaucoup de chemin aura été parcouru sur les routes du trafic et de la consommation de cocaïne, d'héroïne, d'ecstasy et autre combinaison molotov. Aujourd'hui ce n'est plus un commerce de l'ombre qui avait ses entrées dans des demeures privées, à l'abri des regards, dans des cliques très hermétiques. Sans avoir la même extension que le haschich, l'étendue des drogues dures n'en est pas moins importante surtout dans les lieux de luxe, les boîtes de nuit de quelques villes-phares du pays. Il suffit d'avoir les moyens pour tomber sur un rabatteur qui vous ouvrira le sérail d'une bonne plongée dans les limbes hallucinogènes. A partir de 600 dirhams le gramme, les quantités circulent sous le manteau, de table en table, de voiture en voiture, à la sortie d'un parking ou dans le hall d'un hôtel. Sniffe qui peut Pour se payer un bon trait ou un shoot d'enfer, il faut avoir les reins solides. Matériellement s'entend. Les accros déboursent une petite fortune chaque mois pour entretenir leur “tripe” et on a vu des familles, comme celle devenue célèbre à Tanger, vendre leurs biens pour assurer à leurs enfants, ou au mari, leurs doses quotidiennes. Sort-on un jour de la blanche ? Les dégâts sont innombrables : au-delà des conséquences liées à la toxicomanie, on en observe d'autres à côté qui se révèlent de véritables fléaux sociaux. Il s'agit du sida dont un bon nombre de Marocains souffrent à la suite d'une seringue douteuse, les vols et agressions commis au nom d'un shoot improbable sans compter la destruction physique et mentale, la violence conjugale ou familiale, l'agressivité, la folie etc. Et l'on s'accorde aujourd'hui à dire que le phénomène n'est point en régression mais qu'il connaît une montée en flèche qui génère des millions de Dirhams chaque année à des organisations où l'on peut inclure et les trafiquants de passage qui font le troc de marchandises au Maroc, et la drogue qui entre chaque semaine de Sebta et Melilla, sans compter le rôle joué par quelques émigrés qui jouent la carte de l'aller-retour, cocaïne-haschich, entre le bled et l'Europe. D'ailleurs selon plusieurs sources spécialisées, il apparaîtrait qu'une bonne partie de la blanche écoulée sur le marché marocain provient de différents circuits incluant la Hollande comme première base d'expédition. A cela il faut ajouter les drogues dures qui pénètrent à partir du Sud en provenance de pays africains, notamment l'Afrique du Sud considérée ces cinq dernières années comme le principal convoyeur de la blanche. Souvenirs douloureux Cette fois, les autorités marocaines ne doivent pas attendre qu'un bateau balance au large de nos côtes sa cargaison pour tirer la sonnette d'alarme et que des interventions aient lieu. Il ne faut pas non plus attendre que les rues de l'ancienne médina casablancaise deviennent le terrain de jeu de petits dealers du dimanche pour cerner les réseaux et couper la tête de l'hydre. Malgré les quelques affaires et scandales qui ont émaillé depuis deux décennies la vie politique et sociale du pays, comme le blanchiment d'argent entre la France et Israel qui a utilisé des groupes financiers étrangers au Maroc, comme la mésaventure d'American Express en 2002 et la connexion Tel Aviv-Casablanca, l'affaire du bateau Océanide et de ses liens avec le baron polyvalent H'midou Dib et le réseau de Toulon qui avaient versé dans le trafic de la blanche et des armes. On se rappelle aussi de l'épisode Rachid Temsamani, spécialiste des drogues synthétiques qui avait de solides liens avec les réseaux de Colombie et autres républiques latino-américaines. Une grosse affaire qui avait impliqué plusieurs pontes marocains qui semblaient jusqu'alors intouchables. Le sujet des drogues dures est trop grave pour rester dans l'ombre et profiter du silence ambiant qui entoure le trafic depuis ses débuts. Aujourd'hui, il est grand temps de lever le voile sur les agissements criminels qui sévissent sur notre territoire en frappant un grand coup pour réveiller les consciences endormies et mettre un terme aux principales organisations, connues, pistées ou soupçonnées. Quoi qu'il en soit, il est quasi certain que les prochains jours risquent de jeter sur les devants de la scène l'une des grosses affaires liées à la cocaïne dans les annales du pays, ce qui risque de rappeler les années de l'assainissement qui étaient autant d'alertes sans suite. Reste à espérer qu'en cas de nouveaux coups de filet, l'histoire ne se répètera pas. D'où vient la coke du Maroc ? L'Afrique a gagné sa place de grande plaque tournante dans le trafic de la blanche après les années soixante-dix et les premières guerres civiles qui ont porté à la tête de nombreux pays des individus de mèche avec des trafiquants de diamants, de drogues et d'armes. L'Afrique a commencé dans le commerce des drogues en profitant des défaillances et des faiblesses des moyens de protection des aéroports, ports et autres frontières par lesquelles transitent tous types de marchandises. L'autre aspect qui a favorisé cette prolifération du trafic reste toujours le facteur humain très bon marché. C'est ce qu'on appelle dans le jargon les mules, sorte de passeurs tout terrain, passés maîtres dans l'art de la dissimulation et des fuites. La cocaïne vient directement de cartels latino-américains qui ont été sollicités pour implanter les grandes fabriques indépendantes en étroite collaboration avec les Nigérians et les Ghanéens. L'héroïne, quant à elle, provient d'Asie du Sud-Est. C'est à cette même époque que la route de passage de l'héroïne du Sud-Est asiatique et la cocaïne de l'Amérique du Sud transitant par l'Afrique a été ouverte vers les Etats-Unis dont le marché est friand et l'Europe qui a trouvé son compte en achetant à grande échelle une marchandise qui revenait moins cher aux négociants. C'est la cocaïne qui a ouvert le bal de la drogue en Afrique. Les trafiquants ghanéens et nigérians ont fait figure de pionniers dans l'histoire et le Maroc devient très vite, par sa situation géographique exceptionnelle, une terre de transit de la marchandise prisée par les passeurs et négociants. La transaction ne pouvant se faire sans appui et logistique établis sur la place, poussant de nombreux prétendants à s'orienter vers ce nouveau business encore méconnu de la police marocaine. Le commerce de la drogue dure fait son entrée dans le Royaume en s'organisant autour du partage et de la participation de réseaux locaux. C'est exactement dans les années 1983-84 que les nouveaux partenaires des trafiquants marocains ont entamé le cycle de la cocaïne. Un an plus tard, en 1985, éclate au Maroc la première affaire de cocaïne de toute l'histoire nationale. Le premier réseau interne tombe et il s'avère qu'il est constitué de jeunes Tangérois en mal d'aventure et d'addiction, des fils de notables respectés qui avaient joué un rôle en important de la blanche et en essayant de la redistribuer sur le marché local. Dès lors, sans prévenir, d'autres individus ont profité du grossissement du marché africain qui avait trouvé le filon de l'héroïne à partir de 1987. De ce fait, au Maroc, plusieurs négociants africains, notamment du Libéria, de la Côte d'Ivoire, de la Gambie et du Sénégal ont entamé leurs va-et-vient entre l'Asie et l'Amérique d'une part, l'Afrique et l'Europe d'autre part. Le Maroc a pris alors sa juste place comme carrefour des routes de la blanche. D'un autre côté, certains trafiquants européens ont cherché à écouler leurs cargaisons de drogues dures au Maroc, ou ont cherché à l'échanger contre des cargaisons de haschich avec des trafiquants locaux. Commence alors la longue série de saisies, parfois colossales, qui ont rythmé les années quatre-vingt-dix. Les démantèlements des gangs en France et en Espagne principalement, impliquant des individus de nationalité marocaine, la chute des barons du Nord du Maroc en 1996 avaient démontré les étroites connexions entre le haschich et la coke.