Financement La Direction de la politique économique générale vient de publier un rapport d'évaluation du financement de la PME. L'étude, faite sur la période 1996-2002, a ratissé très large : tous les instruments de financement de la PME jusqu'aux plus récents ont été suivis. Ce qui a permis de faire un diagnostic assez complet de la situation avec une kyrielle de chiffres qui font froid au dos. Bref, l'accès au crédit n'est pas du tout facilité à la PME. Pourtant le risque que ce type d'entreprises représente est faible. Encore une nouvelle étude sur la PME! Après le Livre blanc, la Charte de la PME (voir encadré), la Charte grandes Entreprises- PME et les multiples enquêtes diligentées par la Fédération de la PME affiliée à la CGEM, la DPEG (Direction de la politique économique générale) vient de publier un rapport sur… l'évaluation du financement de la PME. L'étude, qui porte sur la période 1996-2002, ne propose pas de solution. Elle s'est bornée à actualiser un certain nombre de données nouvelles. Lesquelles ont encore rappelé que malgré l'énorme effort consenti par les pouvoirs publics, la PME demeure ignorée. Dispositif d'appui à la PME fortement musclé Il ressort de l'étude que sur ces sept années, le dispositif d'appui à la PME a été fortement musclé. En plus des crédits bancaires (court, moyen et long termes) et des crédits d'aide à l'auto-emploi (Crédits jeunes promoteurs, Crédits jeunes entrepreneurs, Programme d'aide à l'auto-emploi...) largement répandus, de nouvelles formules ont été mises en place. Comme financements directs et complémentaires, il y a eu notamment le crédit-bail, le capital-investissement, le micro-crédit et l'ouverture d'un troisième compartiment dédié aux PME/PMI à la Bourse. Comme financements directs, il y a eu plusieurs fonds de garanties (Fogam, Paigam, Fogafam, Foman, Fodep I et II, Renovotel, Fortex, le Fonds de garantie de la bourse et le Fonds de garantie des industries culturelles). Cet appui s'est par ailleurs matérialisé par l'adoption d'un plan d'action national qui a suscité la création de la Maison de la jeune entreprise dans les cinq premières villes du pays. L'objectif de ce guichet local étant de faciliter l'accès à l'information et d'accompagner les entrepreneurs à travers des conseils et ceci depuis la création de leurs unités. Ce n'est pas tout, même les partenaires étrangers ont mis la main à la poche. Des lignes de crédits bilatérales ont en effet vu le jour notamment dans le cadre de la mise à niveau. Ce sont les fameuses lignes française, espagnole, italienne et portugaise. La BID (Banque islamique de développement) n'a pas, elle non plus, arrêté d'alimenter les ressources nationales de financement de la PME. Surtout dans le domaine de la promotion des exportations et des investissements. Idem d'ailleurs pour la Banque mondiale qui a mis en place un programme d'appui aux PME doté de 5 millions de dollars (un peu plus de 50 millions de DH) et destiné à financer la formation et l'assistance technique du secteur financier. Bref, tout est vraiment là pour mettre à l'aise la PME/PMI marocaine et en faire la locomotive de toute l'économie. L'encours des crédits accordés a littéralement fondu Malheureusement, le vécu des dirigeants de PME/PMI est très amer, particulièrement dans leurs relations avec les banques lorsqu'il s'agit de crédit. L'étude rappelle d'ailleurs autrement ce triste constat connu de tous. Entre 1996 et 2002, alors que les crédits à moyen terme, généralement destinés à l'équipement, ont connu une progression de 6,4% en moyenne annuelle, ceux alloués aux PME ont reculé de 22,1%, passant de 14.360 millions à 3. 219 millions de DH. Pire, en 2002, la part de ces crédits n'a représenté que 7,7% de l'encours total des crédits à moyen terme distribués par les banques contre 49,4% en 1996. A noter que le plus grand distributeur de ces crédits était la BCP (66%), suivie de la BMCE, du CDM et de la SGMB (voir graphique). Dans la même mouvance, les crédits jeunes promoteurs et jeunes entrepreneurs n'ont pas fait mieux. C'est simple, sur la période 1996-2002, ils ont fondu comme neige au soleil en passant respectivement de 679 millions à 77 millions de DH et de 70 millions à 14 millions de DH. Le programme d'appui à l'auto-emploi n'a pas également été très sollicité. Si entre 2000 et 2002, les financements qui en sont issus ont atteint 116 millions de DH, ce type de crédit a en revanche connu une chute de 50,4% en 2002. Le troisième compartiment introduit à la Bourse de Casablanca en faveur des PME n'a pas lui non plus convaincu. Depuis son institution, il n'y a eu qu'une PME qui a franchi le pas (IB Maroc). Ainsi, les PME cotées ne représentent que 12,5% du total des entreprises en bourse et seulement 0,1% des PME nationales. Même la multiplication des garanties allouées aux PME n'a pas poussé les banques à changer d'attitude à l'égard des dirigeants de ce type d'entreprises. Sur la période 1998-2001, les garanties distribuées par la CCG (Caisse centrale de garantie) ont profité à seulement 433 entreprises représentant 6,6% des PME nationales, contre 30% des grandes entreprises, soit quelque 97 unités. Par ailleurs, privilégiant leurs propres produits, les banques n'ont pas fait beaucoup d'efforts pour promouvoir les lignes de crédits bilatérales. Jugez-en vous-même : le meilleur résultat a été enregistré par la ligne PME/PMI française. Or, elle n'est engagée qu'à hauteur de 50% et son décaissement effectif ne dépasse pas 35%. Ne parlons pas des lignes italiennes (engagement 25% et utilisation 7%), PME/PMI espagnole (engagement 12) ou portugaise qui n'a jamais été débloquée. Les rares créneaux sollicités par les PME ont été le capital-risque, le crédit-bail et dans une moindre mesure le micro-crédit. En effet, l'activité de capital-risque, qui faisait son apparition, a enregistré un important essor. Entre 1999 et 2002, il a contribué au financement de 60 participations dont 16,7% sont réalisées par un gestionnaire public. Le montant alloué avoisine les 760 millions de DH. Pour la seule année 2002, le décaissement a atteint 20 millions d'euros (200 millions de DH). Toutefois, il a été signalé que ce dispositif est peu adapté à la PME. Les critères d'éligibilité sont très rigides et la prise de risque est très liée aux potentialités réelles de développement de l'entreprise. Autrement dit, ce produit vise surtout les PME innovantes qui ne sont pas légion. S'agissant du crédit-bail, le recours à ce type de financement a également connu une hausse, en raison notamment des abattements fiscaux accordés aux professionnels sur le plan de la TVA, de l'IS et de l'IGR. Sur la période1996-2001, ce mode de financement a connu une croissance annuelle moyenne de 18,5%. Et le total des crédits accordés dans ce cadre a atteint 10.916 millions de DH sur 6 ans. Enfin, il y a eu le micro-crédit. Même si le nombre de crédits distribués par cette branche est passé de 270.811 en 2001 à 488.264 à fin septembre 2002, le potentiel dans ce domaine demeure encore intact. La demande est loin d'être satisfaite. Pour renverser la tendance, il faudra changer certaines dispositions de la loi le régissant. Faut-il oublier la Charte de la PME ? Au Maroc, quand un haut responsable est démis de ses fonctions, on a tendance à oublier et à enterrer très vite tout ce qu'il a produit. Ce geste, qui est souvent encouragé par le remplaçant immédiat est à proscrire surtout lorsqu'il s'agit de bonnes idées. La Charte de la PME est un important document. Ces différentes dispositions méritent d'être mises en œuvre pour améliorer l'environnement général de la PME dans un pays où elle représente plus de 95% des entreprises, occupe 50% des salariés, réalise 31% des exportations, 51% des investissements nationaux et 40% de la production.