Tous ne sont pas sans papiers, expulsés et forcés de rentrer au pays. Beaucoup, de plus en plus, décident de revenir parce que, finalement, en ces temps de crise, on n'est pas plus mal chez soi… Nous avions évoqué dans une première partie ces émigrés qui reviennent de la péninsule Ibérique, parce que l'Espagne n'est plus l'Eldorado le plus proche et qu'on chasse les émigrés, surtout les Marocains, car leur rapatriement coûte moins cher à l'Etat espagnol, vu la proximité des frontières. Mais tous les Marocains exilés en Espagne, en France ou partout où la crise économique sévit, ne reviennent pas parce qu'ils y sont obligés. Certains prennent librement et volontairement le chemin du retour, convaincus qu'au fond, ils seront peut-être mieux dans leur pays d'origine. Même les plus démunis, ceux qui reviennent sans rien, se disent qu'il vaut mieux encore être parmi les siens, dans un entourage familier et chaleureux, que dans un milieu hostile. Quant à ceux qui avaient réussi à se faire une petite place au soleil ailleurs, la situation économique et la sinistrose ambiante les poussent aussi à la nostalgie et au retour. Tel ce père de famille, Kamel, qui a vendu son épicerie en banlieue parisienne, et qui pense qu'avec l'argent de ce commerce, il peut sûrement faire quelque chose ici. «En France, c'est fini, tout est saturé, bloqué, l'argent ne circule plus, les gens vivent dans la peur du lendemain et ne dépensent plus comme avant». Nouredine, 33ans, célibataire, sent lui aussi qu'avec l'expérience qu'il a acquise à l'étranger (il est informaticien), le Maroc peut lui offrir des débouchés. En outre, il se sent bien ici. « Le climat, la bouffe, la chaleur humaine...Pour celui qui parvient à gagner décemment sa vie, c'est un paradis. La preuve c'est que des étrangers viennent s'y installer et que beaucoup rêvent de le faire». Samira, elle, est revenue parce que dit-elle «le Maroc est un pays émergent, un pays d'avenir, alors que l'Europe c'est le vieux monde, et la crise est à mon avis le commencement de la fin de ce monde qui a fait son temps. Tous ceux qui croient encore qu'ailleurs c'est la panacée, feraient bien de réfléchir avant de faire le saut dans l'aventure et l'inconnu. Il ne suffit plus de traverser la mer pour s'enrichir. Rien ne mérite aujourd'hui le sacrifice de la patrie abandonnée et encore moins le risque de mourir sur des embarcations de fortune». Et puis, il y a également des jeunes, nés à l'étranger, qui ne connaissaient pas le pays de leurs parents ou grands parents, et qui viennent un jour le découvrir, en vacances par exemple, et puis, séduits, décident d'y tenter leur chance. Amina nous raconte par exemple comment elle s'est trouvée une identité, alors qu'en France où elle est pourtant née, elle s'était toujours sentie partagée entre deux cultures». Enfin et surtout, il y a tous ceux qui reviennent parce que le mal du pays s'est fait sentir et qu'ils se rendent compte qu'aucun bien matériel ne compense les liens à la patrie, à la terre natale...Ils ne veulent pas vieillir et mourir comme beaucoup de marocains qui ne sont pas rentrés au «bled» à temps et qui regrettent une fois leurs derniers jours arrivés, de ne pas l'avoir fait. Ahmed Suktan le résume ainsi «il n'y a rien de pire que de s'éteindre dans la nostalgie». ■