Il est quelque peu frustrant de ne pouvoir se référer à des instituts de sondage compétents et connaisseurs de l'électorat marocain. Il n'y a que les administrations intéressées qui puissent disposer d'éléments qui indiquent dans quelle direction ira le scrutin de Juin prochain. Les rapports qui en résultent ne sont pas rendus publics, comme dans tous les pays. Cependant, il semble flotter dans l'air comme de l'indifférence. Les passions sont plutôt captées par des frappes liftées qui dirigent un ballon flottant dans la lucarne. C'est que la vie est chère, plus encore que lors des dernières législatives qui avaient enregistré quelques 40% d'abstention. Bien sûr que la vie n'a pas de prix. Encore faut-il avoir les moyens pour arriver au bout du rouleau en pleine forme. Les dernières élections législatives avaient été l'objet de tous les soins d'administrations intéressées. Outre la disposition d'urnes transparentes, les ordinateurs enregistrant les résultats avaient été minutieusement examinés durant plus de 48 heures afin d'éliminer les risques de bug. Ce n'est pas une critique. Si elle en était une, ce serait « un acte de patriotisme », comme disait l'écrivain américain Douglas Kennedy. L'auteur de «rien ne va plus» ajoutait : «On veut le meilleur pour son pays». Le coût de la vie n'est qu'un des éléments du mécontentement qui n'est pas tellement diffus mais qui s'exprime dans de nombreuses occasions. Le chômage, l'insécurité. A l'instar des pays industrialisés. Donc on en fait partie. Et les élus fantômes. Les élections, même à l'aide d'urnes transparentes sont insuffisantes pour qu'un système se réclame totalement de la démocratie. On est choqué d'entendre une éminente personnalité affirmer «il y a tout de même des lignes rouges». Un analyste facétieux en déduirait qu'il y a certainement un fil rouge à suivre. Aurons-nous droit à un petit livre de lignes rouges ? Le système des élections peut être une source d'inspiration pour un romancier. Cela n'a pas échappé à l'écrivain portugais José Saramago, prix Nobel de littérature, qui a abordé le sujet dans «La lucidité». On n'abordera pas l'analyse d'un style fort original qui mériterait une thèse et, du reste, ce n'est pas le propos. Il est toutefois nécessaire d'en narrer le pitch, comme on dit à Hollywood. Des élections générales se déroulent dans un pays qui n'est pas désigné. Le même cérémonial que dans la plupart des pays. Arrive le dépouillement. On n'a jamais aimé ce mot, mais il n'y en a pas d'autre. Les résultats déclenchent un cataclysme au sein du gouvernement. L'auteur de « l'aveuglement » imagine un résultat de 83% de bulletin blancs. Le gouvernement se croit être devant une insurrection électorale, et décide d'enquêter et finit par décréter l'état de siège. José SAGAMAGO, avec un humour féroce décrit tous les moyens légaux et illégaux qu'emploie le gouvernement pour mener son enquête. De tout cela il n'y a rien à conclure. Ce n'est que du roman.