Tube de la fin des années cinquante, repris aujourd'hui par toutes générations confondues, Ya annassi reste l'un des refrains de notre mémoire musicale, sinon de notre mémoire tout court. Brahim El Alami, l'un de nos plus grands artistes, est issu d'une famille chérifienne de Jbal Allam, Moulay Abdessalam Ben Machich. Son grand père, Haj Driss, fut un grand mélomane et amateur du Melhoun. Né dans l'ancienne médina de Casablanca vers les années trente, sa famille émigre à Derb Sultan où il grandit. Portant un intêret précoce à la musique, il fut initié au départ par son grand frère Mohamed El Alami Aziz, interprète inégalable du Melhoun, du Chaâbi et du Hawzi algérien. Ce dernier se produisait, avec son ami Salim Halali, au fameux Coq d'or, cabaret prestigieux de Casablanca. Il complète sa formation ensuite dans une école française où il apprit le solfège, le jeu instrumental et fréquente les maîtres de l'époque: Haj Ahmed Boudroua, El Madkouri, Boubker Talbi et Mohamed Hrizi, fins connaisseurs de la chanson orientale. C'est dans ce contexte, où la chanson marocaine cherchait ses marques et fut tiraillée entre le folklore et l'imitation aveugle des succès égyptiens, que Brahim El Alami participait, avec les Fouiteh, Ahmed Jabrane, Maâti Belkacem, Abdelkader Rachedi, Ismael Ahmed…, à la naissance de la variété dite «oughnia asria». Ya annassi ou la confection d'un tube «Tu m'as oublié. Et tu as oublié notre pacte. Même si tu as oublié. Hram alik. Tu as juré de ne jamais trahir. Même si tu as juré. Je ne te crois pas». Brahim El Alami écrivait ses paroles, les composait et les interprétait. Ce fut le cas de Ya annassi qui, dès son enregistrement et son premier passage à la radio, devient un refrain repris par toutes les générations. Le 45 tours sorti chez la Voix du Maroc, s'arrachait. Salim Halali, qui la chantait en toute occasion, voulait en faire une reprise comme il l'avait fait avec Alach ya ghzali de Maâti Belkacem. Le projet n'a pas abouti, car El Alami tenait à son bébé comme à la prunelle de ses yeux. Si le refrain a eu un tel succès, c'est qu'il est tout simplement inspiré des rythmes et formes folkloriques typiquement marocains. Dans une demeure bourgeoise Fassie ou au fin fond des Rhamnas, Ya annassi est fredonnée, entonnée, avec délectation et nostalgie, en toute fête familiale. Reprise par la majorité de nos chanteurs, Latifa Raafat, Raymonde Bidaouia, Nouaman Lahlou, au Maroc et ailleurs, elle reste un tube éternel. ■