Le projet de loi sur la violence renforce la sanction pénale sur le harcèlement sexuel qui est considéré par le législateur marocain comme étant une violation de droit de la femme aussi bien physique que morale. Me Nezha Alaoui s'explique. La Gazette du Maroc : un projet de loi sur le harcèlement sexuel ! De quoi s'agit-il ? Me Nezha Alaoui : Tout d'abord, il faut souligner qu'il y a déjà plusieurs années que le législateur marocain a largement pris conscience d'un mal socio-économique. Il s'agit du harcèlement sexuel. Le législateur n'a pu nier les effets pervers d'un tel phénomène sur la femme. De ce fait, la réaction du législateur ne s'est pas faite attendre, et on a assisté à plusieurs réformes relatives au code pénal pour sanctionner toute personne coupable de harcèlement sexuel. Et l'article loi 1-503 du Code pénal prévoit une sanction à l'encontre de l'harceleur et ce que nous pouvons dire, c'est qu'elle est légère. Ce code considère le harcèlement sexuel comme un défi, pouvant coincer l'harceleur, qui selon la loi peut purger de 2 ans à 5 ans de prison ferme avec une amende allant de 5.000 jusqu'à 50.000 Dhs. Pour la loi, toute pratique de mettre sous pression, agression ou violence exercée sur la femme pour l'induire dans un acte sexuel abusif ou non mais contesté par le sujet harcelé, est considérée comme un harcèlement sexuel, donnant droit à la femme de poursuivre son harceleur en justice. Et là, je précise que la loi sur le harcèlement est trop vague, impersonnelle et contraignante et le verdict dépendra de beaucoup de facteurs. En général, vis-à-vis de la loi, le harcèlement sexuel est vu comme une violation de droit de la femme, le droit à son intégrité physique et morale, gênant sa liberté. Cette même loi ne donne droit à personne de profiter de sa position de «hiérarchie» pour abuser de son pouvoir et exercer des actes de harcèlement sexuel sur la femme. La loi semble s'arrêter au monde du travail, n'est-ce pas ? L'article 40 du Code du travail paru en 2003, prévoit une sanction à l'encontre de l'harceleur employé tout en considérant le licenciement de l'employée ayant refusé de se soumettre aux caprices sexuels de son supérieur comme étant un licenciement abusif pour faute grave. Il faut rappeler que la prise de conscience d'un tel phénomène considéré comme «un mal de société» n'est pas chose nouvelle. Quant au projet de loi en lui-même, on peut dire qu'il a été généralisé pour toucher à toutes les formes de violence et d'agression, pouvant avoir lieu dans un rapport homme/femme soit dans la relation conjugale, professionnelle, ou dans la vie publique en général. Sans nier que l'angle relatif au harcèlement sexuel est fort important dans ce projet de loi, du fait que ce mal est non seulement social mais aussi économique et prend une ampleur inquiétante. Il est bien évident que si la loi sur les violences contre la femme voit le jour, la partie réservée au harcèlement, renforcera certainement la position juridique de la femme pour dire «Non» à l'harceleur. Du fait que ce projet de loi se penche également dans un engagement citoyen destiné à combattre ces pratiques et de libérer l'économie de leurs effets négatifs, Le harcèlement dans les lieux publics est aussi un axe fort présent dans ce projet de loi. La loi à elle seule, peut-elle combattre efficacement le harcèlement sexuel ? Certes, la législation qui assume les bases fondamentales des sociétés dites avancées en matière de droit de l'homme, ne peut qu'être davantage garantie par la loi. Mais il n'y a pas que l'Etat qui doit prendre sa part de l'émergence de la société civile marocaine qui doit constituer une force socio-politique qui milite pour les droits humains en général et de la femme en particulier. Certes, pour lutter contre le harcèlement sexuel, la loi n'est pas une baguette magique. Si les efforts de plusieurs ne se combinent et ne se mobilisent pas pour concrétiser cette loi et veiller à son applicabilité, elle risque de demeurer lettre morte et le harcèlement sexuel perdurer sous un silence qui bloque notre développement socio-économique. C'est aux femmes de tous bords, aux médias et aux associations féministes que revient la délicate mission de sensibiliser l'opinion publique. Il faut briser les obstacles qui entravent la bonne marche des droits de la femme. Il s'agit d'un travail en profondeur, les femmes doivent continuer à lutter d'une façon désintéressée et honnête pour sortir leurs semblables des drames sociaux, tel que le harcèlement sexuel. Il faut reconnaître que le mouvement associatif marocain a changé de cap. De simples prestataires de service, les associations féminines s'érigent aujourd'hui en redresseurs de torts et en éveilleurs de conscience poussant les individus à s'assumer eux-mêmes. Ceci dit que la société civile marocaine a réalisé plusieurs avancées dans des domaines comme les droits de la femme. Actuellement des acteurs originaux marquent de leur empreinte le débat public et malmènent les mentalités pour bousculer certains tabous de la société marocaine et notamment le harcèlement sexuel. Dans quelle mesure peut-on rétablir l'image de la femme, pour lutter contre le harcèlement sexuel ? Il est très important de rétablir l'image de la femme ! Actuellement, la diffusion des expériences et de savoir-faire, reste encore limitée et un réel besoin de mise en synergie des efforts et de travail en réseau se fait sentir. Nous sommes appelés à élaborer une stratégie globale et à promouvoir une culture de partenariat entre l'homme et la femme. Ce n'est qu'en agissant ainsi, que nous relevons les défis de l'avenir et nous continuons la marche glorieuse. Que pensez-vous de l'approche «Genre» appréhendée par les stratèges managériaux ? Ma conviction ne peut qu'être forte, quant à l'égalité des chances et des compétences nous sommes face à un projet de société à bâtir sur des bases saines. Tournons le dos aux processus générant encore de l'intégralité qui mènent à l'exclusion. Si nous devons nous battre en faveur de la condition de la femme, ce n'est pas parce que les formules et les propos du pacte international relatifs aux droits civils et politiques ratifiés par le Maroc imposent un tel mouvement, mais, je rappelle que nous sommes face à des contraintes de développement économique et social. Seule une stratégie de « reconnaître les compétences » et de «considérer l'autre pour son genre et non pour son sexe», peut nous offrir une chance pour rendre notre économie plus compétitive. (*) avocate au barreau du Kénitra et coordinatrice des tribunaux arabes contre la violence, et présidente de l'Union de l'Action Féminine.