Mustapha Benali, directeur général de 2M Mustapha Benali, l'actuel directeur général de 2M, est un homme qui n'a pas peur des mots. Dans cet entretien accordé à La Gazette du Maroc, Benali dévoile tout. Il parle en toute franchise de son départ et de son retour à la chaîne, des blocages et des poches de résistance qu'il a rencontrés dès son arrivée à 2M, des solutions préconisées pour y remédier sans oublier les grands projets ambitieux prévus pour l'année 2004. La Gazette du Maroc : est-il vrai qu'on vous a demandé de restituer les indemnités perçues suite à votre départ de la chaîne ? Mustapha Benali : je suis étonné, par rapport à ce qui a été écrit dans un journal pour lequel j'ai beaucoup de respect et qui a malheureusement publié des informations erronées sans prendre la peine de les vérifier ni de les recouper. Dans cette histoire, présentée comme un " scoop", je peux vous assurer qu'il n'y a ni confidence ni tabou. Nous sommes tous amenés, un jour, à faire du mal aux autres, mais au moins, lorsqu'on est obligé de commettre l'irréparable, il ne faut pas le faire d'une manière obsessionnelle. Cette campagne orchestrée, par je ne sais qui ni pour quelle fin, est dénuée de tout fondement et montée maladroitement de toutes pièces. Car tout journaliste qui respecte sa signature et ses lecteurs pouvait avoir accès aux archives de ce dossier auprès du tribunal et consulter les tenants et les aboutissants de cette affaire. Parce que, quand un responsable quitte, dans des conditions particulières, une entreprise, il y a toujours des contrats qui règlent et qui fixent les indemnités de son départ. Je suis curieux de savoir pourquoi ce même journal ne s'est pas posé la question sur les dizaines de directeurs des établissements qui partent, moyennant toujours des indemnités, pour rejoindre tel ou tel office public sans qu'on leur demande de restituer leurs indemnités de départ ? Toute cette histoire n'a pas de sens. La chaîne n'appartient à personne et tout litige peut se régler au niveau de la justice comme à l'amiable et sans être conditionné par un non-retour. Franchement, cet acharnement par voie de presse interposée est regrettable. Qui se cache derrière cette campagne ? Dans les milieux de la chaîne, on cite votre prédécesseur, Noureddine Saïl ? Je ne veux accuser personne par respect pour la chaîne et la mission qui m'a été confiée par S.M. le Roi Mohammed VI. Mon litige avec mon prédécesseur relève désormais de la préhistoire. Je ne vais pas m'octroyer le droit d'utiliser la chaîne pour régler mes comptes avec mes ennemis, lorsqu'ils existent. Lors de ma nomination, on m'a demandé de relever le défi de rehausser le niveau de la chaîne pour répondre aux attentes des téléspectateurs marocains. La chaîne n'est pas un outil ou un jouet avec lequel je vais m'amuser pour réaliser mes caprices et mes envies. Justement, on dit que vous avez provoqué le départ de l'ancien directeur de production de 2M, Abderrahman Tazi. Il faut que les choses soient claires une fois pour toutes. Quand je suis arrivé à 2M, Tazi avait atteint l'âge de la retraite. Mieux encore, il n'avait qu'un contrat de prestation de services signé au temps de Saïl et qui allait prendre fin le 31 décembre 2003. Et de toutes les façons, c'est Tazi qui a choisi de partir de la chaîne, moyennant des indemnités pour le reste de l'année. Tous les deux, nous gardons de bonnes relations et le jour où il se présentera pour collaborer, il sera le bienvenu. Je vous le répète une fois encore, je ne suis pas là pour régler des comptes avec qui que ce soit. Et pourquoi l'émission “Bande à Part”, animée par Nadia Larguet, a disparu de l'antenne ? Ce n'est pas la seule émission qui a été sucrée de la grille. C'est bizarre comment le débat autour de cette émission et son animatrice sont étroitement liés au départ de mon prédécesseur ! "Bande à Part" a disparu de la grille pour la simple raison qu'elle ne touche qu'une petite frange des jeunes marocains. L'idée aujourd'hui est de réaliser une émission fédératrice qui répond aux préoccupations majeures de la jeunesse au Maroc, en matière de loisirs et d'informations, sans exclure personne et surtout sans la moindre provocation gratuite. Je n'ai rien à reprocher à Nadia Larguet qui a fait du bon travail. Cela dit, je lui ai recommandé avant le mois de Ramadan de penser et présenter un nouveau concept d'émission. Jusqu'à présent, aucune réponse. Pour moi, comme pour la majorité des Marocains, nous pensons que les jeunes ne se reconnaissent pas tous dans "Bande à Part". Si nous avions continué sur la même lancée, c'est la chaîne qui allait se retrouver à part. Pouvez-vous nous dresser un état des lieux sur la chaîne et commenter le bilan de Nourreddine Saïl ? Au lieu de parler du bilan de mon prédécesseur, il est utile, à mon avis, de dresser plutôt un constat. En un mot, je peux vous affirmer, après trois mois passés à la tête de la chaîne, que 2M est une belle maison. Depuis mon arrivée, je me suis consacré tout d'abord à prendre connaissance de l'état de l'outil dont la chaîne dispose et des ajustements à opérer pour 2004. Mais on parle de plus en plus d'un audit qui est en train de s'opérer au niveau de la chaîne. Selon certaines sources, les premiers résultats sembleraient accablants à l'égard de l'ancienne direction générale ? Moi aussi j'ai lu quelques informations dans la presse dans ce sens. Tout ce que je peux vous dire c'est que l'audit est en cours de finalisation, mais je ne me permettrai jamais d'annoncer quoi que ce soit quant à ses conclusions. La publication de cet audit ne relève pas de mes compétences. D'ailleurs, ce n'est pas là mon souci. Ce qui me préoccupe c'est le management de la chaîne. 2M est une machine qui doit continuer à tourner et donc il fallait agir sur le contenu pour alimenter la chaîne en programmes tout en prenant en considération les préoccupations du personnel pour l'associer dans tous les grands projets prévus pour l'année prochaine. Autre souci, mobiliser toutes les ressources financières disponibles et chercher d'autres moyens additionnels, (à la fois en termes de marchés publicitaires et autres produits dérivés) pour réussir la mise à niveau financière de la chaîne. Aujourd'hui, nous sommes jugés au quotidien par le public, par la presse et par les organismes qui nous financent et qui nous soutiennent dans notre plan d'action. Comme l'ensemble des directeurs qui se sont succédé à la tête de la chaîne, j'ai ma propre vision et ma stratégie que je compte mettre sur place à partir de l'année prochaine. Justement quelles sont les grandes lignes de votre plan d'action ? Ma vision se décline, à présent, autour de plusieurs axes. À commencer par déterminer les forces ainsi que les faiblesses de la chaîne, compléter l'organisation en apportant du sang neuf sans oublier de promouvoir les compétences en interne, revoir les modes de management au quotidien, faire appel à l'expertise aussi bien sur le marché marocain qu'international afin d'améliorer la qualité technique et esthétique de nos produits (éclairage, décor, son). Nous allons agir également sur la formation pointue et continue de notre personnel, avec des échanges dans le cadre d'accords avec des chaînes étrangères, pour améliorer notre savoir-faire et notre produit national comparé aujourd'hui au standard des chaînes internationales. Les téléspectateurs ne notent pas les imperfections de la chaîne nationale par rapport à la concurrence locale, mais plutôt en la comparant avec des chaînes étrangères qui disposent de moyens plus considérables. Pour revenir au bilan laissé par votre prédécesseur, pouvez-vous nous donner un aperçu sur les difficultés que vous avez rencontrées dès votre nomination ? Ce sont les mêmes difficultés qu'aurait rencontrées Noureddine Saïl après le départ de Belarbi. Vous savez, les hommes passent et la structure reste. Personne n'est indispensable pour assurer la direction et le management de la chaîne. Je pense que chacun de mes prédécesseurs avait sa propre empreinte et il a été évalué selon ses contributions. Pour mon cas, je pense que j'ai eu la chance et l'inconvénient d'arriver à un moment particulièrement difficile qu'est le mois de Ramadan et la fin de l'année. En effet, dès mon arrivée, le premier défi à relever était la grille de Ramadan qu'il fallait préparer avec mes équipes pour être à la hauteur des attentes du public, et enchaîner par la suite avec les fêtes de fin d'année, en cours de finalisation. Quels sont les principaux projets prévus pour 2004 ? Il y a un projet qui est plus technologique qui consiste à compléter l'émergence de l'outil de 2M à travers des équipements d'amélioration de l'esthétique de l'image (au minimum équivalent au standard de l'émission Fassila). Ce qui nécessite des moyens d'éclairage lourds et des investissements faramineux en conséquence. Nous allons également investir dans l'acquisition d'une régie mobile en complément de celle déjà existante. Notre attention sera portée sur la création des centres régionaux, à commencer par celui de Rabat qui sera doté d'une équipe dédiée, ce qui va nous permettre de faire des économies sur le plan financier et d'être plus réactif par rapport à la couverture des évènements. Et la même expérience va être généralisée ensuite à plusieurs villes du royaume. L'autre projet important de la chaîne durant l'année 2004 est le 15ème anniversaire de 2M le 4 mars prochain. Nous allons partir pour l'occasion à la conquête de nouveaux talents à travers tout le Maroc. L'année 2004 verra également le lancement d'une structure dédiée à la production documentaire pour alimenter la chaîne. On travaille parallèlement sur un projet de fiction en partenariat avec l'Egypte et la Syrie et dont la production sera assurée par 2M. De nouveaux Sitcoms sont aussi prévus pour la grille de Ramadan prochain, en remplacement de la série “Lalla Fatima”. Noureddine Saïl s'est engagé, avant son départ, à réaliser 24 téléfilms par an. Est-ce que vous allez continuer sur la même lancée ? Peut-être moins que 24 téléfilms. Au Maroc, nous ne disposons pas d'assez de textes ni de scénarios de bonne qualité pour en faire des téléfilms dignes de ce nom. Pour moi, je pense que l'exigence de la qualité prime sur la quantité. Et qu'en est-il de la Radio 2M, le portail et le satellitaire ? Pour la radio, il faut attendre que le projet de loi soit promulgué au Parlement pour avoir une autorisation en bonne et due forme. Car aujourd'hui l'accord dont nous disposons est provisoire et nous permet de ne diffuser que de la musique afin de promouvoir notre antenne. En attendant la réglementation, nous sommes en train de donner une âme à cette radio avec le retour d'Anis Hajam et l'arrivée d'autres voix arabes qui vont venir le rejoindre par la suite. Nous sommes également en train de travailler avec une équipe sur l'habillage sonore de la radio. Le portail va être remis à plat aussi pour qu'il y ait plus de cohérence avec la télé, la radio et le magazine qui connaîtra à son tour une refonte totale. Nous allons revoir également la structure du portail afin de renforcer son contenu sans oublier l'amélioration de sa forme. Au niveau de la chaîne, nous allons agir sur les structures en interne et sur le renforcement de l'organisation en déléguant et en responsabilisant davantage nos collaborateurs sur les projets. Nous allons maintenir les bonnes émissions, en leur accordant plus de moyens, et créer d'autres à côté. Un avant-goût sur les nouvelles émissions prévues en 2004 ? Il y en a plusieurs, mais les plus importantes sont “Eclairage”, une émission économique qui porte sur des sujets d'actualité et se rapproche de l'esprit de “Capital” et “A vous la parole”, une émission sociétale, qui a déja débuté et animée par Nassima El Hor. Nous avons également prévu des modules courts portant sur des thèmes comme le civisme, des documentaires culturels sur les grands décideurs politiques du monde arabe, des émissions consacrées à la jeunesse (élargir l'émission Bande à Part)… Et la rubrique sport ? Le sport, je pense que vous faites allusion à la Coupe d'Afrique des Nations. Pour l'instant nous sommes en pleine négociation avec le groupe ART, détenteur des droits, qui nous a imposé des conditions financières très élevées pour la transmission des matches en différé. Alors que TV5 a le droit de la transmission en direct. Quel est l'intérêt de diffuser donc des matches en différé payés au prix fort ? Le problème qui se pose est celui de la souveraineté : au moins un pays doit disposer des droits de son équipe. Nous avons envoyé plusieurs courriers dans ce sens au groupe ART et nous attendons encore sa réponse. Cependant, la chaîne s'engage à transmettre quelques matches de l'Euro 2004. Pour les autres activités nationales, la chaîne a reconduit le tennis pour 2006, renouvelé ses contrats avec la Fédération de basket et aujourd'hui nous sommes en train de négocier pour voir comment nous pouvons reprendre le cyclisme. Au plan international, 2M sera également présente pour couvrir les championnats de la league. Le budget 2004 vous permettra-t-il de réaliser l'ensemble de ces projets? Pouvez-vous nous le chiffrer? Le budget 2004 ne sera pas différent de celui de 2003. Cependant, nous pouvons nous engager sur des prévisions de croissance du marché publicitaire, mais c'est peu probable. Alors le seul moyen qui nous reste pour réaliser nos objectifs, c'est de jouer sur l'optimisation des ressources et sur les affectations des moyens financiers dont nous disposons. À noter au passage que la chaîne était au rouge pendant ces derniers mois, ce qui nous a poussés à ralentir les investissements pour mieux dépenser après. Est-ce que le budget n'a pas été justement grevé par des recrutements excessifs opérés dans l'entreprise ? C'est vrai, la masse salariale de la chaîne a beaucoup augmenté, mais comme vous le savez, il est difficile de faire marche arrière. Par principe, la chaîne a tout intérêt à faire travailler tout le monde et à chercher des compléments à l'extérieur pour être à la hauteur des attentes du public. Nous serons forcés de renforcer davantage l'effectif déjà présent, ce qui ne peut que toucher davantage au budget de l'année prochaine. C'est le but d'ailleurs de l'opération de casting que nous comptons lancer en 2004. Vous avez annoncé, lors de votre première conférence de presse, la création d'une chaîne satellitaire 2M/TVM. Comment est-ce possible ? Comment envisageriez-vous le montage financier ? 2M et TVM sont deux concurrents sur terre, mais pas sur le satellite. Cette nouvelle chaîne, qui s'adressera en particulier aux Marocains et en général au public arabe, sera une sorte de fenêtre extraordinaire de découverte. Une chaîne qui fait de la promotion de notre pays auprès de l'étranger. Une entité, chef de file, dévouée à sa création sera composée au départ par les responsables des deux chaînes, en attendant de tout externaliser. Chacune des deux chaînes va louer un satellite pour la diffusion, ce qui va nous coûter beaucoup moins cher par rapport à ce que nous investissons aujourd'hui. Une fois montée, la chaîne diffusera tout ce qu'il y a de meilleur du produit marocain réalisé par les deux chaînes à la fois. L'argent gagné au niveau de la publicité va être immédiatement réinjecté dans le circuit d'investissement de la chaîne. Le directeur de la TVM et moi-même, nous sommes fixés comme objectif de lancer la chaîne avant la fin du premier trimestre 2004. Etes-vous optimiste quant à la réalisation de toutes vos ambitions ? Au lieu d'ambitions, je préfère parler d'objectifs. Mes collaborateurs sont plus que jamais déterminés à me soutenir dans mes missions qui tournent autour du développement de la chaîne et de la mise à niveau des outils de travail. C'est vrai qu'il y a du pain sur la planche, mais je reste confiant et optimiste pour la réalisation de l'ensemble des projets tracés pour les années à venir. 2M et TVM sont deux concurrents sur terre, mais pas sur le satellite. Cette nouvelle chaîne, qui s'adressera en particulier aux Marocains et en général au public arabe, sera une sorte de fenêtre extraordinaire de découverte.