Le “Public Affairs Section” de l'ambassade américaine à Rabat vient de communiquer, en date du 17 avril 2003, le rapport du département américain sur la situation des Droits de l'Homme au Maroc. Contrairement aux rapports du même type qu'élaborent les organisations classiques des Droits de l'Homme, celui de la diplomatie américaine intègre aux côtés des aspects traditionnels de ce secteur, libertés politiques et respect du droit, des évaluations qui s'intéressent à la Constitution du pays aussi bien qu'elles se préoccupent des problèmes sociaux et de la situation économique. On peut y lire ainsi que “la Constitution [marocaine] garantit une monarchie avec un Parlement et un appareil judiciaire indépendant”, mais que “le pouvoir ultime revient toutefois au Roi Mohammed VI”, de même que la justice y est soumise “à l'influence du gouvernement et à la corruption, bien que des réformes soient destinées à l'améliorer ”. Au plan économique, le rapport américain précise qu'une personne sur cinq vit au Maroc dans la pauvreté et décerne un label de qualité à “un secteur des télécommunications dynamique et libéralisé”. Globalement positif, dont acte ! Le rapport dépeint un Maroc à mi-chemin de la liberté et de l'abus, une géographie politique faite de contrastes, tiraillée entre les démons du passé et les forces attractives de l'avenir. Tout n'y est pas bon, mais presque, parfois c'est totalement mauvais mais pas toujours, cependant un pays où l'on peut largement considérer que les “législatives de septembre 2002 comme le premier scrutin libre de l'Histoire du Maroc”. Bref, un Royaume où “dans la plupart des domaines, le gouvernement respecte, en général, les droits des citoyens [qui] n'ont pas [toutefois] le droit de [le] changer ”. Le compliment fait rougir de plaisir, le reproche étonne de simplicisme. Dans quel pays démocratique ou en démocratisation -sauf insurrection, coups d'Etat ou crise sociale majeure- les citoyens peuvent-ils révoquer un gouvernement sinon par un changement de majorité à l'occasion d'élections à terme ou anticipées : qui aux Etats-Unis, par exemple, autre que le président peut renvoyer un secrétaire d'Etat sinon le Congrès ou les Hautes cours par des procédures compliquées ? Pour cette défaillance et pour d'autres, on peut s'interroger sur la valeur d'un texte dont les auteurs sont parmi les responsables d'un pays qui n'a que mépris pour le droit international et dont l'une des récentes actions en Irak est d'avoir tiré à balles réelles sur des manifestants. Sous cette lumière, sa remontrance contre “certains membres des forces de l'ordre [qui continuent] de commettre de graves violations des droits de l'homme” se pare d'une insupportable outrecuidance. Mais l'arrogance du puissant est vue d'ici-bas comme une aménité en vertu de l'adage bien pensé : “la main que tu ne peux couper, baise-là”. Et qui osera dire au lion, surtout rugissant, qu'il lui arrive d'avoir mauvaise haleine ? D'autant plus que ces rapports contiennent souvent ce qu'un jour ou l'autre les Etats-Unis d'Amérique peuvent retenir contre un pays classé, pour des raisons stratégiques ou autres, subitement hostile ou ennemi.