Le Maroc est à la veille d'une échéance cruciale, celle des municipales de juin prochain. Elle est cruciale à plus d'un titre. Après le traumatisme du taux de participation aux législatives de 2007, il est impératif de remobiliser l'électorat, en vue d'assurer une participation populaire conséquente pour donner crédibilité et contenu aux instances élues. L'inscription aux listes électorales, malheureusement, a démontré la persistance de la défiance des citoyens vis-à-vis des opérations votatives. Ce sont les politiques qui sont interpellés, car l'Etat ne peut faire plus que ces campagnes de sensibilisation, dont les effets ont été très réduits jusqu'ici. La balkanisation du champ politique est un handicap réel, mais elle n'explique pas tout. Le citoyen n'a pas l'impression que les structures partisanes prennent en charge ses problèmes. Et en vérité, ils ne font rien pour démontrer le contraire. Ainsi la réforme de l'enseignement est au cœur des préoccupations des citoyens. Aucun parti n'a développé une position étayée et n'a tenté de la présenter, de la défendre. De même que sur la situation de la santé publique, aucune action partisane n'est visible. Pire, face à la crise économique et à ses périls, ni majorité ni opposition ne s'intéressent à la situation. Le plan anti-crise du gouvernement ne suscite aucun commentaire, alors qu'il devrait cristalliser les clivages. Ailleurs c'est sur ce genre de dossiers que se font les démarcations. Ce sont les questions qui concernent la vie des gens qui donnent un sens aux divergences, au débat d'idées, à la politique. A l'inverse, l'autisme des structures partisanes, engluées dans les problèmes internes, ne se prononçant que sur des sujets hors du champ des préoccupations des citoyens est exactement ce qu'il faut éviter. Le Marocain veut que l'on s'intéresse à l'emploi, à l'éducation de ses enfants, à la santé, à la sécurité. C'est sur ces sujets qu'il veut apprécier les propositions des uns et des autres. Etant donné que ce n'est pas le cas, il en conclut que tous les partis sont pareils et s'en éloigne. Le débat sur les réformes constitutionnelles et politiques, débat nécessaire, paraît irréaliste dans ces conditions. Tout se passe comme si les politiques se trompaient sur la nature de leur mission, raisonnaient en vase clos, oubliaient que la vraie politique, la chose publique, c'est d'abord la vie des gens. Revaloriser la politique, c'est aujourd'hui la remettre en phase avec les préoccupations réelles des citoyens. C'est sur ce terrain que chaque parti doit «plancher», faire ses propositions, ses critiques. L'on verra alors qu'il n'y a pas trente-trois programmes possibles, et les alliances, objectives, concrètes s'imposeront. Le meilleur moyen de combattre la balkanisation est sans doute d'imposer la politique, la vraie, dans la pratique partisane. ■