Mustapha Ramid, A. Berrada, Agraw Bouzoubaâ. “S'il est devenu ministre -déclare Berrada à Al Ayyam- ce n'est que par un jeu de hasard, c'est qu'il a tiré le bon numéro”. La loterie nationale, quoi ! Mustapha Ramid n'est pas du genre à se précipiter dans le péché. Mais il n'en est pas moins prompt à censurer. Franchement, le chef de file du PJD est à plaindre : il n'a donc le choix qu'entre la tentation et la censure. C'est du cinéma. Pas péjorativement, bien évidemment. Il s'agit bel et bien d'un film. Taxé de concupiscent - le terme est soft - le dernier de Nabil Ayouch a été la cause immédiate d'une levée de boucliers de la part de nos honorables élus du PJD. Questions orales au parlement, déclarations à la presse, éditoriaux, tout y est. C'est normal, la morale chancelle, et la faute incombe à Nabil Ayouch. C'est encore normal, le PJD est le gardien du temple, et de la morale. Sans quoi, les élus seront des désœuvrés. Le hic c'est quand Ramid déclare à Assabah de mardi dernier qu'il n'a pas cédé à la tentation, donc il n'a pas été voir le film… “Je n'ai pas commis le péché de voir le film”, a-t-il dit en substance. Pour se rabattre sur un lien commun, Ramid aurait bien crié : “cachez-moi ce film que je ne saurai voir”. Ce serait mieux. Il serait aussi dangereux, plus dangereux même. Ramid semble insinuer que toute chose permise est par essence une chose impure. Il a sans doute une excuse : il fallait qu'il cédât à la tentation pour s'en débarrasser. Il a, c'est son plein droit, opté pour un autre scénario, dont l'idée maîtresse est apparemment celle-là : la morale, c'est ce qui reste de la censure. Au grand jour, l'obscurité des salles n'est pas toujours ce qui va le mieux pour un visionnaire. Il y a là un “alibi en béton” pour ne plus traiter les amis de Ramid de l'infamante étiquette “d'obscurantistes”. Dont acte. Quand un homme politique se fait prêtre, il ne sera pas défendu (encore) à l'art d'être victime. Mais quand un avocat, un vieux de la vieille de surcroît, se plonge dans l'allégorique et le métaphorique, il sera vraiment défendu de faire la politique dans le pays. Il faut lui rendre justice, à l'avocat ; lui ce n'est pas la censure. Ni l'épée de Damoclès, ni Dame aveugle. Même s'il s'agit du ministre de la Justice, Bouzoubaâ. “S'il est devenu ministre - déclare Berrada à Al Ayyam - ce n'est que par un jeu de hasard, c'est qu'il a tiré le bon numéro”. La loterie nationale, quoi ! Bien sûr que Berrada use le lexique maintenant à la mode, de voir le film que de crier à la censure. A la hussarde, ou à l'aveuglette. Un non-voyant ne voit rien d'ailleurs. A vrai dire, il faut être “ramidement” sûr de soi, et sûr d'avoir raison pour remuer ciel et terre, afin de censurer un film. Et rien - cela va de soi - ne peut lui procurer cette certitude que la bigoterie. La continence nous enseigne la littérature chrétienne du Moyen Age, est l'ennemi de l'hérésie. Il n'y aurait pas d'art cinématographique sans un coup de main du malin Satan. Tout film est une œuvre sujette à l'appréciation - ou la dépréciation - pourvu qu'on prenne la peine de le voir. Quand on aime la vie on va au cinéma. C'est valable aussi, quand on veut censurer. Quand on aime la censure. Ramid semble oublier que les arts, tous les arts ont une morale propre, elle est artistique. Il peut toujours ne pas aimer le film de Ayouch (minutes dans le noir), comme de S. Ben Barka (les Amants de Mogador) ou celui de M. Ismaïl (Et après?), qui sont tous péché (à ses yeux?) par une touche d'érotisme, mais il ne peut et ne doit le faire qu'après… acte. Là, ce n'est pas ce qui est “criminel” qui coûte le plus à dire, c'est ce qui est ridicule : condamner un film sans le voir. Les analystes, les critiques, “l'esprit des lois… et autres”, contrat social abondent dans ladite interview. Dieu ! Qu'en termes galants, ces choses-là sont mises. L'ère nouvelle ? “C'est une escroquerie”. Pourquoi ? Silence de justesse cette fois-ci. “Le Maroc ? Un Etat policier, régi par les services secrets”. Et depuis bien longtemps. Le nouveau concept de l'autorité ? Une autre escroquerie. Répété deux fois, cela plaît. A. Berrada, le sait et le consomme sans modération. Il y a certainement quelque chose à espérer du CCDH, nouvelle version ? Quoi, avec “des suivistes” et des “influençables” à la noix. Avec ses membres, sériés et notés SVP, qui manquent cruellement de personnalité. Non, merci. Idem pour le Diwan Al Madalim, qui “n'est qu'un décor” d'une pièce théâtrale dont le titre n'est autre que “le nouveau concept de l'autorité”. Je vous ai avertis, répété deux fois, cela plaît. N'attendez pas un changement de décor de la part de l'avocat au… papillon ! Mon esprit va, vous l'aurez sans doute imaginé, au nœud papillon bien sûr. Pour les papillons noirs, les idées. Je veux dire ce n'est guère mauvais pour l'humeur, et l'humour aussi, de dire des grossièretés. De temps en temps. Le malheur est de les ressasser avec sérieux, terminologie juridique à l'appui. Un mot pour finir. Ce n'est peut-être pas la faute de Berrada, ni celle de Ramid, la mienne non plus. Il n'y a peut-être pas de faute du tout. Précisément, il n'y aurait jamais eu de faute s'il n'y avait pas de peuples arabes. Oui, parole d'une publication soi-disant amazighiste du nom de Agraw Amazigh, où on lit : “les Arabes, comme confirmé par les études historiques, sont les peuples les moins intelligents de l'humanité, mais plus périlleux que la peste pour les autres peuples de la terre”. Sic, honteusement. Sans commentaire, ni censure bien sûr. Enfin, et si ce n'est que du cinéma, tout cela ?