Si les Marocaines subissent au quotidien le déshabillage visuel et les agressions verbales des prédateurs de la rue, imaginez ce qu'endurent les étrangères, réputées plus « faciles », surtout si elles sont jeunes, jolies et blondes. Sophie vit à Casablanca parce que son petit ami est marocain, qu'elle l'a connu quand il était étudiant à Bruxelles et qu'il l'a ramenée « au pays ». Au début, pour Sophie, jeune fille en mal d'évasion, qui rêvait, dans la grisaille de son plat pays, de vivre un jour dans un lieu ensoleillé et exotique, se voir emporter vers le Maroc comme sur le tapis volant d'un conte des mille et nuits, cela ressembla à un songe devenu réalité… Et une fois ici, le rêve sembla se poursuivre. Elle qui était charmante, sans plus, et passait plutôt inaperçue dans sa Belgique natale, voilà qu'il lui paraissait avoir été transformée comme par magie en une créature super attractive que tous les hommes remarquaient. Il lui suffisait de se promener le long des terrasses des cafés populaires pour sentir des dizaines d'yeux masculins, anonymes et sombres la désirer ardemment. Elle jetait des coups d'œil furtifs dans les glaces qu'elle croisait pour se regarder, se demandant ce qui avait pu changer en elle au point d'être devenue la cible de tous les regards. Elle n'était plus Sophie, la quelconque et banale blondinette entre tant d'autres jeunes filles belges, mais une fille qu'on « dévorait » des yeux comme une starlette au milieu de la foule du Festival de Cannes. Des hommes de tout âge et condition, s'empressaient de satisfaire ses moindres désirs partout où elle allait, non sans espérer quelque promesse en retour, et son ego, sa vanité, au fond d'elle, s'en réjouissaient. Oui, au Maroc, elle se sentait plus femme que jamais, car en Europe, depuis que la gent féminine a acquis l'égalité des sexes, les hommes ne leur accordent plus, ou presque, ces attentions qu'on appelaient «galanterie», un terme en voie de disparition…. Bref, Sophie en était à la première phase de son séjour au Maroc, et ne voyait encore que la face enchanteresse de son statut de femelle européenne. Elle devait vite déchanter. Au fil du temps, ces yeux en permanence braqués sur elle finirent par la mettre mal à l'aise. Elle se sentait déshabillée du regard et avait parfois la sensation de se promener nue. Sans parler de tous les dragueurs impénitents qui chassent dans les quartiers animés où personne ne se connaît et où tout semble permis. On l'abordait carrément, et elle se débarrassait à peine de l'un pour se voir accoster par un autre. Elle en était arrivée au point où elle cherchait à raser les murs pour essayer d'éviter de se faire remarquer ; mais comment y parvenir quand on est grande, blonde aux yeux bleus, et qu'on fait tache dans le décor ? Elle en vint vite à ne plus sortir seule dans certains quartiers. Et puis, elle crut avoir trouvé une solution. Un chien. Un gros chien qui éloignerait les importuns. Cela avait l'air de marcher, jusqu'au soir où elle s'est faite attaquer, elle et son chien. Elle pensa de prime abord que ses agresseurs voulaient s'en prendre à elle. Pas du tout. Ils ont volé le chien. Le gros toutou, élevé dans du coton et incapable de se défendre ni de défendre qui que ce soit, avait son prix à l'argus canine de certains milieux, où tout vol trouve acquéreur. Sophie en a pleuré de rage. Pour son chien d'abord, auquel elle s'était attachée, et d'impuissance à ne pas pouvoir mener une existence normale comme celle qu'elle avait dans son pays où elle déambulait dans une complète indifférence. Elle, l'occidentale moderne, habituée à faire ce qu'elle voulait, elle était devenue la recluse d'un harem du XXI siècle où on ne l'empêchait pas de sortir, mais où c'est la rue qui lui imposait son chez soi. Et puis voilà que son petit copain lui conseillait de changer de look ; finis les pantalons moulant et les jupes trop courtes. Alors que faire ? Sophie finit par comprendre que si elle aimait vraiment son petit ami et voulait rester vivre au Maroc, un pays que par ailleurs elle adore, il lui fallait en accepter les avantages et les inconvénients, et s'adapter notamment à ce sport national marocain, qui consiste à passer sous rayons X toute fille qui passe et à essayer de la draguer, si éventuellement elle se prête au jeu. ■ Plus de street pick up au maroc ! Une loi stipule qu'une femme marocaine peut porter plainte contre quelqu'un qui l'aborde dans la rue... Le dragueur risque une peine de prison d'un mois à 2 ans de prison, assortie d'une amende de 1200 à 2OOO dirhams. Accoster des femmes sur la voie publique est désormais considéré comme un délit, et un dispositif antiharcélement sexuel est défendu dans la campagne nationale de lutte contre la violence à l'égard des femmes. cette initiative a été approuvée par Nouzha Skalli ministre au développement social de la famille. Vous voilà prévenus, messieurs les dragueurs, finis les «Pss, pss...man choufouk azzine?» et autres formules d'abordage!