A l'occasion du centenaire de sa naissance, l'Institut du Monde Arabe rend un vibrant hommage à Oum Kalsoum. Une quarantaine d'années après son passage à l'Olympia, la diva est de retour ! Souvenirs, souvenirs… C'est ici qu'elle est venue chanter, pour la première fois en Europe. C'était en 1967, juste après la défaite. Elle collectait les fonds pour les orphelins de la guerre. Paris qu'elle surnomma, capitale de la liberté et de l'amour, l'accueillait pour deux mémorables concerts, donnés à guichets fermés. Un évènement dont se souvient Lalla Nejma. Elle en parle avec fierté et beaucoup de nostalgie. Je me rappelle ses paroles. Elle me narra, une fois, l'histoire à l'ombre des marronniers du café du jardin du Luxembourg. «La presse et les radios, qui passaient en boucle des fragments d'Al Atlal, avaient préparé sa venue. Descendue dans une suite du Georges V, avant même de déballer ses valises, elle rédigea en français et sans ratures un télégramme qu'elle expédia au général De Gaulle, je suis convaincue de ma mission. Séjournant dans la grande France, je voudrai saluer en vous votre action en faveur de la justice et de la paix. Ce qui étonna Lalla Nejma. Je lui expliquais qu'Ahmed Rami n'était pas seulement son amoureux fou, son poète attitré, mais aussi son initiateur à la langue de Molière et à ses subtilités. Elle enchaîna, «J'ai eu la chance de faire partie des invités de l'ambassade d'Egypte. C'est là que je l'ai vue de près. En l'embrassant, mes jambes vacillaient, mon cœur vibrait. D'une simplicité, d'une élégance… Oum Kalsoum, une grande et noble dame. Le lendemain, les lambris de l'Olympia vibrèrent sous le tonnerre de sa voix ? Les gens avaient du mal à trouver des places. Les indiscrétions parisiennes évoquaient même un pont aérien entre l'Orient et l'Occident, la présence dans la salle du roi Hussein de Jordanie ! Je ne l'ai pas vu. J'étais assise entre Marie Laforêt et un diplomate marocain. C'est grâce à lui que j'ai eu mon billet. Fou de Kalsoum, comme le sont des millions d'Arabes, il avait préparé son coup d'avance en achetant un paquet qu'il distribua généreusement à ses amis. Elle apparut devant une salle surchauffée, assise sur une chaise. L'orchestre entama un long prélude instrumental. Debout, majestueuse dans son caftan vert brodé or, le foulard de soie à la main, elle entonna l'Amour de la nation avant d'enchaîner avec Al Atlal. Applaudissements, sifflets, cris, youyous. Le public, en délire, jubilait. En reprenant, plusieurs fois, rends moi ma liberté, dénoue mes mains, elle fut lapidée de roses et de jasmins. Un Tunisien se précipita sur la scène pour embrasser ses pieds. Il la fit trébucher et tomba. Le clic d'un brin ne rata pas l'incident». J'informais Lalla Nejma qu'il s'agissait de Mohamed Maradji, un Bidaoui. Il avait promis à la diva de ne pas publier la photo, mais il n'a pas tenu sa promesse malgré le cadeau de cette dernière, l'un de ses inséparables foulards. «Après les concerts, Oum kalsoum a tenu une conférence de presse dans les salons du Georges V. Accourus par le tout Paris, les journalistes la comparèrent à Edith Piaf, à Maria Callas et la surnommèrent la bombe de Nasser, la religieuse de l'Islam…Elle répondit à leurs questions avec diplomatie et un grand sens politique. Oum Kalsoum n'avait rien d'une starlette de show-biz. Au cours de son bref séjour dans la capitale, elle délaissa les magasins pour courir visiter l'Opéra Garnier et se faire photographier en compagnie de l'Obélisque de la place de la Concorde. Oum Kaltoum quitta la ville lumières avec, en résonance dans sa tête, les mots du télégramme du général De Gaulle, le Raïs de la République Française, j'ai ressenti dans votre voix les vibrations de mon cœur et du cœur de tous les français»… Kalsoumania Soirées à guichets fermés animées, entre autres, par la Marocaine Naziha Meftah et la Tunisienne Abir Nasraou. Nuit blanche avec la projection des films où la diva a joué. Edition d'un CD contenant les reprises de son répertoire par des grandes voix arabes. Numéros spéciaux des revues Quantara, Al Moukhtarat, les Inrockuptibles… Et la grande exposition concoctée avec la collaboration du musée Oum kalsoum et du ministère de la Culture égyptien. Séquences sonores, audiovisuelles, costumes, bibelots et documents de tous genres nous révèlent les multiples facettes de la Pyramide de la chanson arabe.