La Gazette du Maroc : Quel est le lien entre le sentiment amoureux et la notion de fidélité ? Myriem Sebti : La notion de sentiment amoureux à la base de l'union a une assise culturelle récente. Ce n'est que depuis le début de la moitié du siècle précédent, que l'amour entre les deux partenaires est devenu l'un des critères de constitution du couple, un des éléments fondateurs. Avant, les critères étaient essentiellement économiques. Cela entraîne aujourd'hui une quête effrénée de l'amour. Cette recherche peut parfois être à l'origine de l'infidélité. Comment cela ? Cette recherche de l'amour est souvent prise dans un schéma œdipien. Les liens amoureux à la mère puis au père sont à l'origine du choix ultérieur du partenaire. L'homme ou la femme va notamment quérir, inconsciemment, un compagnon ou une compagne qui possède un ou plusieurs traits en rapport avec l'image de la mère ou du père. Mais cela les place dans le risque imaginaire d'une relation incestueuse. Pour se mettre à distance de ce risque, il ou elle cherchera ailleurs quelqu'un sur qui reporter la fonction érotique. Pour l'homme, cela correspond à la mise en place d'un clivage entre la«maman (sa compagne) et la putain (sa maîtresse)». Pour la femme, cela peut aussi passer par un clivage équivalent père/amant. Mais celle-ci peut également séparer de manière consciente la fonction maternelle et le plaisir : se sachant jouer le rôle de la mère pour son partenaire, elle choisit d'être femme dans le plaisir érotique avec un amant. La disparition apparente des tabous et l'évocation de plus en plus importante de la sexualité dans les médias a-t-elle modifié la notion de fidélité ? Notre culture possède comme base la famille. Elle pose le couple comme idéal social par lequel chacun doit passer. Cette notion est encore extrêmement présente. On peut avoir l'impression que la société, notamment au travers des médias ou du cinéma, autorise la libre sexualité. Mais finalement cela tient plus du «charivari» ou du carnaval : on autorise les choses hors limites pour mieux définir les limites et faciliter le retour de la morale. Ainsi, la plus grande évocation de la sexualité n'est pas forcément une évolution, puisqu'elle impose une jouissance conforme aux normes et une obligation de performance. Dans tous les cas, il revient à chacun de se débrouiller avec son histoire personnelle et d'inventer les petits arrangements qui lui donnent du plaisir à vivre seul et avec les autres. Il s'agit de pouvoir vivre ses désirs dans le respect du consentement mutuel, sans se sentir brimé par la norme ou la morale.