Cinq questions à Azeddine Bennani, Président de la FNCL La Gazette du Maroc : comment expliquez-vous le changement des droits de douane sur les importations ? Azeddine Bennani : le dispositif qui vient d'être changé (mais qui sera encore en vigueur jusqu'à la fin de ce mois) consiste en des taux dégressifs des droits à l'importation des céréales. Ce système auto-corrige l'impact des variations des prix internationaux, en réduisant les droits de douane quand les prix internationaux augmentent et inversement. Il est censé maintenir les prix des céréales dédouanées dans une fourchette fixée par les pouvoirs publics.Pour le blé tendre par exemple, la fourchette se situe entre 2.500 et 2.800 DH la tonne. Le producteur comme le consommateur sont protégés. Mais ce système présente d'énormes inconvénients que nous n'avons cessé de dénoncer. Nous n'en citerons que quelques-uns : - les opérateurs n'ont pas d'intérêt à chercher les prix les moins chers en coût et fret puisque leur performance serait lissée par les droits de douane ; - possibilité de réduire les prix de revient par une augmentation du prix coût et fret. Avec le risque que ce détournement légal en matière de droits et taxes à l'importation ne dérape vers une sortie illégale de devises. Le nouveau système a l'avantage d'annuler la plupart de ces inconvénients en instaurant un dispositif de taxation quasiment fixe. Etant donné les cours actuels des céréales sur le marché mondial, il se traduit cependant par une augmentation sensible des prix dédouanés des blés tendre et dur. Les pouvoirs publics ont voulu ainsi, semble-t-il, assurer une plus grande protection de la récolte nationale qui s'annonce excellente. Quels sont les rapports entre les négociants et l'ONICL ? Les rapports entre notre Fédération et l'ONICL sont excellents. Nous avons de véritables relations de partenariat dans l'intérêt général. Nous nous sommes consultés et nous donnons notre point de vue sur pratiquement toutes les questions concernant la filière, nous avons des réunions régulières pour confronter nos avis sur l'évolution du marché mondial. Pas plus tard que cette semaine, nos efforts communs pour la restructuration et la modernisation des circuits de commercialisation ont abouti à l'adoption de projets de contrats types et de création d'une Chambre d'arbitrage. Quels sont vos relations avec les minotiers ? Nous avons de très bonnes relations. Plusieurs importateurs sont d'ailleurs aussi minotiers. Nous essayons autant que possible de travailler ensemble pour trouver et proposer les meilleures solutions afin de sortir de la crise que traverse actuellement le secteur céréalier en général, et celui de la minoterie en particulier. Est-ce que notre agriculture s'organise pour tirer profit des négociations commerciales ? C'est l'une des questions que nous avons justement débattue lors du séminaire que nous avons organisé le 6 mai dernier. Il semble que les opérateurs du secteur agricole, plus particulièrement ceux qui sont concernés par l'export, sont plus sollicités qu'auparavant pour exprimer leur point de vue sur le déroulement des négociations, notamment avec l'UE et les Etats-Unis. Malheureusement, nous constations avec étonnement que les pouvoirs publics donnent peu d'informations sur ces négociations et n'y associent pas les secteurs directement concernés comme le nôtre. En quoi la Fédération peut-elle contribuer pour assurer la sécurité alimentaire du Maroc ? La sécurité alimentaire (qui n'est pas l'autosuffisance) signifie que le Maroc soit en mesure de produire lui-même une partie de ses besoins, la plus large possible, et d'avoir les moyens et la capacité d'importer le complément dans les meilleures conditions. Concernant la production nationale, nous sommes pour le redéploiement de la subvention actuellement allouée à la farine nationale, vers un maintien direct au producteur national pour améliorer son revenu et l'inciter à produire mieux en qualité comme en quantité. Au niveau de l'approvisionnement extérieur, les sociétés de négoce marocaines disposent d'un savoir-faire et de compétences reconnues par tous les chargeurs internationaux qui leur permettent d'assurer de manière permanente et dans les meilleures conditions de prix et de qualité l'approvisionnement de notre pays. Aperçu sur la FNCL La Fédération nationale des négociants en céréales et légumineuses (FNCL) regroupe la quasi-totalité des importateurs de céréales au Maroc. L'une des fonctions essentielles de ses membres est de participer activement à la collecte et la commercialisation de la production nationale. Ce qui les conduit à réaliser près de 95 % des importations marocaines des céréales. Une gageure pour cette Fédération qui a acquis une solide expérience en matière de négoce international. Les chargeurs internationaux sont loin d'ignorer ce savoir-faire et cette compétence qui ont permis au Maroc d'assurer son approvisionnement en céréales dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité et de prix. La stratégie à long terme de la FNCL est de cultiver une vision prospective de l'avenir de l'agriculture céréalière marocaine. Elle est la passerelle incontournable entre le producteur et l'industriel. Parmi ses principaux soucis, se place l'élaboration d'une stratégie volontariste de développement de la filière céréalière marocaine basée sur le soutien direct au producteur national, seule voie pour améliorer qualitativement et quantitativement la production nationale et élever le niveau du monde rural. Tout ceci pour un seul objectif qui cherche à consolider la sécurité d'approvisionnement du pays et sa sécurité alimentaire. Outre ces caractéristiques, la FNCL se donne aussi pour objectif de développer une nouvelle culture associative, de constituer un lieu de réflexion et d'action pour l'instauration de relations étroites entre tous les opérateurs du secteur. Et, enfin, elle cherche à contribuer activement aux efforts de structuration, de développement et de mise à niveau du secteur céréalier.