Conscient desA maux dans lesquels pataugent les médecins du secteur public, le ministère de la santé refuse d'ouvrir les négociations. De ce fait, les médecins, grévistes, menacent de monter le ton et même de cesser toute activité au sein même des services sensibles des hôpitaux. La grève menée par les médecins internes et résidents, appartenant au syndicat indépendant des médecins du secteur public, est au terme de son 3ème mois. Tout en maintenant les services essentiels aux urgences, unités de réanimation et de soins intensifs, les grévistes campent sur leur position. Comme si le gouvernement et notamment le ministre de la Santé, opte pour une politique de l'indifférence, la pression monte de plus en plus, et elle pourrait s'accélérer et toucher les urgences. Mauvaises surprises Hopital d'Encologie Moulay Abdallah, Rabat. Il est impossible de passer par la grande porte visiblement délaissée, à côté des chaises alignées, sans voir ces malades allongés sur les espaces vert. Des patients qui, après auscultation, traînent des ordonnances et s'adressent aux visiteurs pour les aider à acheter leurs médicaments que l'infirmerie ne fournit plus, faute de stock. Dans le bureau du médecin, qui est en même temps une salle d'auscultation partagée entre deux médecins, les failles ne peuvent que gonfler la liste des manques. Ne disposant pas de bureau propre ni de salle de réunion, Fahd Bendahman, Docteur en médecine générale, bénévole en cours de formation spécialisée en anesthésie et réanimation, nous a reçus dans la salle de repos pour médecins de garde. Et pour quelle qualité de repos ! Cette mini salle ne peut qu'être qualifiée de grabat pour misérable. On ne peut rester indifférent aux revendications des médecins du secteur public.D'après Fahd Bendahman, la position des grévistes est expliquée par une prise de conscience des maux qui rongent la profession, et par conséquent, accentuent la dégradation de la santé de la population. «Imaginez que le médecin spécialiste et l'étudiant poursuivant ses études en médecine ne disposent d'aucune couverture sociale» souligne amèrement Fahd Bendahmane, qui a cité le cas d'une femme médecin, résidente, atteinte d'une méningite qui lui a été transmise par un patient. Ne disposant d'aucune couverture sociale, elle a été prise en charge par son mari. Pis encore, un jeune étudiant en 6ème année de médecine, a attrapé au sein des services de garde pédiatrie, une méningite tuberculeuse, qui lui a causé un handicap à vie. Au lieu d'être porteur d'un diplôme de docteur en médecin, il est rentré à Oujda avec un handicap qui alourdit les charges des parents. Devant de tels faits, les mauvaises surprises sont asphyxiantes. Ceux qui devaient veiller à la santé publique, souffrent de l'absence de couverture sociale. Que de doléances listés ! Bendahman ajoute qu'il est injuste, qu'après 9 ans et demi, on est docteur en médecine et que ce titre est loin d'être équivalent au doctorat national en sciences quelconques, tels que l'Economie, Droit juridique ou autre. Ce dernier titre attribue à son porteur le droit à un salaire qui frôle 15000 DH, alors que le docteur en médecine perçoit un salaire de 7400 DH. Cette injustice s'amplifie, du fait que les médecins spécialistes ne perçoivent que 2000 DH, en exerçant à titre bénévole, au cours de leur formation de spécialiste. Il parait que la situation du médecin interne, qui perçoit 7300 DH et bénéficie d'une couverture sociale est plus à l'aise, mais pour Fahd et ses camarades, ce statut ne peut être désiré dans la mesure où un médecin spécialiste refuse d'exercer avec des moyens de bord dans des régions enclavées du Royaume. L'Etat indifférent C'est une aberration d'affecter un médecin spécialiste dans un hôpital où il ne va pas pratiquer sa spécialité. Le besoin d'une infrastructure, voire même l'absence de moyens de vivre de façon digne, dans les régions désenclavées, est un véritable handicap pour exercer sous contrat. Par souci de ne rien omettre, Bendahman ajoute que les jeunes en blouses blanches qui enchaînent des gardes de quarante huit heures et triment quelques quatre vingt dix heures par semaine en moyenne, sont privés de la mise en application d'un régime d'indemnisation de garde, d'astreintes et dés heures supplémentaires Face à ces conditions défavorables, les praticiens ont l'impression qu'il s'agit d'une punition pour compenser l'effort pouvant être fourni par des médecins compétents appelés à exercer sans réels moyens. Comment peut-on optimiser la rentabilité et le rendement d'un secteur en défaillance ? Pour bannir les obstacles et exercer sous «le serment d'Hippocrate» qui pèse lourd sur la conscience, les médecins du secteur public ont établi un ensemble de revendications, à savoir la révision du statut des médecins, couverture sociale aussi bien pour les médecins que pour les étudiants, la révision à la hausse des salaires, à l'équivalence du doctorat en médecine à celui national, l'indemnisation des heures supplémentaires et de garde Si le mutisme et l'indifférence du ministère de la Santé règnent encore, et le refus d'ouvrir de véritables négociations avec le syndicat indépendant, sous prétexte qu'il est loin d'être représentatif, les grévistes menacent de passer à une vitesse supérieure. Conséquence, sacré coup pour la santé public.