L'immigration clandestine subsaharienne s'amplifie de jour en jour. Les vagues d'africains en mal d'Eldorado révèlent chaque jour une immigration qui devient de plus en plus visible. Check up d'une situation devenue insupportable. Les chiffres de l'enquête inédite réalisée au courant de l'année dernière fait ressortir des chiffres étonnants. Dans le détail, il s'agit d'une dizaine de nationalités qui sont présentes sur le territoire national. Les Nigérians sont les plus nombreux. Viennent ensuite les Maliens, les Congolais, les Sierra-Léonais, les Sénégalais, les Ivoiriens, les Guinéens, les Camerounais...etc. L'enquête sus-indiquée est riche en enseignements : La majorité des immigrés subsahariens clandestins sont célibataires (82%). 15% sont mariés. 74% sont venus via l'Algérie par le désert, 56% par Oujda, 18% du sud de l'Algérie, 6% par la Mauritanie et 13,2% par l'aéroport Mohammed V du fait de la non exigibilité du visa entre le Maroc et un nombre important de pays africains. «68% des migrants sont instruits dont 16% peuvent se prévaloir d'un niveau d'instruction supérieur». La durée de séjour moyenne est deux ans et demi. Certains vivent illégalement au Maroc depuis 12 ans. 14% d'entre eux (sur)vivent au Maroc depuis 5 à 9 ans et 0,3% y sont entre 10 et 12 ans. 68% des migrants sont instruits dont 16% peuvent se prévaloir d'un niveau d'instruction supérieur. Seuls 32% des migrants sont sans instruction et 20% ont déjà suivi une formation professionnelle. Seuls 31% étaient chômeurs au moment de quitter leur pays. 69% ont donc immigré pour d'autres raisons que la recherche d'un emploi. Pour 81%, le revenu insuffisant pour subvenir aux besoins de leur famille constitue la motivation principale. 32% des migrants déclarent avoir émigré pour des raisons de sécurité. 52% d'entre eux ont déclaré avoir payé entre 1000 et 2000 Euros. Durant leur équipée, l'horreur ne les a pas quittés : 80% ont souffert de la soif, 79% de la faim, 64% de maladies, 43% de vol de leurs effets et argent, 44% ont subi des agressions et attaques des bandits des routes, 40% ont subi les arnaques des passeurs, 47% des femmes ont été victimes de harcèlement sexuel ; 36% ont été victimes de viol, ce qui a donné lieu à la naissance d'enfants. Les hommes n'ont pas été épargnés à cet effet. D'autre part, la mort a été très présente dans le voyage : 35% des migrants disent avoir perdu un accompagnateur durant le voyage. 36,5% disent avoir vu des squelettes humains dans le désert. Au Maroc, pour subsister, 11,5 % s'adonnent à de petits métiers, 18,8% vivent de la mendicité. 63% vivent dans des chambres collectives ; 10% sont des SDF et seuls 7,5% parviennent à avoir des chambres individuelles, tandis que 5,8% sont hébergés par l'habitant et 3,4% habitent sur le lieu du travail (baraquement, garage, chantier etc.) Quid, selon eux, de leur perception par les Marocains ? 27% déclarent que les Marocains les considèrent comme inférieurs. 23% pensent qu'ils font l'objet de mépris de la part des Marocains. Cependant, 12% estiment que le destin des Subsahariens et des Marocains est intimement lié, notamment par l'appartenance religieuse ou les mêmes conditions sociales des Marocains vivant dans les quartiers périphériques. Seuls 3% des Subsahariens estiment que les Marocains leur témoignent du respect. Aussi, n'est-il pas étonnant qu'une extrême minorité de 2,3% déclare vouloir rester au Maroc. « Levée à six heures du matin, elle est affectée à toutes sortes de besognes jusqu'à minuit». A Marrakech, dans les quartiers de Daoudiyate, Diour Massakine, Assif…etc., les Subsahariens évoluent au milieu d'une population qui leur oppose tantôt l'agacement, tantôt le mépris, mais aussi la pitié et, rarement, la compassion. Pire : Certains Marrakchis nantis n'ont pas hésité à employer chez eux des jeunes hommes ou des jeunes filles, démunis de titre de séjour, qu'ils exploitent honteusement dans toutes sortes de corvées. Dikeledi a vingt-six ans. Depuis trois ans, elle officie chez un promoteur immobilier. Levée à six heures du matin, elle est affectée à toutes sortes de besognes jusqu'à minuit, parfois jusqu'à l'aube, lorsque son employeur reçoit pompeusement des invités venus de loin. Constamment grondée par la maîtresse de maison et même par la « bonne-en-chef », elle n'a droit qu'aux restes et à une mensualité de 800 DH/mois. Le pieux employeur a bonne conscience : «C'est mieux pour elle de travailler que d'aller mendier. En outre, je me suis arrangé pour lui obtenir un titre provisoire de séjour. Elle est nourrie, logée et payée. Que veut-elle de plus ? ». L'intéressée, elle, ne bronche pas. La peur et le souvenir de la douloureuse traversée des différents déserts la rongent. Avec sa maîtrise en gestion, Eke travaille 14 heures par jour dans une fiduciaire. Il est à la fois livreur, comptable, rédacteur, démarcheur et garçon de courses. Il a droit à un salaire mensuel « aléatoire » de 1500 DH qu'il ne perçoit parfois qu'au-delà du 15 du mois suivant. « Je dois en envoyer la moitié à mes pauvres parents. Pour le reste, je me débrouille avec mes compagnons de chambre », dit-il. « L'arroseur arrosé ! ». Les subsahariens Tijanis ou Mourides peuvent compter sur des fidèles qu'ils apostrophent après le Dohr ou l'Asr. « C'est dangereux de tenter la même chose à la tombée de la nuit. Beaucoup de policiers font leurs prières dans les mosquées après la sortie des bureaux », nous dit Ahmadou qui dort dans un garage de tôlerie en contrepartie de quelques bricoles (redressement de tôle, pansage, nettoyage du garage…etc.) « Le Maroc qui continue à accueillir des milliers d'étudiants venus des quatre coins d'Afrique noire fait face aujourd'hui à une immigration subsaharienne lourde. N'ayant pas les moyens d'assurer à cette dernière une vie digne, il est appelé à trouver avec les pays d'origine les voies d'une coopération soutenue au chapitre migratoire », nous dit Mohamed Hatim, militant de l'AMDH. En fait, la coopération sud-sud n'est pas un vain mot au Maroc. Chacun sait ce que les ténors du jeune capitalisme entrepreneurial marocain sont en train de tisser comme liens partenariaux massifs au cœur de l'Afrique subsaharienne. Sur le plan de la coopération proprement dite, le Maroc peut s'enorgueillir d'accueillir quelques milliers d'étudiants subsahariens sur son sol (voir encadré). Mais les tabors des adeptes subsahariens du séjour irrégulier gonflent de jour en jour. Dans certains quartiers où se concentrent ces voyageurs du désespoir, les frictions se multiplient entre la population et ces « hôtes » que personne n'attendait vraiment. Cela étant, pour beaucoup de nos concitoyens confrontés au phénomène migratoire subsaharien, le respect de la personne humaine s'impose.