Depuis quelques mois, les livres concernant le Maroc et sa transition paraissent en quantité. Nous avons fait le choix éditorial de les ignorer. Ce choix n'est motivé par aucun esprit de censure ou d'autocensure. Bien au contraire, nous aurions été heureux, de publier des bonnes feuilles, commenter, faire la promotion, d'un vrai livre sur la transition Marocaine. Un livre qui fait le bilan, fait ressortir les réussites, met en lumière les échecs, brosse les perspectives. Ce livre-là, ces livres, on les attend toujours. Ce à quoi nous avons droit, ce sont des assemblages de rumeurs, de cancans, d'anecdotes, qui même véridiques n'avancent en rien le débat, n'aident en rien à la compréhension. Ce genre de littérature, dite à scandales, existe partout dans le Monde. Cela ne suscite aucune émotion, parce qu'elle est cataloguée comme telle, qu'elle a son lectorat et surtout parce qu'il n'y a pas de mélange des genres. Elle n'est jamais considérée comme une pièce versée au débat public et encore moins comme une référence. Malheureusement au Maroc, ces livres sont élevés au rang d'événements et face à l'extrême pauvreté du débat, à l'absence de travaux sérieux, ou d'ouvrages des acteurs politiques, la médiatisation aboutit à en faire le centre du débat. C'est le monde à l'envers ! Pour comprendre cette originalité nationale, force est de constater que la presse subit le même travestissement. En effet, des journaux à opinion, dits indépendants, mélangent les éditoriaux sur la constitution avec une conception «people», surfant sur les rumeurs et surtout celles concernant la vie privée des gens. C'est ce mélange des genres qui pose problème, c'est comme si en France, «le Monde» et «Gala» constituaient un même et unique journal. Le résultat c'est qu'il n'y a plus de place pour la presse «people», parce que ladite sérieuse lui a piqué le marché. Il faut tout faire pour que le distinguo s'opère. Le Maroc peut se permettre une véritable presse «Tabloïd» vivant des scandales, des procès à répétition, à condition qu'elle soit, comme partout dans le Monde, une presse de «loisirs», de voyeurisme et non pas d'influence. Cette presse peut vivre à côté d'une autre presse, attachée à la déontologie de l'exercice du journalisme et ayant des ambitions de constituer un quatrième pouvoir. En attendant, pour notre part, nous refusons de participer à la confusion en donnant de l'importance à des écrits sans consistance.■