Président du conseil d'administration du groupe Dallah Al Baraka, cheikh Saleh Abdallah Kamel intervient en personne pour limiter les dégâts causés par son ex-associé dans l'hôtel Palais des Roses à Agadir. Azeddine Lakhouaja ne peut plus sévir à Agadir comme il l'a fait jusqu'ici. Dans un courrier courroucé daté du 30 octobre 2003 que lui a adressé Cheikh Saleh Abdallah Kamel, président du groupe saoudien Dallah Al Baraka, l'auteur s'attache de bout en bout à remettre les pendules à l'heure. Le ton est poli mais ferme. Sous des propos courtois pointent cependant l'amertume d'un homme trahi par celui qu'il croyait être un partenaire fiable et sérieux. La lettre commence par “cher respectable docteur Azeddine Lakhouaja, que Dieu te bénisse…“. Après ce préambule, il entre dans le vif du sujet. “ En dépit du soutien que je t'ai apporté et des prérogatives absolues que je t'ai données pour la réalisation de nos projets au Maroc et en dépit de tes engagements à plusieurs reprises auprès de moi de changer ton style de travail (…), tu n'as fait que créer des problèmes dont le dernier en date concerne les ardoises laissées chez les fournisseurs. Tu as failli les ruiner alors que tu as affirmé auprès de moi, lors de notre dernière rencontre à Beyrouth il y a un mois environ, avoir remboursé tout le monde sauf cinq d'entre eux. Pire encore, tu as émis récemment des chèques sans provisions, un acte nullement responsable. En plus, tu as dernièrement porté sciemment préjudice à ma réputation. Et en cela, tu n'as nullement pris en compte l'amitié qui nous lie et les aides que je t'ai apportés à chaque fois que tu étais en difficulté. Je cite à titre d'exemple la somme de 500.000 dollars que je t'ai remise depuis un an pour le capital de la société SPT et que tu t'es engagé à me restituer après un délai de trois mois. Mais où est l'argent que je t'ai avancé à titre de prêt personnel pour sauver le festival d'Agadir et auquel tu as causé un grand tort ?“ Azeddine Lakhouaja, mis à nu par celui auquel il doit tout, a causé sa propre perte à cause du scandale de l'hôtel Palais des Roses (Voir ALM n° 392 du mardi 27 mai 2003). Un projet grandiose sur le papier mais peu conforme sur le terrain aux normes d'un 5 étoiles. Pis, M. Lakhouaja, qui a supervisé lui-même les travaux de construction de l'établissement, s'est permis de ne pas payer les fournisseurs et les différents corps de métier engagés dans le chantier. Sofabex, Comatrac, Itqane, Simmons, Intersection et d'autres…. Autant d'entreprises ayant pignon sur rue qui n'ont pas touché leur dû d'un montant de près de 30 millions de DH. Au lieu de respecter ses engagements vis-à-vis d'eux, M. Lakhouaja n'a fait que gagner du temps par des manœuvres dilatoires, de fausses promesses et même des menaces à peine voilées. L'attente a duré près d'une année. Mais toujours rien. Certains fournisseurs, asphyxiés financièrement, ont dû mettre la clé sous le paillasson et de ce fait de nombreux employés se sont retrouvés sur le carreau. Un drame social. N'en pouvant plus d'attendre, les victimes n'avaient d'alternative que de porter l'affaire devant la justice pour procéder à une saisie-conservatoire sur les comptes de la société Palais des Roses International. Ce qui fut fait. Continuant sur sa lancée, Cheikh Saleh met son partenaire pour le moins embarrassant devant ses propres responsabilités. “ Je porte à ta connaissance que désormais je ne traiterai avec toi que de façon institutionnelle et je ne te laisserai plus faire du mal à personne au Maroc en utilisant mon nom et celui de mon groupe“. Les problèmes de Dallah Al Baraka au Maroc proviennent justement de ça. Au lieu d'institutionnaliser ses investissements au Maroc, le groupe les a mis entre les mains d'un seul homme. Une démarche peu professionnelle qui laisse naturellement la porte ouverte à tous les abus et à tous les dérapages. Ressortissant marocain qui a vécu longtemps en Tunisie, médecin de profession qui s'est reconverti dans les affaires, Azeddine Lakhouaja s'est caché derrière la réputation et la stature de Cheikh Saleh allant jusqu'à parler et agir en son nom. Les griefs du Cheikh à l'encontre de Lakhouaja sont nombreux. “Pour ce qui est de la société Priap propriétaire de l'hôtel (Palais des Roses), tu t'es engagé devant moi pour le donner en location à une entreprise occidentale après avoir attiré ton attention dès le départ sur le fait que notre groupe ne s'occupe pas de la gestion des hôtels pour des considérations religieuses. Mais tu n'as pas respecté ton engagement et au lieu de cela j'ai appris que tu gères l'hôtel pour ton propre compte à travers ta société Elios et ce sans notre accord préalable et sans que tu verses aucun loyer ni que tu produises aucune garantie. (…). Aussi avons-nous mis l'hôtel en vente; si l'opération de vente se réalise au bout de deux mois à compter d'aujourd'hui, je te garantis que tes parts resteront inchangés et nous procéderons à la répartition du produit de la cession au prorata de nos parts actuels et ce évidemment après que nous eûmes honoré tous nos engagements envers les tiers“. Ensuite, le président de Dallah Al Baraka s'engage à injecter de l'argent frais qu'il déposera dans un compte supervisé par la BMCE et la banque populaire. Objectif : apurer “le plus vite possible“ les litiges avec les fournisseurs et les banques en vue de lever les saisies-conservatoires sur les comptes de l'hôtel. Une action qui englobe aussi selon les termes de la lettre un plan de rééchelonnement de la dette. Et si l'hôtel Palais des Roses ne trouve pas repreneur dans les délais prévus (2 mois) ? Cheikh Saleh Kamel envisage de procéder à une augmentation du capital de Priap à la hauteur des sommes qu'il s'engage d'apporter. Dallah Al Baraka est engagé dans d'autres projets touristiques au Maroc dont le plus important est celui de la station balnéaire de Taghazout. Cheikh Saleh a demandé aux pouvoirs publics marocains un moratoire de 6 mois, le temps de redéfinir une nouvelle stratégie du groupe et d'assainir une situation peu reluisante. Il y va de l'image de Dallah Al Baraka et de la renommée de son patron. L'homme d'affaires saoudien pose deux conditions à la mise en œuvre de son plan de sauvetage. Primo, la démission de M. Lakhouaja de toutes les fonctions exécutives dans la société Palais des Roses international à Luxembourg et de toutes les autres entreprises y compris Priap propriétaire de l'hôtel. L'intéressé s'est vu proposer d'être relégué au rang de conseiller technique du cheikh. Secundo, audit des comptes de toutes les sociétés du groupe par un cabinet international. L'heure des comptes a sonné. Voilà, si ce n'est pas un lâchage en règle, cela lui ressemble beaucoup. Que va faire Azeddine Lakhouaja maintenant qu'il a été démasqué ? L'auteur demande à la fin à son ex-associé d'apposer sa signature en bas de la lettre en cas d'approbation des termes de l'accord. Et ce en présence du wali de la ville d'Agadir invité à son tour à l'entériner. L'affaire est en train de prendre une tournure pour le moins difficile pour celui qui se croyait au-dessus des lois.