Il faut vraiment oser une remise en cause du «prêt-à-penser» occidental pour pouvoir affirmer que notre crise mondiale actuelle, propulsée de l'Occident pour se propager dans le reste du monde, est avant tout une crise culturelle. Les implications financières et bancaires, partie saillante de l'iceberg, apparaissent ainsi comme un révélateur d'un désordre psychologique plus profond où la peur ne cède en rien à la perte de confiance. C'est donc une crise de valeur d'une culture économique dénuée de moralité et sevrée d'éthique, ayant déjà entraîné le monde dans des guerres sanglantes et le plonge actuellement, pour les 2/3 sinon les 3⁄4 de l'humanité, dans la terreur, le dénuement, la misère et la faim. D'autant que ce «système – monde», qui se veut fondateur de «démocratie» et des «droits de l'homme», ne profite, dans son versant positif, qu'à une minorité planétaire privilégiée. Car il a été bâti, depuis plus de deux siècles, sur une domination tous azimuts: de l'Europe sur l'Afrique, de l'Amérique du Nord sur l'Amérique du Sud et l'Orient arabe, des Anglo-Saxons sur l'Asie et le monde musulman. Déséquilibre mondial Bref, une domination du Nord sur le Sud planétaire dont les deux rives de la Méditerranée paraissent assez représentatives. C'est donc dans ce contexte de déséquilibre mondial que l'ouvrage rappelé au générique en aborde explicitement ou implicitement l'essentiel de la problématique et propose quelques pistes de réflexion. Il prend ainsi tout son sens malgré les (et peut être à Cause) spécificités maghrébines qui s'ouvrent en outre sur une actualité interne également préoccupante : une Union méditerranéenne incontournable mais toujours incertaine, une crise de l'éducation arrivée à son paroxysme malgré les réformes et une expression langagière tiraillée entre l'unité fondatrice et la diversité libératrice si ce n'est l'éclatement, voire la division en Etats et entités. Face à ces enjeux, l'étude a essayé, sans complaisance, de soumettre aux cribles de la critique scientifique, l'ensemble des questionnements qui en découlent. Ils vont du général au particulier et de la globalité mondiale à la singularité d'un Maghreb euro-méditerranéiste de «chacun pour soi» dans un rapport de force inégal devant une Europe hégémonique qui s'étend de Gibraltar à l'Oural. Comme antidote, cependant, l'auteur se réfère au trépied matriciel maghrébien, garant d'une résistance culturelle ancestrale, à savoir : l'amazighité, l'arabité et l'islamité. Mais il n'oublie pas pour autant l'éducation à laquelle il réserve deux chapitres substantiels dont le dernier prend appui sur la charte marocaine. Une charte qui apparaît comme un exemple caractéristique d'une réforme ambitieuse, certes encourageante, mais incertaine et mal outillée pour affronter l'épreuve d'un espace marocain diversifié et d'un temps universel qui évolue sans cesse, avec une rapidité vertigineuse. A cet égard, si cette approche intersectionnelle, à la croisée des disciplines, représente en soi une nouveauté, elle signifie surtout une interpellation à tous les éducateurs, enseignants, étudiants, parents d'élèves et hommes politiques maghrébins, animés d'espérance pour un dialogue égalitaire des civilisations et préoccupés par une vraie prospective susceptible de relever les défis du 3ème millénaire. ■