Depuis septembre dernier et l'amorce de la crise mondiale, nous n'avons cessé sur ces colonnes de répéter que le Maroc ne pouvait pas être totalement à l'abri. Aujourd'hui, malheureusement, les faits nous donnent raison et ils sont têtus. Le tourisme a perdu 15 % de ses recettes sur les cinq premiers mois de l'année, malgré une évolution positive du tourisme intérieur et la résistance du segment haut de gamme. Les exportations connaissent une baisse plus importante. Les transferts des RME enregistrent une accélération de leur baisse. L'immobilier, après une stagnation, a entamé une chute, les responsables d'Al Omrane reconnaissant que les objectifs de l'année en cours ne seront pas atteints. Les réserves de changes fondent à vue d'œil, et ne couvrent plus que quelques mois d'exportation. Le déficit commercial s'aggrave et les investissements étrangers sont au point mort. Le taux de chômage va se situer à la fin de l'année au-dessus de 10 %. Le contexte international n'est pas près de changer. La reprise est annoncée par les plus optimistes pour fin 2010. Les plus pessimistes relèvent avec effroi que l'on assiste à une baisse des prix qui pourrait bien signifier que l'on entre dans une période de déflation. Il est temps d'adapter les discours aux réalités. Le second semestre sera très dur, parce que le Ramadan en plein été influera sur le tourisme intérieur et que le tourisme balnéaire, tourisme de masse s'il en faut, est le créneau le plus touché. Les industries manufacturières exportatrices ont un carnet de commandes très chétif, au point que certains envisagent de fermer durant le mois sacré. Or, le gouvernement reste dans l'expectative. Il vient même de faire des propositions dans le cadre du dialogue social, qui risquent de grever un budget probablement déjà intenable et qui risquent de gêner les entreprises. Le wali de Bank Al Maghrib a tiré la sonnette d'alarme. Si le gouvernement laisse filer, les comptes de la nation risquent d'en souffrir au point de remettre en cause une stabilité macroéconomique chèrement acquise, au prix d'ajustements structurels payés par les plus pauvres. Gérer c'est prévoir disait-on. Aujourd'hui, l'on ne demande au gouvernement que de s'adapter à la réalité : la crise est là, grave et inscrite dans la durée. Faire semblant de l'ignorer va laisser place à de graves désillusions. Réalisme et transparence, est-ce trop demander ? ■