«Il fut un journaliste de combat. Passionné, engagé, et surtout impitoyable envers les responsables israéliens, qu'il jugeait coupables de conduire leur pays vers une impasse politique périlleuse». C'est par ces mots que débute l'hommage que rend Gilles Paris à Amnon Kapeliouk sur les colonnes du Monde. Né à Jérusalem en 1930, A. Kapeliouk montrait son passeport avec fierté où était marqué, comme pays, Palestine. Issu d'une famille antisioniste, laïque et progressiste, son père, grand érudit maîtrisant parfaitement les subtilités de la langue arabe, il s'engagea dès sa jeunesse dans les rangs du Mapam, l'organisation de gauche, dont est membre le père, qui prônait la solution d'un Etat binational où juifs et arabes disposeraient des mêmes droits. Il débute sa carrière de journaliste dans les colonnes d'Al-Hamishmar, organe du parti. Tout en poursuivant ses études de philosophie à Paris, il signe son premier papier au Monde le 21 novembre 1967 et au Monde diplomatique en 1969, un texte consacré aux palestiniens des territoires occupés. Entre-temps, il soutient pendant les événements de 1968 une thèse sur «la situation des Arabes chrétiens sous le mandat britannique en Palestine». Naturalisé français, ce qui lui permet de voyager dans le monde arabe, Amnon Kapeliouk assiste à la naissance de l'OLP, qu'il considère comme un acteur majeur dans la recherche d'une solution juste au conflit du Proche-Orient, et à approcher ses cadres au moment où leur contact relève de la trahison et le conduit en prison. En 1982, en pein siège de Beyrouth, il rencontre l'homme que tous les services israéliens cherchent à abattre. Pour la première fois, Yasser Arafat accorde un entretien à un journaliste israélien. Son journal, pourtant de gauche, hésite à le publier et c'est Yedioth Aharonoth qui s'en empare. Il assiste au congrès historique de L'OLP à Alger qui préconise la solution des deux Etats, ainsi qu'aux accords d'Oslo auxquels il apporte un soutien critique. L'auteur de «Sabra et Chatila, enquête sur un massacre» en 1982, «Ishak Rabin, un assassinat politique» et d'une incontournable biographie de Yasser Arafat, a fini par être considéré comme un compagnon de route du mouvement national palestinien. Un texte de la rédaction du Monde diplomatique note «qu'il fut le premier journaliste occidental, dès le mois de septembre 2000, à expliquer ce qui s'était vraiment passé au sommet de Camp David (juillet) entre Arafat, Ehud Barak et le président Clinton, et à montrer que les propositions israéliennes ne correspondaient ni au droit international ni à la parole donnée». Quand Amnon Kapeliouk raconte Arafat Amnon Kapeliouk fréquentait Yasser Arafat depuis des années. Son portrait, l'un des plus fouinés, relève à la fois de l'enquête journalistique et de l'approche intimiste. Le destin du journaliste ne se mêlait-il pas à celui de la Palestine sous mandat britannique et aux premières tensions entre sionistes et arabes dès les années trente ? Le premier chapitre revient sur l'enfance de Arafat et la cohabitation pacifiste entre juifs et arabes que le journaliste saisit «parce que je suis un sabra, né dans une Palestine où Juifs et Arabes cohabitaient et élevé dans une famille où mon père recevait à la maison de nombreux amis arabes». Et la vie d'Arafat défile évoquant le destin d'un homme et celui d'un peuple aspirant à l'indépendance. L'ouvrage analyse la manière dont il a investi la cause palestinienne jusqu'à en devenir le symbole emblématique. Le journaliste ne cache pas à la fois l'estime, l'admiration et le respect que lui inspire celui que Nelson Mandela qualifie, dans l'admirable préface consacrée à l'ouvrage, «celui qui inscrivit la question palestinienne à l'ordre du jour de la communauté internationale, faisant passer son peuple du statut de réfugié à celui de nation à part entière». Arafat, l'irréductible, d'Amnon Kapeliouk. Préface de Nelson Mandela. Fayard. 510 pages.