La femme n'hérite que la moitié de ce qu'hérite son frère. Cet état de fait a deux raisons : la première relève de la question des priorités. La seconde c'est que les Marocains convaincus s'arrangent pour biaiser la loi. La plupart des couples modernistes font le partage de manière égale de leur vivant. Parce que la contextualisation du texte est refusée par les exégèses, le fait que la femme n'hérite que la moitié de ce qu'hérite son frère, est vécu comme une injustice, une minoration de la femme. Or, à l'époque du Prophète, à l'ère préislamique, la coutume voulait que les femmes n'héritent point. Il s'agissait donc d'une avancée pour la gent féminine. Le contexte ayant changé, les femmes étant tout aussi responsables que les hommes, qui, dans la réalité de tous les jours, n'entretiennent plus leurs épouses, celles-ci participant largement aux dépenses du foyer, il paraît normal que des gens, pas nécessairement non religieux, trouvent la règle non conforme aux réalités d'aujourd'hui. Seulement, l'héritage est détaillé par le texte sacré et selon la formule «pas d'Ijtihad en présence du texte». Ceci n'a pas empêché quelques associations féministes de poser le problème et de revendiquer des lois «laïques» égalitaires pour encadrer la transmission de patrimoine. Ces revendications n'ont pas eu un grand écho pour plusieurs raisons. La première relève de la question des priorités. Il y a tellement de domaines où l'inégalité entre les sexes ne relève que du culturel et où on peut avancer sans heurter les convictions religieuses, ni se mettre en porte-à-faux vis-à-vis du Coran, que l'héritage n'est pas une priorité. La seconde c'est que les Marocains convaincus s'arrangent pour biaiser la loi. La plupart des couples modernistes font le partage de manière égale de leur vivant. Cela leur permet d'éviter une confrontation avec la règle juridique à leur décès. En vérité, sur cet aspect, les réalités ne sont pas uniformes. Dans les campagnes, certaines tribus ont pour règle de détourner tout ou partie de l'héritage revenant aux femmes. Le principe est que la terre doit rester dans la famille et ne pas aller aux alliés. Ce principe est tellement prégnant que le ministère de l'Intérieur lui-même a exclu les femmes de l'héritage des droits sur les terres collectives, dites soulalia ! Face à cette réalité, le vrai combat consisterait à appliquer la loi. Même en milieu urbain, les hommes gardant la gestion des affaires, les femmes ne sont pas toujours maîtresses de leur patrimoine. Mais on ne peut contester le droit des associations à poser le débat égalitaire. Sur le plan des principes, elles ont mille fois raison. Mais c'est le genre de débat qui soulève la grande question de la contextualisation du texte sacré, et ce n'est pas une mince affaire.