Contrôle de l'Etat sur les établissements publics Le rôle principal de la Direction des établissements publics et des participations (DEPP) qui deviendra la Direction des entreprises publiques et de la privatisation (DEPP) est de veiller aux deniers publics. Cependant, pour ce faire, une bonne appréciation du risque encouru par les entreprises publiques s'impose. Ceci n'avait pas été le cas, mais une loi renforçant ses pouvoirs de contrôle a été adoptée le 9 mai dernier par la Chambre des conseillers. La révolution est en marche. Ce contrôle financier est exercé sur une partie du portefeuille des établissements publics. Cependant, de la manière dont l'autorise la loi actuellement, plusieurs critiques peuvent y être exprimées. En effet, la tâche de contrôle de la Direction des établissements publics est assez étriquée. Il s'agit avant tout d'un contrôle a priori, un contrôle de la régularité des dépenses. Le nouveau directeur de la DEPP parle d'ailleurs d'un «contrôle extrêmement étriqué». L'essentiel n'est donc pas soumis au contrôle et au suivi de cette Direction qui doit pourtant contribuer à veiller aux deniers publics entre les mains des établissements publics. L'essentiel serait d'avoir un œil sur les grands équilibres de ces établissements et l'adéquation entre leurs missions, leurs activités et les grands objectifs qui leur sont assignés dans le cadre de la politique gouvernementale. Cela impose qu'ils soient jugés suivant leur stratégie et leurs performances, estime Mohamed Boussaïd, directeur de la DEPP. Le texte qui institue ce mode de contrôle date de 1960. Aujourd'hui, le grand projet prioritaire est la réforme de ce contrôle financier. Le texte devant apporter les réformes nécessaires et transformer ce mode de contrôle archaïque en un contrôle plus moderne est assez avancé aujourd'hui dans le circuit législatif. En effet, c'est ce vendredi 9 mai qu'il a été voté en plénière par la Chambre des conseillers. Depuis un an et demi, un long chemin a été parcouru par la DEPP, explique son directeur. Cela a été la principale préoccupation de la Direction qui devait être plus active dans sa mission, mais qui n'avait pas les armes nécessaires pour y parvenir. Comment le législateur a-t-il pu demander à la DEPP pendant tout ce temps de faire un bon travail sans pour autant lui donner l'outil juridique pour assumer cette noble responsabilité ? Qu'apporte ce texte ? Il aura le mérite de généraliser le contrôle car tous les établissements y seront soumis, mais pas de la même manière. Il s'agira essentiellement d'un contrôle axé sur les dépenses et surtout sur les résultats. Par ailleurs, le texte permet de distinguer clairement les métiers les uns des autres. Ainsi le responsable focalisera son action autour de sa mission de gestionnaire, alors que les contrôleurs devront suivre l'adéquation des résultats et de l'orientation générale. Dans le texte de 1960, la mission de contrôle se résumait en substance à une formule simple : «toute opération ayant une incidence financière est soumise au visa» de la DEPP. Autrement dit, les entreprises publiques pouvaient passer n'importe quel marché à condition de respecter la réglementation en vigueur. Mais aujourd'hui, le champ est ouvert à une évaluation des résultats de chaque entreprise soumise au texte. La DEPP pourra désormais faire une évaluation des résultats et pourra se prononcer sur l'opportunité d'un éventuel plan de financement par exemple pour un investissement donné. S'agira-t-il d'un avis ou d'un visa ? Cela dépend, répond le directeur des établissements publics et des participations. Quoi qu'il en soit, à travers ce texte, Mohamed Boussaïd explique que l'objectif visé est de faire du contrôle un moyen d'améliorer la gestion des entreprises. Il s'agira d'un véritable stimulant pour aller vers la performance. Désormais, le contrôle ne sera plus statique, il sera dynamique et évolutif. Plusieurs modes de contrôles ont été prévus. D'abord, il y a le préalable, comme il en existe aujourd'hui, que la DEPP ne semble pas enthousiaste à garder, mais qui demeure quand même. Ensuite, il y a l'accompagnement qui se fera sans visa du contrôleur financier ou de l'agent comptable. A la place de ces derniers, il y a un contrôleur d'Etat qui va suivre la vie de l'entreprise et son évolution et qui conduira à la fin de l'année à un rapport d'audit au conseil d'administration. Il y aura également un contrôle conventionnel qui sera réservé aux filiales publiques, c'est-à-dire les sociétés dans lesquelles l'Etat est actionnaire majoritaire. Enfin, il y a le contrôle des concessions. Ainsi pour les établissements publics, avec ce texte, le mode de contrôle devra se mériter. De fait, il y aura deux types d'établissements : les meilleurs et les boiteux. Cela a été spécifié dans la loi qui confère à la DEPP le statut d'une agence de notation. Le mode de contrôle à exercer sur un établissement donné est à choisir en fonction de sept critères spécifiés dans la loi. Il faut disposer des trois derniers états financiers certifiés, un plan pluriannuel approuvé par le conseil, un statut également approuvé, un manuel de procédure, un règlement d'achat, un organigramme ou un contrôle interne fiable pour n'avoir à faire qu'à un contrôle d'accompagnement. Par contre, si l'on ne remplit pas ces conditions, l'établissement sera contrôlé à l'ancienne. Le contrôle deviendra un stimulant. Pour enlever le pouvoir discrétionnaire du ministère, la classification pour le type de contrôle à choisir reviendra au premier ministre. Dans un souci de transparence, les comptes de ces établissements seront également publiés dans le bulletin officiel. Ceci permettra à l'opinion publique de savoir dans quel état ils se trouvent. L'idée de la réforme du contrôle date depuis le rapport Jouahri, actuel Wali de Bank Al Maghrib, en 1993. Une première version avait été transmise en 1995 et est restée au Secrétariat général du gouvernement pendant de longues années. Ce n'est qu'avec l'arrivée de l'équipe actuelle que les choses vont s'accélérer. Le contrat-programme désormais défini par la loi Le contrôle tient compte. On s'est rendu compte que l'Etat vis-à-vis des Etablissements publics a plusieurs casquettes. Il y a l'Etat actionnaire qui veut maximiser les dividendes, ce qui est tout à fait normal. En parallèle, il y a l'Etat stratège qui veut que les établissements publics exécutent ses orientations. L'Etat, en tant que garant de la cohésion sociale, veut également avoir des entreprises qui lui assument ses services publics. Par ailleurs, l'Etat est également contrôleur qui veut que les entreprises qui lui appartiennent ne déraillent pas par rapport à l'utilisation des ressources et aux orientations choisies. Il s'ensuit un besoin de conciliation entre les différents objectifs devant passer par une contractualisation entre les différents établissements. Dans ce texte qui est passé devant la Chambre des conseillers, le contrat-programme est désormais devenu une notion législative. Désormais, les établissements seront liés de plus en plus par ce type de contrat qui existait déjà, mais qui était régi par le droit commun. Il y a véritablement une responsabilisation des dirigeants.