Election des bureaux des communes et des maires des villes Mathématiquement, la majorité est sortie vainqueur des communales. Mais sur le plan politique, elle a perdu en ce sens que les alliances parfois contre nature qui se nouent pour la constitution des bureaux de communes, mettent en péril la consécration de pratiques démocratiques saines. Les partis de la majorité ne savent plus où donner de la tête. Alliance gouvernementale ou Koutla, il paraît que rien n'est plus sacré du moment que l'intérêt partisan passe avant. Pour la deuxième fois, au lendemain d'une opération votative, les querelles prennent le dessus. On l'a vu à la suite des législatives du 27 septembre 2002, quand le Parti de l'Istiqlal a refusé que l'alliance gouvernementale soit une fois encore présidée par l'USFP. Ce qui a donné lieu à des tentatives d'alliances pour le moins surréalistes. Résultat des courses : Driss Jettou, un technocrate, est nommé Premier ministre. A l'issue des communales, on est en train de vivre les mêmes scenarii pour la constitution des bureaux et l'élection des maires. Les problèmes sont complexes et les répercussions de ces divergences risquent d'être graves sur les partis de la majorité, surtout quand on voit que les formations de l'opposition n'hésitent pas à ajouter de l'huile sur le feu. C'est de bonne guerre. Enjeu principal : les six villes appelées à choisir leur maire, à savoir Casablanca, Rabat, Salé, Marrakech, Fès et Tanger. Abbas El Fassi annonce la couleur Juste après la proclamation des résultats, le secrétaire général de l'Istiqlal a déclaré qu'il faut voir un signe révélateur dans les résultats ayant porté l'Istiqlal en première position dans trois grandes villes. Sans avoir nommé ces villes, il est clair que Abbas El Fassi visait Casablanca, Fès et Marrakech et avait ainsi posé les conditions des futures négociations qui doivent se baser sur le soutien au parti ayant le plus de sièges. C'est cette règle qui a été mise en avant lors de la rencontre entre Driss Jettou et les partis de la majorité, avec zeste de l'USFP qui a appelé à prendre en compte la carte politique nationale. Autrement dit, il fallait privilégier la représentativité de chaque parti dans les six grandes villes. Pour Abbas El Fassi, la logique arithmétique ne doit pas céder la place à d'autres considérations. Même une différence de deux sièges est à prendre en compte. Depuis, la course aux alliances contre-nature est ouverte. Pour ce qui est de Casablanca, l'USFP avait choisi Khalid Alioua comme candidat à la mairie de cette ville, contrairement à l'Istiqlal qui a entretenu le flou en évoquant tantôt Karim Ghellab, tantôt Yasmina Baddou, sinon Abderrazak Afilal comme épouvantail. Finalement, en fin de semaine, c'est Karim Ghellab qui a été annoncé officiellement candidat de l'Istiqlal. Ces dissensions ont ouvert la porte à d'autres candidats comme Mohamed Sajid de l'Union constitutionnelle, qui sans nombre de voix conséquent, aspire à la mairie et a des chances d'y parvenir. Le résultat de cette logique presque politiquement suicidaire risque d'être semblable à ce qu'a connu Marrakech. Une fois encore par le truchement de l'UC. En effet, lorsque Mhamed Khalifa, élu istiqlalien qui aurait pu briguer le poste de la mairie, s'est désisté au profit de Abdouh, istiqlalien lui aussi. La guerre entre l'USFP et l'Istiqlal a profité à Omar Jazouli, président sortant de la Communauté urbaine et dirigeant de l'UC. La protestation des deux partis qui ont quitté la salle avant le vote n'a rien pu changer. A Fès, l'Istiqlal est en tête avec 23 sièges, suivi du PJD avec 14 sièges et l'USFP avec 9 sièges en troisième position. Le RNI d'Ahmed Osman peut dans cette configuration jouer l'arbitre en préférant une alliance contre l'Istiqlal. A Rabat, la mouvance populaire dont le candidat est Omar Bahraoui semble bien partie pour décrocher le poste de maire de la capitale. Et là l'Istiqlal a rejoint la mouvance populaire contre l'alliance regroupant USFP et PPS. La même logique a prévalu à Tanger quand l'USFP a choisi le RNI contre l'Istiqlal. Quant à Salé, Driss Sentissi du Mouvement populaire n'a pas eu beaucoup de mal à être à nouveau élu patron de la ville. L'énigmatique PJD Après les attentats du 16 mai, il était clair que le PJD ne pouvait plus frapper fort comme il l'avait fait lors des législatives. Le numéro deux du parti, Saâd Eddine El Othmani, avait déclaré lors des préparations des listes de candidature pour les communales que l'interdiction faite à son parti de présenter des candidats là où il le voulait est injuste. Cette déclaration passée inaperçue était lourde de sens. Le parti a présenté ses candidats sans annoncer son intention de vouloir diriger les grandes villes. Malgré les précautions et malgré le fait que le PJD n'ait présenté de candidats que dans un nombre réduit de circonscriptions, il n'en demeure pas moins vrai que tout compte fait, le PJD reste une force incontournable dans le paysage politique qui est en mesure de faire la différence. Et de faire basculer la balance du côté qui arrangerait ses affaires. Plus encore, il ne s'est pas contenté de doper l'Istiqlal comme c'était le cas lors des législatives du 27 septembre, mais il a appelé à des alliances plus larges, en soutenant le RNI à Fès, la mouvance populaire ou encore l'Union constitutionnelle là où il n'avait pas de candidat. Le PJD est apparu dans la conjoncture actuelle comme s'il n'avait pas d'ennemi. Ses dirigeants ont à maintes reprises déclaré vouloir travailler avec toutes les autres composantes du champ politique. Les dirigeants locaux ont appliqué la consigne et les discussions avec les autres partis avaient pour base la possibilité de parvenir à un quelconque accord qui permette au PJD d'être présent. Par cette politique de rapprochement et de main tendue au reste de la classe politique, le PJD est sorti de son isolement. En plus, il a permis à la formation islamisante de prendre part à la gestion des affaires de plusieurs villes, voire présider des conseils communaux comme c'est le cas à Meknès. En tout cas, le PJD a pu percer l'alliance de la majorité, refusant d'être mis à l'écart. Voire condamné à la mort politique. Surtout que les rangs de l'opposition sont faibles. Cette percée est révélatrice de l'échec de la majorité et renvoie aux dissensions qu'elle connaît. Ces mêmes dissensions qui poussent à des alliances numériques qui ne risquent pas de durer. La question maintenant est de savoir jusqu'à quand la Koutla va-t-elle rester en vie ? Alors que l'ensemble du champ politique est chamboulé. Et quel avenir pour les alliances politiques ?