Sous l'effet de la mahia, Mohamed est entré dans la cuisine lors d'une nuit de noces dans un douar de la province d'El Jadida. Gêné par les femmes qui préparaient le dîner, il s'est mis en colère. Une colère qui a cédé la place aux échanges d'invectives, puis au meurtre. Chambre criminelle près la Cour d'appel d'El Jadida. Mohamed se tient, ce mardi 13 juillet, devant les cinq magistrats dont le président a ouvert déjà son dossier et lui a rappelé l'accusation engagée contre lui à savoir coups et blessures ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner. Mohamed, quarante-six ans, père de famille, s'est contenté de répondre qu'il n'avait pas l'intention de tuer la victime. Et le président lui a demandé de lui rappeler les circonstances de son crime. L'histoire remonte au dimanche 7 mars 2004, lorsque les habitants du douar Lamkhatra, commune Lamharza Sahel, circonscription de Bir J'did, province d'El Jadida, se préparaient à une nuit de noces de deux jeunes du douar. Chacun d'eux s'arrangeait à sa manière avant d'y assister. Les femmes préparaient leurs caftans, foulards, babouches, chaussures et maquillages et les hommes arrangeaient leurs vestes et djellabas. Et Mohamed ? Celui-ci pensait autrement. Il ne s'intéressait pas à son look. Ce qui importe pour lui sont les verres de vin qui l'aideront à passer une belle nuit avec les “Chikhates“. A défaut de vin rouge, il a acheté de l'eau-de-vie (Mahia). Quand il a vidé la première bouteille, il a acheté une autre qu'il a bue tout seul. Vers 21h, il s'est rendu vers la tente caïdale où les invités ont déjà pris place et les “Chikhates“ ont commencé à chanter et à danser. Mohamed est plein de joie, gai, très content au point qu'il a commencé à danser. Il riait, rigolait avec les “Chikhates“, dansait et chantait parfois. Bref, il a participé à l'animation de la fête. Tout le monde lui parlait, lui demandait de s'approcher de lui. Certes au douar, les soirées ne sont pas mixtes comme à la ville. Toutefois, les femmes chantent et dansent ensemble le jour, et elles s'occupent de la cuisine la nuit. Ce sont elles qui se chargent de la préparation des plats soit pour les hommes, soit pour les femmes. Tout à coup, Mohamed a disparu de la tente caïdale. Où est-il allé ? les invités n'en savaient rien. Il pourrait être aux toilettes ou bien dans un coin en train de boire d'autres verres de vin rouge ou de Mahia. Cependant, les invités l'ont oublié quelques moments après et se sont plongés dans le monde des danses et de chants et ce, jusqu'au moment où ils ont entendu du bruit venant de la cuisine. Qu'est-ce qui s'y passe ? Quelques invités ont quitté la tente caïdale pour se rendre à la cuisine. Ils voulaient savoir. Étonnés quand ils ont trouvé Mohamed qui se disputait avec les femmes. Pourquoi a-t-il quitté la tente caïdale pour entrer dans la cuisine ? Avait-il faim ? Où les femmes lui avaient hanté l'esprit après les verres de Mahia ? “J'avais faim et je me suis rendu à la cuisine pour chercher quoi manger“, déclare-t-il à la cour. Quand il est entré à la cuisine alors qu'il titubait, les femmes qui préparaient le dîner ont commencé à lui demander de sortir, de quitter la cuisine. Il semble qu'il ne les entendait pas. Aussitôt, l'une des femmes s'est avancée vers lui, l'a poussé pour le mettre dehors. Mais en vain. Pire encore, il l'a insultée. Elle lui a répondu avec des injures. Hors de lui, Mohamed a commencé à lui adresser des insultes abjectes et ce avant de la gifler. Avisé, le fils de la femme, Nouredine, la trentaine, s'est dirigé vers la cuisine pour savoir ce qui est arrivé à sa mère. Il l'a trouvée inanimé, entourée de femmes. Mohamed est encore dans la cuisine. Nouredine s'est tourné vers lui, lui a donné un coup de poing. Et sans attendre le deuxième coup, Mohamed a brandi un couteau et l'a poignardé au niveau du cou. Nouredine s'est affaissé aussitôt en demandant du secours. Alors que Mohamed s'est enfui à bord de son vélomoteur. Transporté vers le centre hospitalier de Bir J'did, Nouredine a rendu l'âme. Quelques jours plus tard, Mohamed a été alpagué. Devant la Cour, Mohamed a raconté toute l'histoire en expliquant qu'il a été provoqué par Nouredine. Le représentant du ministère public a rejeté le fait que le mis en cause a été provoqué, mais qu'il a été inconscient. Et l'inconscience suite à l'ivresse n'était jamais une condition pour accorder les circonstances atténuantes. De son côté l'avocat de la défense a précisé dans sa plaidoirie que le mis en cause, père de famille a été provoqué par Nouredine, qui devait le conduire en dehors de la cuisine et non pas le frapper. En outre, a ajouté l'avocat, Mohamed avait seulement l'intention de blesser le défunt et qu'il regrette son acte qu'il va payer trop cher, lui et ses enfants. Effectivement, lors des délibérations, les magistrats ont décidé de lui accorder les circonstances atténuantes et l'ont condamné à 12 ans de réclusion criminelle.