Rejetée par son mari après qu'il eut découvert lors de leur nuit de noces qu'elle n'était plus vierge, la jeune femme avait accepté -après s'y être opposée- l'annulation voulue par son époux, devant la crainte d'une procédure trop longue Rappel des faits. Ce dossier avait replongé le pays dans les débats, fréquents ces dernières années, sur la place de l'islam en France et le respect de la laïcité. Avant l'été, une partie de la droite avait demandé la suppression de la possibilité procédurale d'annuler un mariage, pour ne plus conserver que le divorce. Le Parti socialiste avait annoncé le dépôt «sans tarder» d'une proposition de modification de la loi, une annonce non suivie d'effet. L'appel déposé par le parquet à la demande du ministère de la Justice est d'autant plus ambigu que la Garde des Sceaux, Rachida Dati, avait d'abord défendu la décision en soulignant qu'elle profitait objectivement à la jeune femme, qui était ainsi à ses yeux protégée. La ministre ayant elle-même eu recours, dans le passé, à cette procédure pour faire annuler un mariage organisé par sa famille. Le Parquet général considère finalement dans son argumentaire écrit versé au dossier, que la non-virginité ne peut constituer une «qualité essentielle» de la personne permettant d'obtenir l'annulation du mariage. Une telle décision serait discriminatoire, car elle porterait atteinte «aux principes d'égalité homme-femme, de libre disposition de son corps et à la dignité de l'être humain», estimait alors le ministère public. La cour d'appel a dû faire face à un imbroglio juridique, car la décision initiale a été rendue en avril avec l'accord des deux époux. Par l'intermédiaire de son avocat, la jeune femme concernée a fait connaître cet été sa désapprobation concernant cet appel, estimant qu'il n'appartenait pas à l'Etat de décider à sa place de sa vie et soulignant que le premier jugement lui avait permis de tourner une page. Mise en délibéré au 17 novembre Le parquet général de la cour d'appel de Douai, a estimé lundi que la nullité d'un mariage fondé sur un défaut de virginité est contraire à l'ordre public, mais a cependant suggéré d'annuler l'union pour un «motif légitime» comme l'erreur sur la personne ou le défaut de cohabitation. La décision a été mise en délibéré au 17 novembre. Le 1er avril dernier, le tribunal de grande instance de Lille, se fondant sur l'article 180 du Code civil, avait annulé l'union de deux personnes de confession musulmane au motif que l'épouse avait menti sur sa virginité. Cet article prévoit qu'un mariage peut être annulé «s'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne» (la «personne» étant forcément l'un des mariés). Le tribunal avait estimé que l'épouse, acquiesçant à la demande de nullité formulée par son mari sur le mensonge à la virginité, savait que cette dernière était une «qualité essentielle déterminante au consentement» de son époux au mariage. Le couple s'était marié le 8 juillet 2006 et l'époux avait saisi le tribunal le 26 juillet. La promise lui avait «été présentée comme célibataire et chaste», selon les termes du jugement. «Une nullité du mariage fondée sur le défaut de virginité de l'épouse est contraire à l'ordre public», a donc indiqué lundi le Secrétaire général du parquet général de la cour d'appel de Douai, Eric Vaillant. «L'erreur sur la virginité de l'épouse ne peut en aucun cas constituer une qualité essentielle de la personne qui permettrait d'obtenir la nullité du mariage. Une telle condition serait discriminatoire car elle porterait atteinte au principe de l'égalité entre l'homme et la femme, au principe de la libre disposition de son corps et à la dignité de l'être humain», a expliqué M. Vaillant. Lors de cette audience devant la cour d'appel de Douai, qui s'est déroulée à huis-clos, les avocats des deux parties ont demandé à nouveau l'annulation du mariage. Tous les deux d'origine marocaine et musulmans, les deux époux, lui un informaticien âgé d'une trentaine d'années et elle, une étudiante infirmière d'une vingtaine d'années, ont depuis les faits, quitté le Nord-Pas-de-Calais. Au moins jusqu'au 17 novembre prochain ; ils n'en demeurent pas moins mari et femme aux yeux de la loi… ■