Quand on évoque l'université, le discours se réfère nécessairement à l'UNEM en tant que cadre où se joignent la politique et le syndicalisme, l'action partisane et estudiantine. En fait, l'espace universitaire reflète la nature même des luttes politiques qui traversent toute la société. Si dans les luttes à l'intérieur des formations politiques, chaque composante essaie de faire main basse sur les outils d'information selon l'adage bien connu “qui maîtrise l'information, maîtrise le parti”, il en est de même lorsqu'il s'agit de l'UNEM. En fait, maîtriser cette organisation estudiantine revient à dire que l'on maîtrise tous les prolongements en direction de la société. C'est justement dans ce cadre que se forgent les compétences aptes à diffuser les orientations politiques et à les propager à grande échelle. C'est aussi un instrument de recrutement susceptible de former l'élite et la relève. D'ailleurs la plus grande partie des élites politiques actuelles est issue de ce cadre. L'UNEM a de tout temps été le théâtre d'affrontements politiques et idéologiques. Mais aujourd'hui, les mouvements islamistes ont pris le dessus après une démission quasi collective des forces démocratiques. Ainsi, Al Adl Wal Ihsane représenté par Hassan Benajah et le mouvement Al Wahda wa Attawasul représenté par Mohamed Hilali, évaluent, chacun de son côté et selon sa propre vision, la situation actuelle au sein de l'université. Pour Hassan Benajah, qui veut éviter toute polémique politicienne, la fonction de l'université est avant tout éducative. Mais ceci ne veut pas dire que le parcours universitaire se limite à acquérir les connaissances scientifiques de base. Il s'agit aussi d'une étape importante pour la formation des cadres de l'avenir et pour le développement économique et social de toute la société. Donc, pour le représentant d'Al Adl wal Ihsane, si ces objectifs nécessitent une formation universitaire solide, ils requièrent également la présence au sein de l'université d'un espace parallèle où s'expriment les actions politiques et culturelles. Cette présence n'est nullement préjudiciable autant que l'est l'anarchie qui peut y régner. A partir de là, revient l'idée de l'organisation comme un leitmotiv. C'est pour cela et en l'absence d'un cadre organisé, que l'espace universitaire connaît des luttes politiques qui portent atteinte à la fonction même de l'université. C'est pour cela aussi que les actions syndicales, culturelles et même politiques doivent évoluer dans un cadre organisé. Pour Mohamed Hilali, l'évaluation est plus directe puisque le représentant d'Al Wahda Wa Attawasul, mouvement apparenté à Attawhid Wal Islah, la nature des luttes politiques au sein de l'université est beaucoup plus profonde puisqu'elle s'élargit au cadre idéologique. En somme, c'est une lutte entre deux projets de société et entre deux systèmes de pensée. Toutefois, cette lutte n'est pas inutile puisqu'elle contribue à enrichir l'espace universitaire. Prenant le relais, Hassan Benajah s'attaque aux forces de la gauche accusées d'avoir attisé les conflits surtout après la chute du mur de Berlin, ayant entraîné le démantèlement du camp communiste. Ainsi, les marxistes n'ont pas trouvé mieux que d'avoir recours à la violence pour préserver leurs positions et pour s'opposer à la montée de tout courant. C'est ce comportement qui a été à l'origine des événements sanglants que l'université a connus au début des années quatre-vingt dix. Confirmant la position de Benajah, Mohamed Hilali estime que le problème se situe dans les rapports entre le syndicalisme et la politique, car cette dernière approche a été prépondérante et répond aux orientations générales des forces politiques. Ceci a débouché sur une confrontation qui n'a pas tenu compte des intérêts suprêmes des étudiants. Ainsi cette lutte se concentre autour de deux projets. Le premier est intitulé “ L'université d'abord ” et a pour objectif de mettre l'université au cœur même des luttes politiques et sociales. Le deuxième veut limiter le problème à son aspect organisationnel lié à l'UNEM. Or, ce problème a été le cheval de bataille de la gauche avant d'être aujourd'hui sur l'agenda du mouvement islamiste. C'est pour cela, ajoute Hilali, que la lutte actuelle se situe entre un projet islamiste conquérant et un projet laïc dégringolant. Mais cette lutte doit répondre à certaines conditions dont : - le bannissement de la violence sous quelque prétexte que ce soit. - l'établissement du dialogue comme seul moyen de résoudre les problèmes. - la mise en place des règles du jeu consensuellement reconnues. - l'arbitrage démocratique entre les projets soumis aux étudiants.