L'infidélité est une notion difficile à camper. La libéralisation progressive des mœurs et la mobilité croissante des populations, ont transformé le sens de cette notion. Au Maroc, l'extinction progressive de la polygamie a amplifié le phénomène. Analyse. La mixité professionnelle est entrée dans les mœurs depuis quelques décennies. Cette mixité entre filles et garçons est vécue naturellement dès l'accession à l'école. Pourtant, les rapports entre les deux sexes sont vécus mentalement d'une manière différente selon qu'on soit un homme ou une femme. La femme intériorise la séduction, disposant d'un capital fantasmagorique bien plus puissant que l'homme. Autant celui-ci peut dévoiler ses aventures à son entourage masculin, se prévalant ainsi d'une virilité présumée ou réelle, autant la femme a tendance à «cérébraliser» ses fantasmes érotiques. A moins qu'elle n'en fasse une source de revenus, la femme aborde la sexualité avec gravité. Le système hormonal ne déclenche le désir sexuel qu'au terme d'un processus cérébral complexe. En effet, le corps féminin est le lieu de refuge de la perpétuation de l'espèce. L'instinct de maternité est plus fort que la tentation du plaisir charnel. A l'origine de toute infidélité féminine, on trouvera souvent une insatisfaction sexo-affective chronique qui va précipiter la femme dans une interrogation de type existentiel sur sa capacité de séduire. Vivant avec un homme qui ne se soucie point des préliminaires ou simplement frappé du mal de l'éjaculation précoce, la femme subit chaque acte sexuel légitime comme un mépris de sa féminité. Elle va donc chercher à tester sa capacité à recevoir et offrir le plaisir à un amant. A la base d'une infidélité, on peut également trouver la volonté de vengeance. On cherche alors à humilier le mari coureur de jupons et parfois on s'arrange pour le faire savoir à ses amies. «Pudeur» et «Pureté» Mais au-delà de ces considérations générales et, somme toute, universelles, il ne serait pas superflu de se pencher sur les spécificités marocaines à cet égard. S'il est un mot majeur qui commande le mental marocain en la matière, c'est bien celui de «Pudeur», elle-même issue d'un dogme islamique majeur : la Pureté. Mais c'est une pudeur qu'on alterne avec les tentations quotidiennes générées par la libéralisation des mœurs. Les images satellitaires, l'Internet, l'explosion de la mode vestimentaire et la libération du langage érotique concourent à l'amplification de l'infidélité conjugale, y compris féminine. Le collègue au travail, l'ami du mari, le cousin, parfois le voisin, peuvent devenir des «conquérants» redoutables. Les outils de séduction sont multiples et variés. Les yeux doux, la tendresse qu'on n'a pas au côté d'un mari anesthésié par le confort de son machisme, l'avidité carriériste, parfois l'argent…autant de motifs pouvant faire succomber une épouse aux avances d'un «chasseur» de plaisir charnel. La pudeur qu'on a reçue de ses parents comme une valeur religieuse, s'effondre. Parfois, le pas est accompli sans le moindre sentiment de culpabilité. Qui plus est lorsqu'on découvre sur le lit de l'amant des sensations jamais explorées auparavant dans le cadre du foyer conjugal. L'explosion urbaine favorise ces aventures extraconjugales. L'«e-infidélité» Néanmoins, un sexisme exacerbé continue à sévir contre la femme infidèle. Alors qu'on oppose à celle-ci la tolérance zéro, la société pardonne plus facilement les virées sexuelles illégitimes de l'homme. Le code pénal marocain (articles 491 et 492) lui-même fait dans le sexisme. En effet, la femme est sévèrement punie pour l'adultère, sans qu'il y ait besoin de plainte formelle du mari. A contrario, le mari n'est puni qu'en cas de plainte «motivée et étayée» de son épouse. Mais là aussi, la loi est superbement dépassée par l'évolution des mœurs. Ainsi, il est permis aujourd'hui de parler de l'e-infidélité. L'Internet est devenu un cadre qui favorise l'extériorisation des fantasmes sexuels, avec un minimum de contraintes, et une somme de stimulus dont en premier lieu l'anonymat. Le cybersexe se déploie librement en un chat érotique bourré d'énergie sexuelle. Une fois de plus, la technologie a battu l'idéologie, notamment celle de la «Pureté» et de la «Pudeur». Un couple libéré Elle est cadre commercial. Il est publicitaire. Leur fille unique s'est envolée au Canada où elle s'est installée définitivement. Du haut de sa soixantaine, le couple se définit comme étant «libéral». Il multiplie les conquêtes féminines et elle collectionne les amants. «Nous avons longtemps vécu à l'étranger. Nous sommes des purs produits de mai 68 en France. Depuis cette époque, nous avons convenu de braver les tabous. Nous ne plaçons pas la fidélité au niveau de la sexualité. Ce vocable a une signification plus profonde pour nous : Pour rien au monde, je ne prendrai une seconde épouse et je ne divorcerai jamais. Il en est de même pour ma femme qui m'accompagnera ou que j'accompagnerai jusqu'à sa dernière demeure. C'est cela la fidélité pour nous» En fait, chez ce couple épicurien qui s'est déconnecté très tôt de la famille, la liberté sexuelle constitue paradoxalement le ciment qui entoure la relation de toutes les complicités. Même leur fille est au fait de cette vie faite de luxure et de sexualité débridée. Nous sommes bien loin des interdits générés par la tradition patriarcale et la religion.