Le Salon de l'agriculture qui s'était tenu à Paris au Palais des Expositions de la porte de Versailles, a été suivi par le salon international du Livre. En apparence, il n'y avait là rien que du normal. Sauf que cette année, l'invité d'honneur était Israël, et non pas les écrivains israéliens ou la littérature israélienne, ce qui aurait sauvegardé la nature littéraire du salon. Il faut être aveugle ou d'une grande complaisance pour ne pas voir la manœuvre politique qui a poussé les pays arabes à boycotter cette manifestation. Il s'agit nettement d'un coup, comme il y en a eu d'autres, monté par le même entourage du Président français. Tout d'abord, on l'a convaincu que sa chute dans les sondages était dûe en partie à la visite officielle du chef de l'Etat Libyen, en plus du pouvoir d'achat. Le chef de l'Etat français et son entourage, ont cru plus commode de rétablir les choses, en désignant Israël comme vedette de l'exposition et, en prime, en invitant en visite d'Etat, le président de l'Etat hébreu, Shimon Pérès, terroriste à l'origine. Si le boycott des pays arabes est légitime, on ne comprend pas l'attitude de certains écrivains maghrébins qui prétendent que le Salon n'a rien de politique et qu'ils participeront donc. Il faut saluer cet acte de «courage» et en même temps leur rafraîchir la mémoire. L'année 2008 marque le 60e anniversaire de la spoliation des Palestiniens de leur patrie. La visite officielle de Shimon Pérès s'effectue entre les deux tours des élections municipales. Au dîner du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives), le Président français, après d'autres élucubrations, a affirmé qu'il ne serrera plus la main de quiconque refuserait de reconnaître Israël. Comment ne pas reconnaître que ce salon n'a pas été politisé par l'Elysée. Si la présidence a voulu faire les choses d'une manière relativement discrète, Shimon Pérès ne l'entendait pas de cette oreille. Il a tenu à mettre les pieds dans le plat et a déclaré à une chaîne de TV française : «Toutes les guerres que nous avons gagnées contre les Arabes l'ont été avec des armes françaises. La France a toujours été de notre côté». Puis il s'est carré dans son fauteuil avant d'ajouter : «Vous savez, j'aime bien les secrets. Je vais vous en confier un. Notre bombe atomique avait été construite d'après un réacteur nucléaire que la France nous avait livré secrètement». On se demande ce qu'il faut de plus pour nos écrivains français d'origine maghrébine, quand les plus belles avenues de Paris sont ornées de drapeaux israéliens. Où est la littérature dans cette affaire ? Que nos écrivains –on les revendique- aient parmi leurs amis des écrivains israéliens, c'est naturel. Qu'ils aient même visité Tel-Aviv, la curiosité n'est pas un crime. Mais, nier l'évidence, cela relève de l'aveuglement ou d'autre chose. Enrico Macias, le chanteur, ou Alain Fihkelkrant, le philosophe, poussent à la télévision des hurlements en faveur d'Israël, la plus grande puissance militaire de la région du Moyen-Orient, alors que nos écrivains sont pour le moins timides, quant à la Palestine. Et, puisque la mode est au badge et qu'ils visiteront le salon du Livre, ne serait-ce que pour y dédicacer leurs ouvrages, on leur conseille de porter un badge portant l'inscription : «Justice pour la Palestine». Comme dit l'autre, ça ne mange pas de pain. Ce n'est pas pour les gêner davantage, mais on rappellera ce que disait Albert Camus, pendant la guerre du Maghreb : «Entre la justice et ma mère, je choisirai ma mère». En l'occurrence, le choix d'aujourd'hui est relativement facile, puisque mère et justice se confondent. Cependant, quand on note les difficultés que connaissent nos écrivains pour accéder aux différents médias pour porter leur parole au public, on peut comprendre sans adhérer. Car, parfois, c'est «le confort intellectuel» de Marcel Aimé qui prend le dessus. Ne parlons pas de vanité, ce serait injurieux. Par contre, l'ambition est honorable, et il faut qu'elle le soit. C'est une simple spéculation, il y a peut-être des écrivains maghrébins qui espèrent augmenter leurs tirages. Ceux qui sont connus et reconnus, espèrent peut-être des décorations qui relèvent plus de la vanité que de l'ambition. Et puis, il y a le rêve. Rêver de franchir le Quai Conti pour se rendre à l'Académie française, si un vieillard se décidait à aller visiter l'autre monde. Cependant, dans ce dernier cas, il y a une totale impossibilité. Un académicien porte une épée, qui est considérée comme une arme blanche. Un Maghrébin avec une épée dans Paris…