C'est donc le jeudi 12 février que Bouteflika annoncera lui-même sa candidature pour briguer un troisième mandat. Fixée pour le 9 avril, cette élection fait craindre le pire à l'alliance présidentielle. Cette date fera mémoire puisque la constitution a été revue et corrigée dans l'enceinte d'un parlement jugé non représentatif par les principaux partis de l'opposition. La mission des partisans de Bouteflika n'est pas de tout repos ; il faut non seulement faire vite, mais surtout convaincre les lecteurs de se rendre aux urnes. Ce n'est donc pas les autres candidats à faible ancrage populaire qui peuvent inquiéter le candidat de l'alliance, Bouteflika aura un seul outsider : l'abstention. Pour l'opinion publique et les partis politiques qui appellent au boycott, l'administration fera le jeu du pouvoir et ne fera pas preuve de neutralité. Loin de garantir de bonnes conditions et d'équitables moyens pour l'ensemble des candidats en lice, cette administration est d'ores et déjà considérée au service de la machine du R.N.D. Tous les moyens et pas des moindres ont été utilisés afin d'assurer une victoire pour laquelle la constitution a été amendée. Matraquage médiatique, spot publicitaire, sms. rien n'est laissé au hasard pour rappeler aux citoyens leur devoir et pourtant ces mêmes citoyens n'ont pas eu droit à la parole quand les honorables députés les ont privés de se prononcer sur la mouture constitutionnelle . L'administration juge et partie L'abstention est une forme d'exprimer son opinion en démocratie, mais ce n'est pas l'avis des membres du gouvernement qui sillonnent le pays pour sensibiliser surtout les jeunes à «exercer leur droit et de ne laisser personne décider à leur place». Mais ce slogan peut-il encore convaincre une jeunesse qui ne rêve que de harga et qui ne croit plus en rien. Il y a quelques mois le président de la république lui-même n'a pas hésité à dresser un constat d'échec sur la politique du gouvernement à l'égard des jeunes quand le phénomène des harragas était ressenti comme un drame national. Dans les années 90, on reprochait à l'ex F.I.S de Abassi Madani d'utiliser les lieux de culte pour mener ses campagnes et d'en faire une tribune politique de l'islamisme et on connait la suite. Aujourd'hui, c'est le ministre des Affaires religieuses et des wakfs qui s'implique dans la campagne contre le boycott et les imams des 48 wilayates qui ont reçu des instructions pour prêcher la bonne parole. Selon le ministre (F.L.N) Mr Bouabdellah Ghoulmallah «il faut associer les imams dans l'opération de sensibilisation des citoyens pour aller voter, parce que l'Algérie est en phase d'un grand changement, où se multiplient les conflits sataniques, que mettront à profit certaines parties pour déverser leur fiel». Cette information livrée par la presse algérienne a de quoi inquiéter les démocrates et l'ensemble de la classe politique qui ont payé un lourd tribut pendant la décennie rouge. Les mosquées aussi sont de la partie Face à ce dérapage, il y a lieu de rappeler l'interdiction formelle des discours politiques dans les mosquées. Cette manière d'ignorer les lois prouve si besoin est, que la menace de l'abstention est réelle et que d'autre part Bouteflika ne se contentera pas d'être élu par une minorité pour exercer un troisième mandat. Mais ce n'est pas seulement l'abstention qui risque de gâcher le plaisir du vainqueur, certaines déclarations de hauts responsables sont de nature à faire douter d'une élection propre et honnête. Aboujourra Soltani ministre d'Etat appartenant à l'alliance présidentielle vient de déclarer tout simplement « que les gens s'abstiennent ou votent Bouteflika sera réélu !». Faut-il aussi rappeler que le Premier ministre a déjà annoncé la couleur de la victoire en martelant «que l'opposition ne prendra jamais le pouvoir». On se demande si finalement ce n'est pas la cohorte des courtisans qui fait tout pour appeler à l'abstention pour la journée du 9 avril.