Entretien “Restructuration”, “pôle public fort”, “évolution de statut” et d'autres projets guettent la RTM. Le ministère de la Communication réserve bien des plans à la future RTM.SA. Mohamed Abderrahim, Directeur des études, de la planification et de la documentation briffe la Gazette du Maroc sur les futurs changements. La Gazette du Maroc : la libéralisation des ondes annonce l'épanouissement du champ audiovisuel marocain et une restructuration de la radio télévision marocaine RTM, comme pôle de l'Etat. Où en est-elle ? Mohamed Abderrahim : le gouvernement considère qu'au moment où on libéralise le secteur, il faudrait avoir un pôle public fort. Les choses ont évolué. Avec les anciens gouvernements, on prévoyait un retour de 2M au secteur privé et un changement de statut pour la RTM. Actuellement, avec l'actuel ministre de la Communication, c'est un pôle public constitué de deux chaînes : la RTM et 2M. Cette dernière va être intégrée au pôle public de façon définitive. Pour la RTM, le gouvernement prévoit son évolution vers un statut de société anonyme d'Etat. Objectif : rendre plus souple sa gestion, la responsabiliser davantage et lui permettre d'être gérée par les règles de management moderne. Nabil Benabdellah, le ministre actuel, a élaboré un plan d'action qui touchera tous les secteurs de la communication. Il a prévu des plans pour la presse écrite, l'audiovisuel, les droits d'auteurs, le cinéma… Il s'agit d'un plan global pour la communication. D'ailleurs, il est en train d'étudier les moyens de réaliser ces plans. Revenons à la RTM, elle emploie à peu près 2300 personnes, dispose de moyens techniques énormes, hérite d'un cumul de problèmes. Pourtant elle risque, en cas de restructuration de balayer sa concurrente 2M. En quoi consiste cette réforme ? D'abord, la RTM télé existe depuis 1962, la radio depuis 1928. Elle traîne derrière elle un héritage, un patrimoine, qu'elle peut nettoyer ! 2M, quant à elle, est de création récente. On ne peut pas comparer les deux. Au niveau des conditions de travail, 2M dispose d'espaces très pratiques, très modernes, des cadres très jeunes et formés. Alors que la RTM, a pendant plusieurs années, travaillé avec des personnes formées sur le tas. Des anciens chauffeurs qui sont devenus des caméramans, des chauffeurs devenus responsables techniques… Actuellement, ce qui est en train de se préparer est d'opérer ce passage entre l'administration et la société anonyme. La RTM est une administration, comme n'importe quel service d'un ministère. Son budget est défini par le ministère des Finances. Pour acheter n'importe quel produit, il faut qu'elle procède par bon de commande qui doit être visé par le ministère des Finances. Il est vrai que la RTM dispose d'un réseau de couverture très large, dont les deux-tiers sont vétustes, pratiquement obsolètes. C'est une transformation qui doit s'opérer pour être plus compétitive. La RTM, en tant que télévision publique se doit de couvrir des activités gouvernementales, au niveau de la région. 2M dispose d'une très grande souplesse de gestion. Actuellement, le directeur des programmes de 2M peut acheter n'importe quelle émission et payer comptant. Ce n'est pas le cas de la RTM. Il y a eu aussi des politiques de recrutement qui ne répondaient pas aux besoins. Que marquera le passage au statut de société anonyme ? A quel niveau ? Si on passe au statut de société anonyme, il y aura des changements à opérer, dans le cadre de la loi. C'est comme partout en général. Je ne parle pas du cas de la RTM, mais de tout établissement qui devient société anonyme. Il y a des démarches prévues par la loi, à titre d'exemple : des départs volontaires, des départs à la retraite (pour les gens auxquels il reste 2, 3 ans d'activité), ou une reconversion pour les cadres qui ont besoin de formation complémentaire. Toujours dans le cadre de la loi du travail. L'essentiel à retenir : pour une meilleure gestion, pour une souplesse, pour une efficacité plus grande, pour avoir accès à tous les produits sur le marché, la RTM a besoin d'évoluer en société anonyme. A cet effet, on a entendu dire qu'elle a fait appel à un cabinet d'études étranger… Où en est-elle ? C'est un bureau d'études pour une étude de faisabilité. Cela évolue normalement depuis 2, 3 mois. La RTM est chargée de mener cette étude avec ledit bureau. Nous attendons, au ministère, les résultats de cette étude. Elle va permettre au ministère et au gouvernement de voir plus clair et surtout de connaître le montant à engager, les sommes nécessaires à cette reconversion. RTM se prépare pour devenir une future concurrente, où en sont les projets de création d'entreprises audiovisuelles ? Nous sommes pratiquement à 70 demandes de création de radios. Elles sont très variées. Il y a des demandes faites à titre personnel sans aucune vision. Il y a des entreprises qui travaillent dans le secteur et qui désirent créer leur radio soit dans la production audiovisuelle, soit dans la vente de produits audiovisuels. Il y a des associations ou administrations qui souhaitent avoir leur radio. Question de vulgarisation des messages comme pour certaines communes, le ministère de l'Agriculture… Elles sont d'ordre local et régional. On attend la mise en place de la Haute autorité de la communication audiovisuelle pour lui remettre les dossiers. On compte 5 ou 6 demandes de création de télévision. Dont Médisat ? Nous n'avons pas de dossier. Mais, nous savons qu'il y a un dossier en gestation. Haute autorité de la communication audiovisuelle Régir, contrôler, proposer en toute autonomie ! Une première ! Le dahir du 31 août 2002 annonce la création de la Haute autorité de la communication audiovisuelle au Maroc. Sa Majesté le Roi lance la réforme du champ audiovisuel marocain. Deux instruments juridiques la consolident : ledit dahir et le décret-loi portant suppression du monopole de l'Etat en matière de radiodiffusion et de télévision. Le processus est irréversible ! La libéralisation des ondes sera suivie, contrôlée et encouragée par la Haute autorité de la communication audiovisuelle. Il s'agit d'éviter les désagréments d'une ouverture spontanée. Le Liban en constitue l'exemple. S'étant développé dans l'anarchie de la guerre civile (1975-1990), le paysage audiovisuel est repris en main par les autorités dans les années 90. Aussi, faudrait-il préparer le nôtre dans les règles de l'art ! Il n'est pas question de censurer, mais de contrôler et de suivre a posteriori ! La Haute autorité de la communication audiovisuelle serait composée de deux structures. La première serait le Conseil supérieur de la communication audiovisuelle (CSCA). Indépendante, cette autorité est placée directement auprès de Sa Majesté dont il nomme le Président et 4 membres. Deux sont nommés par le Premier ministre et les deux autres par les présidents des deux Chambres du parlement. Pour renforcer leur autonomie à l'égard des autorités politiques qui les nomment (l'exécutif et le législatif), les membres sont inamovibles durant leur mandat. Le budget est incorporé à celui de la Cour Royale. Le CSCA se doit de proposer et de donner son avis sur des mesures d'ordre juridique relatives au secteur de la communication audiovisuelle. Il instruit les demandes d'autorisations de création et d'exploitation des entreprises audiovisuelles, accorde les autorisations d'utilisation des fréquences radioélectriques, contrôle le respect des cahiers des charges. Les attributions du CSCA se veulent variées ! La Direction générale de la communication audiovisuelle (DGCA), deuxième structure, se charge de les exécuter. Cette institution dispose des services administratifs, techniques et du personnel nécessaires pour servir pleinement le CSCA. En attendant la désignation des 9 membres du CSCA, la mise en place des structures administratives, le ministère de la Communication travaille sur la loi-cadre. “C'est bien de libéraliser ! Mais faut-il encore définir les règles du jeu, les conditions d'accès à ce secteur, à la création d'entreprises de la communication audiovisuelle et à l'établissement du cahier des charge.” La loi-cadre va de pair avec la Haute autorité ! Sortie prochainement !