La liberté de la presse est un acquis au Maroc. Une régulation interne de la profession est en gestation. Le combat pour la liberté de la presse n'a pas été chose aisée avant que la censure ne soit définitivement levée, témoignent les professionnels, soulignant que «fort heureusement, il s'agit d'une période révolue aujourd'hui». De fait, un demi-siècle plus tard, avec plus de 800 journalistes et quelque 420 titres en majorité indépendants, le Maroc enregistre aujourd'hui, un saut qualitatif tant au plan de l'élargissement du champ de la liberté d'expression que du traitement de l'information, ce qui augure d'»une mutation positive» pouvant en faire un véritable 4-ème pouvoir. Pour Abdallah Bakkali, vice-président du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) et de l'Union des journalistes arabes (UJA), il est indéniable que la presse marocaine est l'une des rares dans le monde arabe à «adopter une aussi grande liberté de ton». Kamal Lahlou, directeur de «La Gazette du Maroc «et président de la fédération marocaine des médias (FMM), est de ceux qui croient que le Maroc compte plus d'avancées que de régressions dans ce domaine. «Pour avoir vécu différentes péripéties du processus, je suis en mesure d'affirmer que c'est faire acte d'enfermement mental, de cécité intellectuelle et d'autodénigrement acrimonieux que de ne pas reconnaître à notre pays non seulement des avancées notoires dans le domaine des libertés mais aussi un rôle de précurseur qui pourrait inciter nombre de régimes en Afrique et ailleurs à lui emboîter le pas», fait observer, Kamal Lahlou, dans une déclaration à la MAP. Si professionnels, syndicats et pouvoirs publics sont tous unanimes à souligner les avancées significatives dans le domaine des libertés, notamment la liberté d'expression, les différents acteurs reconnaissent cependant, qu'un long chemin reste à parcourir «par comparaison à d'autres nations». «Par sa diversité et la multiplicité de ses titres, notre presse démontre une vigueur toujours renouvelée. Et nous devons tous nous en féliciter. Cependant, et par comparaison à d'autres nations, nous devons également reconnaître que le chemin est encore long avant que nous puissions réellement atteindre les niveaux de diffusion et de présence auprès de l'usager auxquels notre pays est en droit d'aspirer», soulignait SM le Roi Mohammed VI dans son discours prononcé en 2002, à l'occasion de la journée nationale de la presse. La presse qui doit former et forger une opinion publique, peine parfois à remplir cette mission, une véritable gageure et un grand défi qu'elle doit relever. Ainsi, estime le ministre de la Communication, Porte-parole du gouvernement, Khalid Naciri, «la presse écrite n'est pas homogène. Certains organes adoptent une attitude mature, tout en restant critiques. D'autres s'épanouissent dans le sensationnel. L'accompagnement des changements est par conséquent différencié». Plus de 400 titres Au sein de la corporation, «nous sommes disposés à assumer nos responsabilités en vouant un absolu respect à la loi», indique Kamal Lahlou, pour qui «les pouvoirs publics doivent admettre qu'il y a actuellement sur la place des jugements disproportionnés qui menacent l'existence de certaines entités éditoriales. Ce sont ces aspérités que nous devons aplanir afin d'aller de l'avant». Même écho chez Khalil Hachimi Idrissi, président de la Fédération marocaine des Editeurs de journaux (FNEJ) : «c'est une affaire de professionnels entre -eux». Ces derniers sont «collectivement, et dans leur écrasante majorité, pour rehausser les exigences déontologiques dans l'exercice du métier. C'est un mouvement endogène et assumé. Une question de maturation, une prise de conscience, qui ne peut pas se régler par des voies administratives», dit-il dans une déclaration à la MAP. En somme, un besoin se fait sentir pour organiser le paysage médiatique par les professionnels eux-mêmes, dans le but de garantir l'objectivité et le préparer à jouer le rôle qui lui incombe. Notre paysage médiatique ne saurait relever les défis du nouveau millénaire, ceux qu'imposent la globalisation de l'offre des médias et la généralisation graduelle aux ressources de la société de l'information et de la communication, sans une refonte de ses modes de fonctionnement et sans qu'il soit doté des dispositifs juridiques, des outils et des ressources nécessaires, pour ce faire». (extrait du message royal à l'occasion de la journée nationale de l'information novembre 2002). Si les médias attendaient plus de signaux concrets de la part des autorités, notamment une subvention à l'image d'autres pays de tradition démocratique, force est de constater qu'en conformité avec la volonté royale, plusieurs mesures ont été prises pour consolider la pluralité du paysage médiatique et accélérer sa modernisation. Il s'agit d'abord de l'octroi d'une aide publique annuelle de 50 millions de DH, dont bénéficient actuellement 59 titres. Une subvention naguère destinée uniquement à la presse partisane, et qui, aujourd'hui, est accordée dans le cadre d'une commission indépendante. Une nouveauté que l'ensemble de la profession tient à saluer. Le débat de 2009 Des acquis, certes, mais qui gagneraient à être consolidés tant au niveau politique «où nous avons besoin de soutenir le processus de réforme» qu'à celui de l'éthique et de la déontologie, en veillant à éviter «toute dérive pouvant porter atteinte à la liberté de la presse», souligne Abdallah Bakkali. Concernant la mise en place d'un conseil national de la presse, un cadre de conciliation et de régulation professionnelle et déontologique issu de la révision du code de la presse «qui tarde à voir le jour», il a formé le voeu, à l'image de l'ensemble de la profession, de voir le code révisé renforcé par une réforme de la justice, notamment à travers la création de juridictions spéciales avec des magistrats formés pour juger les délits liés à la presse. Khalid Naciri s'est dit pour sa part favorable à la création de tribunaux spéciaux pour juger les délits de presse, précisant que les magistrats auxquels sont soumis des litiges de presse doivent être au fait de la spécificité en la matière.Pour Khalil Hachimi, le code relève «d'une priorité absolue». «Notre volonté, et notre souhait, est d'arriver à un code de la presse qui ressemble à notre pays aujourd'hui : moderne, ouvert et libéral. On ne légifère jamais pour une crise. On légifère pour l'avenir. C'est sur ce point précis que l'on doit trouver des convergences et prendre tous, collectivement, de la hauteur». Même observation chez Kamal Lahlou pour qui cela est la preuve s'il en était que «la question est perçue avec un réel intérêt. On ne légifère pas dans la précipitation. Une loi n'est valable que par les effets bénéfiques qu'elle insuffle dans la société»'. C'est pourquoi, elle doit faire l'objet, selon lui, de l'adhésion des partenaires intéressés et concernés. Bien plus, estime-t-il «c'est une bonne et sage politique que de faire le choix de l'expectative - qui n'est pas là synonyme d'attentisme - et de parier sur un code qui va résister aux défis des évolutions». Le ministre préconise «un grand débat national en 2009 avec la participation des professionnels pour converger sur des approches consensuelles avancées, conformes à la progression démocratique de notre pays». ■