Chaque semaine, je me propose de vous plonger au cœur des préoccupations de l'homme de la rue et plus généralement de notre société en tentant de vous faire apprécier cette belle réflexion d'un écrivain : «Quand je vois le nombre de livres qui me restent à lire, j'ai le sentiment d'être heureux». Bonne lecture. Il s'appelle Marc Dugain. Jusqu'à l'âge de 40 ans, il a fait dans les affaires, nous apprend « Le Monde » qui lui a consacré un article. Les affaires (la finance) et l'aéronautique. Et puis, toujours d'après « Le Monde », en 1999, à l'âge de 42 ans, il a commencé une carrière littéraire en racontant le destin de son grand père maternel, soldat lors de la guerre 14-18. Le roman « La Chambre des Officiers » a connu un immense succès. Il en a fait d'autres, de romans, mais si le célèbre quotidien parisien lui a consacré une page, ce n'est pas tant pour ses dons d'écrivain mais parce que notre homme est un téléphage (un téléspectateur acharné) et qu'il a consacré moult articles à la télé. Et que dit Marc ? D'abord qu'il déteste les talk-shows. Oui, vous savez ce que sont ces émissions où l'invité est entouré d'une nuée de journalistes et de consultants, genre qui a fait les belles heures de Thierry Ardisson, Laurent Ruquier, Michel Denisot ou Fogiel. Et Marc Dugain s'explique : « A mes yeux, la télé est un vecteur de culture considérable pour beaucoup de gens et, en même temps, elle peut niveler par le bas et provoquer des dégâts. On prend trop souvent le téléspectateur pour plus con qu'il ne l'est. Les talks-shows, cette fausse démocratie obscène, cet abrutissement à bas coût… Lorsque je vois des responsables politiques se rendre dans des émissions stupides où ils se font ridiculiser par des bouffons, cela indique une vraie dérive. Et même pour les écrivains, le danger est réel. On leur dit : il faut aller dans cette émission, elle est nulle, mais elle fait vendre. J'ai vu des copains écrivains se faire écharper par des abrutis du PAF (paysage audiovisuel français) et j'en ai été très triste. Souvent les écrivains ne sont pas très bons à l'oral. Je le sais, j'en fais partie ». Mais direz-vous, tout cela est très bien dit, très bien senti, très bien analysé, mais pourquoi parler de Marc Dugain ? Tout simplement parce que cet immense penseur regarde la télé française sur sa parabole au Maroc, pays où il vit une bonne partie de l'année. Ça nous le rend plus proche non ? Allez, encore une petite réflexion de Marc Dugain pour la route. « Suivre les émissions d'Al Jazira en anglais est très intéressant pour une autre approche des problèmes stratégiques et politiques. Il existe aujourd'hui une énorme confusion sur l'info. Tout le monde est censé informer : la presse payante, les journaux gratuits, Internet. Mais à l'arrivée, cette profusion d'informations débouche sur la dictature de l'insignifiant. Je refuserai de prendre en main un journal gratuit. A Paris, dans le métro, la vision de tous ces gens plongés dans le même quotidien gratuit est effrayante ». Avouez que pour des idées pareilles, vous n'avez sûrement pas regretté d'avoir rencontré Marc Dugain et ses réflexions sur la télévision. A méditer par les actuels et futurs patrons de chaînes le jour où la HACA décidera de libérer tout ça.