Maintenant, c'est aux juges d'accuser ! Il paraît, justement, qu'il y a une lame de fond qui secoue la profession et fait courir les magistrats. Un procès, comme un autre, mais sur la place publique. L'histoire a fait la “une” de certains hebdos de la place. Les uns en ont fait leur miel, d'autres un pis-aller à des fins non avouées. Ceux-là ne sont pas des collègues, Dieu merci. Commençons par le début : c'est Monsieur Erramach, le jeune délinquant et non moins diaboliquement intelligent trafiquant de drogue qui a secoué le cocotier. L'affaire a défrayé la chronique et continue même de faire sourciller (c'est Erramach en arabe) des inconnus. Errammach on s'en souvient a “balancé” pas mal de magistrats. Une balance contre une autre, et voilà cinq magistrats, mouillés jusqu'à la toge, dira-t-on, qui sont interpellés par le ministère, écroués et envoyés par la suite aux geôles de Salé. La manière, juge-t-on, du côté des juges n'est pas très… juste. Donc, pas du tout catholique. On passe de la balance au tocsin, mais un magistrat, argumentant les indignés parmi leurs collègues, ne jouit pas moins d'une immunité judiciaire qui, le cas échéant, n'a pas été respectée. Cela a un nom : l'abus du pouvoir exécutif. Quand on respecte la justice, les magistrats, il faut les prendre à la lettre. Dont acte. On demande la suite de l'histoire : il faut toujours avoir à l'esprit qu'il y a deux choses à éviter. Deux maux. L'un, le moindre, consiste à subir l'injustice. L'autre, le plus grave, à la commettre. Ça, c'est aussi vieux que l'aiguille de la… balance d'un justicier. On laisse le mal de commettre l'injustice pour un de ces quatre. On se contente de ce qui nous intéresse : les cinq juges, malmenés et menés en bateau jusqu'à la prison, selon leurs défenseurs, ont, eux, subi l'injustice. Intolérable, donc. Voilà pour l'information. La suite, maintenant : un magistrat du Conseil supérieur a vraisemblablement pris la défense (c'est rare aussi), de ses collègues. Par souci de justice, bien évidemment. Et surtout, pour mettre la pendule à l'heure. C'est que l'humiliation, ajoute-t-on, est très grande et la réaction doit être de facto très vive. S'ensuit un mouvement de pétitionnaires et de pétitions, qui, à en croire Al Bidaoui, Al Ayyam et autre Assahifa, a mobilisé 1.200 juges. Pas moins ! Tous ont signé, en bonne et due forme, une pétition “contestataire” adressée au Roi. On le voit très bien, on n'est pas toujours très regardant sur les “vices de forme”. Passons, on ne cherche pas à nuire, ni à “balancer” quiconque. On fait le constat, c'est tout. Personne, selon les pétitionnaires, ne prétend défendre les magistrats mis en cause. Ceux qui ont enfreint les lois, doivent répondre de leurs actes. Ce n'est que justice. Alors ? Alors ce sont les conditions d'arrestation qui sont mises à l'index. Donc : ni innocents, ni coupables ? Cela rappelle une phrase que l'on attribuait à Voltaire : “il y a des demi-preuves, c'est-à-dire des demi-vérités, il est clair, qu'il y a des demi-innocents et des demi-coupables. Nous commençons par leur donner une demi-mort”. Il a le sens de l'humour le vieux Voltaire. Il est loin d'imaginer la suite : un branle-bas et une pétition qui entraîne une autre. On y crie au scandale. Les signataires dénoncent la manipulation, la mauvaise foi. Qui croire ? Quoi qu'il en soit, ce charivari est inquiétant. La moitié du corps n'est pas d'accord avec l'autre. Pour le simple citoyen : 50 % donc des magistrats ont tort quelle que soit la pétition. A mettre le tout en balance, il y a de quoi avoir peur. Tout ça pour ça ? Des pétitions, des sorties médiatiques, des campagnes… Rien que pour nous convaincre que la moitié -au moins- des magistrats ont tort. Le corps est divisé en deux parties : elles s'accusent mutuellement ! Franchement, loin de moi l'idée de défendre le ministère ou le ministre. Les deux, au moins, ne font qu'un. Ensuite, le ministre doit se défendre, lui-même. Mais re-franchement, ce qui incite à chercher la bêtise dans tout ça, ce n'est pas “la nécessité” de trouver un défaut, mais plutôt le refus d'un excès inutile. Surtout, quand Me Ziane s'en mêle et tente de prendre la défense d'une partie contre l'autre. Sans balancer ses idées, Ziane lance : “il n'y a pas d'hommes” ! Ça, ce n'est pas avilissant, paraît-il ? On en passe et des meilleures. La vérité, on n'innocente pas un homme qui n'a rien fait. Ce n'est pas le fond de la forme de la question. Il n'y a qu'un seul perdant. L'image de marque de la justice. Tous en pâtiront, certes, car Dame Justice peut être aveugle, mais elle ne peut se permettre d'être insensée.